(Ottawa) Le grand chef de Kanesatake, Victor Bonspille, a imploré les parlementaires jeudi de l’aider à régler le problème du dépotoir illégal de G&R Recyclage qui pollue les cours d’eau de sa communauté et des municipalités avoisinantes. Il était de passage dans la capitale fédérale jeudi au lendemain d’une réunion d’urgence pour tenter de régler la paralysie du conseil de bande.

« Nous sommes presque désespérés que quelque chose soit fait », a-t-il dit à la douzaine de députés qui siègent au comité permanent de l’environnement de la Chambre des communes.

Il a fait valoir que le problème du dépotoir illégal dépassait les frontières de sa communauté et touchait plusieurs municipalités avoisinantes. Trois ruisseaux traversent le site et l’eau contaminée se déverse dans le lac des Deux Montagnes.

« Les gens doivent réaliser que ce n’est pas un problème de Premières Nations », a-t-il ajouté. « C’est un enjeu de santé et un enjeu environnemental. »

La Presse révélait la veille qu’une solution proposée par le gouvernement fédéral pour tenter de régler le problème d’odeurs nauséabondes émanant de ce dépotoir était dans l’impasse depuis des mois en raison de querelles entre les sept dirigeants de la communauté.

L’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador avait accepté en juin de coordonner les efforts pour atténuer ces mauvaises odeurs et déterminer le coût des travaux de décontamination, à condition d’avoir l’accord de l’ensemble du Conseil mohawk de Kanesatake.

Or, le conseil est divisé en deux factions qui ne s’entendent pas sur la question. Le gouvernement fédéral a proposé une médiation, mais les deux parties la rejettent. « Nous avons déjà eu une médiation et la Sûreté du Québec avait dû être appelée parce que ça allait en venir aux coups », a expliqué M. Bonspille.

Le grand chef, qui est appuyé par sa sœur jumelle Valerie Bonspille, a demandé un droit de veto au gouvernement fédéral pour contrecarrer les décisions des cinq autres chefs dissidents. Ceux-ci veulent l’assurance du gouvernement fédéral qu’il assumera complètement les frais de nettoyage du site. Sa requête est demeurée sans réponse.

« Nous avons eu plus d’attention du gouvernement provincial avec le ministre [Ian Lafrenière] que du gouvernement fédéral », a-t-il déploré.

« Il y a une rigidité institutionnelle qui rend toute intervention à peu près impossible », avance en entrevue le député bloquiste Jean-Denis Garon, dont la circonscription de Mirabel subit les répercussions. « Il me semble que dans aucune autre institution, on ne demanderait l’unanimité d’un conseil, d’un parlement, d’un conseil de ville pour être capable de procéder à la décontamination », a-t-il ajouté.

Des enquêtes de La Presse en mai et en juin avaient permis de constater qu’une eau brunâtre s’écoulait du site de G&R Recyclage et dépassait de 144 fois la concentration de sulfures jugée sûre pour la survie des poissons. Le dépotoir appartient aux frères Robert et Gary Gabriel, qui traînent tous deux un lourd passé criminel.

Environ 50 membres de la communauté ont appuyé pour la deuxième fois une motion de censure contre les cinq chefs dissidents lors de la réunion d’urgence mercredi soir, mais ceux-ci ne reconnaissent pas la légitimité du vote. Le grand chef Bonspille veut maintenant demander des fonds au gouvernement fédéral pour la tenue d’élections générales. Il affirme que ces cinq individus, dont fait partie l’ancien grand chef Serge Otsi Simon, contrôlent les finances de sa communauté.