(Québec) La commissaire à l’éthique et à la déontologie conclut que France-Élaine Duranceau a « favorisé de manière abusive les intérêts personnels de son amie » et ancienne partenaire d’affaires, Annie Lemieux, en conférant à cette dernière un « accès privilégié » au gouvernement lors de son début de mandat comme ministre responsable de l’Habitation. Cette dernière reconnaît désormais son erreur « de bonne foi » et promet de respecter les règles à l’avenir.

En décembre 2022, Mme Duranceau a participé à une rencontre professionnelle avec Mme Lemieux, qui agissait alors à titre de lobbyiste auprès d’elle et de la ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger. Cette rencontre s’est tenue près d’un mois après la formation du conseil des ministres.

Annie Lemieux, actionnaire de plusieurs entreprises actives dans l’immobilier, s’était à l’époque enregistrée comme lobbyiste pour intervenir auprès de Mme Duranceau. Les deux femmes étaient également partenaires d’affaires dans trois sociétés.

Dans son rapport d’enquête déposé jeudi au Parlement, la commissaire à l’éthique et à la déontologie, Ariane Mignolet, conclut que « la ministre a joué un rôle actif et déterminant en agissant comme point de chute des interventions à l’endroit de son cabinet en l’absence de procédure claire et définie pour traiter l’organisation de rencontres ».

Après analyse, elle ajoute que cette rencontre était « en rétrospective peu utile à ce moment » et qu’elle a été « indûment priorisée en raison du lien entre la ministre et son amie ».

« Une personne ne peut bénéficier d’un accès direct et privilégié à une ou un ministre du simple fait qu’elle détient les coordonnées personnelles de ce dernier. Il est clair qu’en présence d’un lien de proximité significatif, une étanche frontière doit séparer les sphères personnelle et professionnelle de la vie d’une personne élue », rappelle Mme Mignolet.

Duranceau reconnaît son imprudence

En juin, lorsque le député libéral Monsef Derraji avait demandé à Mme Mignolet d’enquêter sur le cas de France-Élaine Duranceau, la ministre avait répliqué qu’elle n’avait « rien à [se] reprocher ». Dans les conclusions de son enquête, la commissaire à l’éthique écrit que la ministre reconnaît « avoir agi de façon imprudente et [qu’elle] comprend désormais son erreur ».

« J’ai eu une rencontre avec la commissaire à l’éthique. J’ai lu son rapport, qui était très éclairant, et moi, je l’ai reconnu. J’ai été imprudente là-dedans et ce n’est pas la façon de procéder en politique. J’ai organisé un meeting avec quelqu’un que je connaissais, comme j’ai toujours fait dans le milieu des affaires, [mais] en politique, ça ne fonctionne pas comme ça. C’est une erreur de bonne foi et moi, je vais faire les choses dans les règles de l’art », a déclaré Mme Duranceau à sa sortie du Salon bleu.

Puisqu’elle reconnaît son erreur, la commissaire Mignolet affirme qu’elle « n’a pas considéré opportun de recommander l’imposition d’une sanction ». Pour sa part, le premier ministre François Legault estime que c’est selon lui « une erreur de bonne foi [qui n’a] pas eu d’impacts financiers ».

En poste sans connaître les règles

Selon Mme Mignolet, « un trop grand nombre d’élus entrent en poste sans maîtriser ni même connaître les principales dispositions du code » d’éthique.

« Il est donc essentiel que les parlementaires, surtout celles et ceux qui deviennent directement membres du Conseil exécutif, puissent bénéficier d’une formation très rapidement après leur entrée en fonction. Les membres de l’Assemblée nationale devraient être sensibilisés en amont à l’existence de principes éthiques et de règles déontologiques propres au milieu parlementaire et les partis politiques ont à ce titre une importante responsabilité », affirme-t-elle.

« En présence d’un lien de proximité significatif entre une ou un parlementaire et une personne qui souhaite le rencontrer, il est impératif d’établir des mesures efficaces de prévention des conflits d’intérêts », conclut Mme Mignolet.