Sous bâillon, à la régulière, dans la controverse ou dans l’indifférence, 37 lois ont été adoptées à l’Assemblée nationale du Québec en 2023. Voici un résumé des modifications législatives les plus marquantes.

15 février : No 2 Loi visant notamment à plafonner le taux d’indexation des prix des tarifs domestiques de distribution d’Hydro-Québec et à accroître l’encadrement de l’obligation de distribuer de l’électricité

Elle répare une brèche créée par une autre loi caquiste, adoptée sous bâillon et qui liait les tarifs d’électricité à l’inflation. Le ministre vient donc plafonner le taux d’indexation à 3 % pour le secteur résidentiel seulement : il voulait éviter une flambée des prix. Une autre loi devra toutefois être adoptée en 2024 pour se soustraire à une importante hausse en 2025 lorsque la Régie de l’énergie devra réévaluer les tarifs.

18 avril : N10 Loi limitant le recours aux services d’une agence de placement de personnel et à de la main-d’œuvre indépendante dans le secteur de la santé et des services sociaux

L’objectif de la loi, adoptée à l’unanimité, est d’interdire complètement les agences privées de placement dans le domaine de la santé d’ici 2026.

La pratique sera interdite :

  • en octobre 2024 pour Montréal, Laval, la Montérégie, la Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches ;
  • en octobre 2025 pour le Saguenay–Lac-Saint-Jean, la Mauricie, le Centre-du-Québec, l’Estrie, Lanaudière et les Laurentides ;
  • en octobre 2026 pour le Bas-Saint-Laurent, l’Outaouais, l’Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord, le Nord-du-Québec, la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et le Nunavik.

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Le ministre Simon Jolin-Barrette avait rencontré Océane (prénom fictif) par visioconférence pour lui annoncer qu’une loi modifierait le droit de la famille.

31 mai : No 12 Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d’une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui

Avec cette loi, une mère victime de viol pourra refuser à son agresseur l’établissement de sa paternité. Près de 170 enfants naissent d’un viol chaque année au Québec, selon le ministère de la Justice. Le ministre Simon Jolin-Barrette a dit qu’il s’était inspiré du cas d’Océane (prénom fictif), rapporté par La Presse en août 2022, pour rédiger cette loi. Un tribunal québécois avait ordonné à ce moment qu’un bambin de 2 ans soit soumis à un test d’ADN et que les résultats soient transmis au violeur de sa mère. Elle encadre également la grossesse pour autrui, pour que les droits des enfants et des mères soient protégés.

1er juin : No 19 Loi sur l’encadrement du travail des enfants

Elle interdit aux enfants âgés de 13 ans et moins de travailler sauf pour certains emplois, comme gardien d’enfants, aide aux devoirs ou encore moniteur dans une colonie de vacances. Depuis le 1er septembre, les enfants en âge de travailler ne peuvent plus avoir un horaire de plus de 17 heures par semaine pendant l’année scolaire. Selon les chiffres du ministère du Travail, près de 90 000 jeunes âgés de moins de 14 ans travaillaient à temps partiel.

6 juin : No 24 Loi donnant suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif indépendant sur la révision de l’indemnité annuelle des membres de l’Assemblée nationale

Cette loi controversée a permis aux députés de se voter une généreuse hausse de salaire de 30 %, équivalant à 30 000 $ par année pour un simple député. Mais cette augmentation est encore plus importante pour la grande majorité des députés (115 sur 125), qui touchent une indemnité additionnelle parce qu’ils occupent une fonction parlementaire. La loi du gouvernement Legault a été adoptée avec la collaboration du Parti libéral du Québec. Le Parti québécois et Québec solidaire s’y sont opposés et ont promis que leurs députés allaient redonner en tout ou en partie cette hausse en fonction de certains critères.

7 juin : No 11 Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives

La loi élargit l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes aux prises avec un handicap et permet aux personnes souffrant de maladies graves et incurables, comme l’alzheimer, de faire une demande anticipée pour recevoir ce soin ultime. Les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) pourront dorénavant administrer l’aide médicale à mourir, qui pourra être reçue à l’extérieur d’un établissement de santé ou du domicile, comme au salon funéraire ou dans tout autre lieu qui n’était pas prévu par la loi.

3 octobre : No 29 Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens

Cette loi interdit de vendre des biens dont la durée normale de fonctionnement a été délibérément limitée. Elle a créé une mesure « anticitron » pour protéger les consommateurs contre les automobiles « gravement défectueuses ». Elle innove avec une garantie de bon fonctionnement pour des électroménagers comme les réfrigérateurs et les lave-vaisselle. La loi obligera les constructeurs automobiles à transmettre toutes les données de diagnostic aux garagistes du coin pour qu’ils puissent réparer les véhicules sans entraves.

28 novembre : No 22 Loi concernant l’expropriation

Elle répond à une promesse de François Legault faite aux villes, qui souhaitaient payer moins cher lorsqu’elles font des expropriations pour protéger des territoires ou pour construire du logement. La loi modernise la Loi sur l’expropriation en balisant de façon stricte l’indemnité à verser à l’exproprié.

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Régine Laurent lors du dépôt du rapport de la commission qu’elle a présidée.

5 décembre : Dépôt du projet de loi No 37 Loi sur le commissaire au bien-être et aux droits des enfants

Le gouvernement Legault a mis en œuvre la recommandation phare de la commission Laurent en déposant le projet de loi instaurant un poste de commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Il aura le même statut que le protecteur du citoyen ou le vérificateur général. Il bénéficiera d’une totale indépendance, sera nommé sur proposition du premier ministre à la suite d’un vote des deux tiers des députés et aura pour mission de veiller à la protection des intérêts des enfants de 0 à 17 ans et des jeunes adultes (18-25 ans) qui ont été pris en charge pendant leur enfance par la direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

7 décembre : No 23 Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique et édictant la Loi sur l’Institut national d’excellence en éducation

Elle vient mettre en œuvre la réforme du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville. Elle lui procure le pouvoir de nommer – et de limoger – les directeurs généraux des centres de services scolaires, d’encadrer la formation continue des enseignants et d’améliorer l’accès aux données du réseau scolaire, par exemple.

8 décembre : No 39 Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres dispositions législatives

Québec vient donner le pouvoir aux villes de lever une série de nouvelles taxes : une taxe sur les logements vacants ou sous-utilisés et une autre sur les terrains vagues afin de répondre à la crise du logement. Elle permettra également à toutes les villes qui ont du transport collectif d’imposer l’immatriculation des véhicules en fonction de leur consommation d’essence. Les partis de l’opposition l’ont associée à une « taxe bleue », comparable à la « taxe orange » de Québec solidaire que François Legault critiquait en campagne électorale.

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Avec la loi 15, Santé Québec devient l’employeur unique des quelque 330 000 employés du réseau de la santé.

8 décembre : No 15 Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace

Adoptée sous bâillon, cette loi crée Santé Québec, une société d’État au même titre qu’Hydro-Québec. Elle supervisera tout le volet opérationnel du réseau de la santé. La définition des grandes orientations et des stratégies gouvernementales demeurera dans le giron du ministère de la Santé et des Services sociaux. Santé Québec devient également l’employeur unique des quelque 330 000 employés du réseau pour « réduire la bureaucratie » et améliorer l’« efficacité ».

D’autres lois adoptées en 2023

  • 15 mars : No 8 Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec
  • 1er juin : No 16 Loi modifiant la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et d’autres dispositions
  • 7 juin : No 20 Loi instituant le Fonds bleu et modifiant d’autres dispositions
  • 7 juin : No 25 Loi visant à lutter contre l’hébergement touristique illégal
  • 24 octobre : No 34 Loi visant à moderniser la profession notariale et à favoriser l’accès à la justice