Ottawa s’impatiente face aux problèmes d’accès en français aux centrales d’appel d’urgence 911 qui se répètent. Dans une lettre au CRTC, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie François-Philippe Champagne dit s’attendre à ce que l’organisme agisse « le plus tôt possible » pour améliorer la situation.

« Je prendrai d’autres mesures si la situation n’est pas résolue rapidement », assène la lettre.

Son intervention fait suite à des articles de La Presse cette semaine sur des services unilingues anglophones aux services d’urgence, à partir du Québec. Les appels en question sont passés par des réseaux de téléphonie par internet, ou encore par le réseau cellulaire, mais dans une zone éloignée non desservie par une centrale d’urgence.

« Je suis profondément troublé par les multiples signalements de Canadiennes et de Canadiens francophones qui ont appelé le 911 et qui ont été servis en anglais », écrit-il dans la lettre, rendue publique sur le réseau X.

Le problème « nécessite une attention immédiate de la part du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC) », l’organisme qu’il chapeaute et qui réglemente l’industrie, dit le ministre Champagne.

« Je sais que le CRTC prend des mesures pour régler cette question importante, dit-il. Cependant, il est clair qu’un problème plus grave existe et que celui-ci doit être résolu, et ce rapidement. »

Le ministre a aussi un message pour l’industrie des télécommunications, à qui il demande « de s’attaquer à la question avec la rapidité et le sérieux qui s’imposent ».

« C’est une question de sécurité publique, écrit-il. Nous ne pouvons pas laisser des problèmes techniques compromettre la sécurité de la population canadienne. »

Le ministre Champagne se dit « extrêmement préoccupé de ce qui aurait pu arriver ».

« La population canadienne dépend des services d’urgence 911 lorsqu’elle est confrontée à des situations potentiellement mortelles. »

Le CRTC n’a fourni aucune réaction à La Presse. Dans une lettre aux entreprises de télécommunication publiée sur son site vendredi, l’organisme dit être « très préoccupé par la capacité des Canadiens à accéder aux services essentiels 911 dans la langue officielle de leur choix ». « En tant que fournisseurs de services de télécommunications, vos clients s’attendent à ce que vous garantissiez l’accès à ces services. »

Le chien de garde fédéral de l’industrie dit enquêter « activement » sur « des incidents récents au cours desquels des Canadiens ont signalé être incapables d’obtenir un service d’urgence dans la langue officielle de leur choix ».

Zones isolées

Le CRTC exhorte les compagnies télécommunications à « revoir sans délais leurs contrats avec les centres d’appels d’urgence tiers », comme Northern 911, l’entreprise ontarienne au cœur des controverses sur l’accès au service d’urgence en français.

Mercredi, La Presse rapportait comment une abonnée aux services mobiles de Rogers a dû s’expliquer en anglais lors d’un appel d’urgence, le 29 décembre. Alors qu’elle était sur un tronçon isolé de la route 175 entre Saguenay et Québec, elle voulait signaler des sorties de route.

L’opératrice au bout de la ligne était une employée de Northern 911. Cette entreprise ontarienne traite des appels d’urgence qui ne peuvent pas aller directement aux vraies centrales 911, parce qu’ils proviennent de zones qu’elles ne desservent pas.

Depuis, une autre cliente de Rogers a contacté La Presse pour lui faire part d’une expérience similaire, en janvier 2023. Alors qu’elle était perdue en ski de fond dans les environs du Camp Mercier, dans la Réserve faunique des Laurentides, elle a contacté les services d’urgence sur sa ligne mobile. En pleine tempête, elle avait froid et la batterie de son téléphone était de plus en plus faible.

Son interlocuteur ne parlait qu’anglais et ne connaissait pas du tout le Québec. « Le Camp Mercier, la Réserve des Laurentides, Wendake… il ne savait pas où c’était, dit cette lectrice de La Presse, qui désire garder l’anonymat. Quand je lui disais mon nom, il ne comprenait pas. »

En réaction à la sortie du ministre Champagne, le géant des télécommunications Rogers reconnaît qu’il doit être « en mesure de répondre adéquatement aux interventions d’urgence ».

« Nous avons mis en place une solution pour faire en sorte que les appels de francophones du Québec soient traités et pris en charge en français par les spécialistes d’intervention d’urgence de notre fournisseur tiers », mentionne un courriel de la porte-parole Laura Crochetiere, sans expliquer cette solution.

Téléphonie IP

Lundi, La Presse rapportait aussi comment un Montréalais avait été incapable d’obtenir un service en français lors d’un appel au 911 par son téléphone IP de Transat Télécom, le 9 janvier. Comme ces lignes par internet ne se connectent pas directement aux centrales d’urgence locales, l’entreprise québécoise les achemine elle aussi à Northern 911, qui domine ce marché au Canada.

Au printemps dernier, Le Devoir rapportait déjà comment un résidant de Chaudière-Appalaches utilisant une ligne IP d’Oxio, une filiale de Cogeco Communications, avait lui aussi reçu chez Northern 911 un service en anglais seulement, alors que sa conjointe venait de s’effondrer par terre.

Lisez l’article « Appels au 911 ; In English only, même sur mobile » Lisez l’article « Téléphonie internet Appel au 911 : in English only »