Près d’un milliard de dollars sont à la portée de Québec pour mieux financer le transport collectif, selon un regroupement d’organismes, qui appelle à indexer les taxes sur le carburant et l’immatriculation en plus de rehausser les revenus du marché carbone.

« On est en mode solutions aujourd’hui. Il faut redonner un élan au transport en commun », a soutenu jeudi le coordonnateur de l’Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec (TRANSIT), Samuel Pagé-Plouffe, lors d’une conférence de presse à Montréal.

Il estime qu’un « potentiel annuel » de 694 millions pourrait d’abord être obtenu en indexant les taxes sur l’immatriculation et le carburant. Ces deux taxes n’ont pas été indexées depuis 1992 et 2013, respectivement.

Une autre somme évaluée à plus de 279 millions par année pourrait par ailleurs être gagnée en faisant bondir la part des revenus du marché carbone dédiés au transport collectif de 25 à 50 %, soutient l’Alliance. Ce prorata, qui était jadis de 66 %, avait été abaissé à 25 % en 2022 par un décret ministériel.

Dans son Plan pour une économie verte 2023-2028, Québec estimait à 6,7 milliards les recettes anticipées de la bourse carbone, dont 664 millions pour subventionner l’achat de véhicules électriques et 318 millions pour l’installation de bornes de recharges. « Si on consacrait juste ces revenus spécifiques, on aurait déjà 196 millions de disponibles », note M. Pagé-Plouffe.

À plus long terme, son groupe affirme que la taxe sur le carburant pourrait être remplacée par un système de tarification au kilomètre ou par péages.

« Ce qu’il faut, c’est accélérer tout ce qui est législatif », a plaidé le coordonnateur en actions climatiques au Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement (RNCREQ), Gabriel Laroque. Il dénonce la « lenteur administrative » du gouvernement « qui engendre des délais très coûteux, surtout pour les plus petits joueurs du transport collectif ».

Ne pas revivre le « psychodrame »

L’Alliance présentait ses demandes alors qu’une nouvelle phase de négociations s’amorcera bientôt entre les sociétés de transport, les villes et la ministre des Transports, Geneviève Guilbault. L’objectif est d’en venir à un cadre de financement « récurrent et prévisible » sur cinq ans.

En 2023, les négociations s’étaient terminées abruptement, après des semaines d’échanges corsés sur la place publique. « Il ne faut absolument pas revivre ce psychodrame », a d’ailleurs prévenu la directrice générale de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon, qui milite pour une augmentation minimale de l’offre de service de 7 % en 2025, à travers le Québec.

Ces organismes demandent également à Québec, comme l’a déjà fait la Société de transport de Montréal (STM), de permettre aux transporteurs de réaliser des projets immobiliers autour de leurs réseaux, afin de générer plus de revenus.

« À Vancouver, ils se sont déjà dotés d’une division immobilière. Ça a trois effets : ils peuvent générer des revenus, ça accélère les interventions moins coûteuses pour la crise du logement et ça permet de mieux utiliser les infrastructures urbaines autour des stations de métro », a rappelé la professeure en études urbaines et membre du regroupement, Florence Junca-Adenot.

L’experte appelle les autorités à s’inspirer davantage de l’exemple de Vancouver, où la société TransLink impose une taxe sur l’essence de 18,5 sous le litre, ce qui a permis de toucher 425 millions en 2022. À Montréal, cette taxe est de trois sous le litre ; elle n’a permis d’obtenir que 89,5 millions la même année.

« Ce qu’on peut faire en Colombie-Britannique, on peut le faire au Québec », a illustré Mme Junca-Adenot, en saluant aussi la mise en place d’une taxe sur le stationnement et l’élargissement des rabais tarifaires dans la métropole de l’Ouest canadien.

70-30

La coalition espère enfin que le gouvernement Legault respecte son engagement, qui avait été pris lors de son élection en 2018, de rééquilibrer les investissements dans le réseau routier et celui du transport. Dans la prochaine décennie, les investissements au Plan québécois des infrastructures (PQI) sont de l’ordre de 31,5 milliards dans le réseau routier contre 13,8 milliards en transport collectif, ce qui équivaut encore grosso modo à un ratio de 70 %-30 %. « Tous les investissements dans le réseau routier devraient être en maintien d’actifs. On arrête de le développer », a fait valoir M. Pagé-Plouffe.