(Québec) Dans le contexte où les réductions de personnel se multiplient dans les médias d’information, dont plusieurs voient leurs revenus aspirés par « les barbares du numérique », la CSN propose à Québec d’instaurer des « infofrais » sur les appareils électroniques et les services internet afin de créer un nouveau fonds pour soutenir le journalisme local.

La présidente de la CSN, Caroline Senneville, tiendra un point de presse ce mardi à Québec, accompagnée de la Fédération nationale des communications et de la culture, afin d’expliquer les détails de cette demande, dévoilée à quelques semaines du dépôt du prochain budget du gouvernement Legault.

Concrètement, la CSN estime que la création d’un fonds réservé et récurrent qui serait financé « par l’instauration d’un infofrais de 2 % appliqué sur les achats d’appareils munis d’un écran (téléphones, tablettes, ordinateurs) ainsi que sur les services internet et mobiles » permettrait à Québec de récolter des revenus de l’ordre de 200 millions par année. À titre comparatif, l’entente conclue par Ottawa avec Google en lien avec l’entrée en vigueur de la Loi sur les nouvelles en ligne prévoit une somme indexée de 100 millions par année qui sera distribuée aux médias d’information admissibles.

Les sommes récoltées par l’entremise d’« infofrais » seraient versées à un fonds de soutien à l’information, suggère la CSN. Les paramètres devraient être établis « par l’ensemble des acteurs du milieu », dit-elle.

Bouleversements technologiques

« D’intéressants précédents existent : qu’on pense aux redevances chargées sur les cassettes vierges, VHS ou audio, instaurées pour soutenir les créateurs à l’époque où le piratage commençait à faire rage. Ou encore à l’écofrais perçu au Québec afin de prévoir la fin de la vie utile des batteries ou d’autres produits électriques », justifie la CSN.

Selon le syndicat, « l’arrivée des géants du web a complètement chamboulé la façon par laquelle nous consultons l’information et y avons accès », ce qui donne au gouvernement « l’obligation de préserver notre culture dans ce nouvel univers [pour que les citoyens] puissent avoir accès à des contenus d’information produits ici ».

Dans le cadre de son prochain budget, Québec est également pressé de renouveler et de renforcer le crédit d’impôt à la masse salariale de la main-d’œuvre journalistique et d’y inclure les salles de rédaction en télé et en radio « pour leur personnel travaillant à la production de contenus journalistiques ».

Pour une politique d’achat publicitaire

La CSN demande aussi au gouvernement Legault d’inciter les annonceurs du secteur privé à revenir en masse vers les médias d’information en leur permettant de « déduire de leurs impôts le double de leurs dépenses effectuées auprès de médias d’information locaux et qu’ils ne puissent plus déduire l’argent dépensé auprès des géants étrangers délinquants ».

Selon le syndicat, le gouvernement et les villes devraient par ailleurs adopter « une réelle politique d’achat publicitaire responsable en appui à nos médias d’information » et cesser « de tergiverser avec ces barbares qui refusent de se conformer aux règles fiscales en vigueur au Canada ».

La semaine dernière, François Legault a pour sa part rouvert la porte aux publicités gouvernementales sur Facebook, tout en faisant miroiter un plan d’aide aux médias en région. En point de presse, le premier ministre a plaidé que les réseaux sociaux de Meta, qui bloquent les contenus d’information depuis le 1er août dernier en riposte à la loi fédérale C-18, étaient devenus des incontournables pour rejoindre environ 10 % de la population.

Le ministre des Finances, Eric Girard, avait pour sa part refusé d’indiquer si son budget compterait des mesures d’aide aux médias, dans le contexte où l’industrie a perdu « 75 % de [ses] revenus publicitaires » depuis 10 ans, évalue la CSN. Quant au plan d’aide promis par le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, « on travaille là-dessus », avait-il simplement indiqué.

Rectificatif
Une première version de ce texte indiquait que la création d’un fonds réservé au journalisme, financé par l’instauration d’un « infofrais », permettrait de récolter des revenus de l’ordre de 400 millions par année, comme l’indiquait la CSN dans une première version de sa lettre ouverte que nous avions obtenue. Or, une version corrigée de ce texte,
tel que publié mardi dans le cahier Dialogue de La Presse, précise plutôt que les revenus seraient de 200 millions par année. Nous avons depuis corrigé cette information dans notre reportage.