(Ottawa) Les députés ont perdu patience lundi à la suite des omissions de Kristian Firth, l’un des deux associés de GC Strategies, lors de son témoignage en comité parlementaire le mois dernier. Ils ont adopté une motion à l’unanimité lundi soir pour le forcer à témoigner de nouveau, à la barre de la Chambre des communes cette fois. Cette procédure rarissime a été utilisée pour la dernière fois en 1913.

Un dénommé R.C. Miller avait été convoqué par la Chambre après avoir refusé de répondre aux questions du comité des comptes publics. Il s’y était présenté à deux reprises, mais n'avait pas fourni l’information demandée. Il avait alors été déclaré coupable d’outrage et emprisonné jusqu’à la fin des travaux parlementaires environ quatre mois plus tard.

Le témoignage de Kristian Firth doit avoir lieu l’après-midi du 17 avril, après la période des questions. Il sera d’abord réprimandé par le président de la Chambre des communes, puis devra fournir des réponses aux questions qui sont demeurées sans réponse le mois dernier et répondre aux nouvelles interrogations des députés. Son avocat n’a pas répondu à La Presse lundi.

Le député conservateur Luc Berthold a affirmé lors du débat sur cette motion de privilège qu’il fallait « envoyer un signal clair au témoin qu’on ne badine pas avec la Chambre des communes ». La motion originale avait été présentée par son collègue ontarien Michael Barrett et adoptée en comité, mais les partis ont fini par s’entendre sur une version modifiée.

Le témoignage de M. Firth devant le comité des opérations gouvernementales avait laissé les députés sur leur faim, le mois dernier. Il avait notamment refusé de nommer les fonctionnaires avec qui il avait élaboré les critères d’un des contrats pour le développement de l’application ArriveCAN que son entreprise avait par la suite obtenu sans appel d’offres, prétextant l’enquête ouverte par la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

L’entrepreneur avait contesté les chiffres de la vérificatrice générale et déclaré que GC Strategies avait empoché 2,5 millions seulement avec le contrat d’ArriveCAN.

La firme, qui ne compte que deux employés, avait obtenu pour 19,1 millions de dollars des 60 millions de dollars de contrats pour ArriveCAN, soit la plus large part, selon les estimations de la vérificatrice générale. Son rapport dévoilé en février avait eu l’effet d’une bombe sur la colline du Parlement et avait mené par la suite à l’ouverture de nombreuses autres enquêtes sur ce scandale financier. On en compte 14 en tout, dont celles de la GRC, de l’Agence des services frontaliers qui était responsable de ces contrats et de la commissaire à l’intégrité du secteur public.

Depuis, GC Strategies a perdu sa cote de sécurité du gouvernement fédéral. Elle se retrouve ainsi complètement exclue du processus d’approvisionnement. Le rôle de la firme était de recruter du personnel en technologies de l’information pour le développement d’ArriveCAN, moyennant une commission de 15 % à 30 %. L’application, qui était obligatoire à la frontière durant la pandémie de COVID-19, a fait l’objet d’importants dépassements de coûts.