Le retour à l’équilibre budgétaire à tout prix n’est pas une fin en soi, plaide le premier ministre Justin Trudeau, qui défend bec et ongles la gestion des finances publiques de son gouvernement depuis son arrivée au pouvoir en 2015.

Même si le Parti conservateur a la ferme intention de faire de l’élimination du déficit un enjeu majeur de la prochaine campagne électorale, Justin Trudeau n’entend pas donner un violent coup de frein en ce qui concerne les dépenses. D’autant que selon lui, des investissements sont toujours nécessaires pour lutter contre les changements climatiques, assurer la transition vers une économie verte et réduire les inégalités sociales, entre autres choses.

Dans une longue entrevue accordée à La Presse, jeudi, au cours de laquelle il a réaffirmé d’une manière sans équivoque son intention de diriger les troupes libérales lors des prochaines élections, M. Trudeau a souligné que le Canada se retrouve encore aujourd’hui, malgré le choc économique de la pandémie et une dette accumulée plus élevée, dans une position fiscale et budgétaire enviable comparativement à ses alliés du G7.

« On va toujours présenter un plan budgétaire qui est responsable sur le plan fiscal. On comprend que c’est cela qui nous permet d’aider les gens durant les temps difficiles. Pendant la pandémie, on a pu être là pour aider les gens avec différentes mesures. Cela a fait en sorte qu’on a eu une pandémie avec un taux de mortalité moins élevé que dans bien des pays du monde. Mais cela a aussi fait en sorte que notre retour économique a été bien plus rapide que dans la plupart des pays », a soutenu le premier ministre en défendant son bilan.

« On a pu faire ces investissements parce qu’on avait une position fiscale extrêmement forte. Or, tous les pays sont passés par là. On se retrouve maintenant dans une position fiscale qui est tout aussi forte qu’elle l’a été avant la pandémie. On a le plus faible déficit des pays du G7. On est l’un de seulement trois pays au monde à avoir une cote AAA avec les États-Unis et l’Allemagne. Notre dette en proportion du PIB est la plus faible des pays du G7 », a-t-il aussi plaidé.

On est vu à l’étranger comme un pays qui est responsable… parce qu’on l’est.

Justin Trudeau

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Trudeau n’a jamais présenté un budget équilibré. La pandémie de COVID-19, qui a forcé les gouvernements à fermer l’économie pendant quelques mois, a entraîné un déficit record de 327 milliards à Ottawa en 2020-2021.

La dette accumulée, elle, a doublé, passant de 635 milliards en 2015-2016 à 1213 milliards au terme de l’exercice financier 2023-2024.

Dans son énoncé économique, le mois dernier, la ministre des Finances Chrystia Freeland a dévoilé que les frais d’intérêt de la dette accumulée passeraient de 35 milliards en 2022-2023 à 58,7 milliards en 2027-2028. Cela constitue une somme plus élevée que les transferts fédéraux en santé aux provinces et le poste de dépenses le plus important du budget fédéral.

Investissements « pour des années à venir »

Si les troupes conservatrices de Pierre Poilievre font du retour à l’équilibre budgétaire une quasi-religion, M. Trudeau demeure convaincu que le gouvernement peut et doit jouer un rôle dans l’économie. Surtout au moment où la transition vers une économie verte s’accélère et où la pénurie de main-d’œuvre cause des maux de tête aux entreprises.

« Oui, on n’a pas cherché à équilibrer le budget. On a cherché à investir dans des programmes comme les garderies à travers le pays. Ce programme, c’est 30 milliards de dollars. C’est sûr que c’est très cher. Mais ce que ça rapporte – plus de femmes au travail, plus d’opportunités pour les jeunes familles, plus d’emplois –, c’est important. En Ontario, par exemple, les familles ont épargné autant en frais de garderie qu’ils ont vu leur hypothèque augmenter à cause des taux d’intérêt », a fait valoir le premier ministre.

Cela a été un choix de faire cela plutôt que de chercher l’équilibre budgétaire. Pour moi, cette question ne se pose même pas. Des investissements qui vont améliorer le sort des familles pour des générations à venir, c’est cela, la responsabilité d’un gouvernement.

Justin Trudeau

« Oui, il faut rester responsable sur le plan fiscal parce que cela nous permet de continuer de faire des choses importantes, poursuit-il. Mais l’équilibre budgétaire n’est pas une fin en soi. Et c’est le choix qu’on a présenté aux Canadiens en 2015. »

En entrevue, M. Trudeau a rappelé les investissements qu’il juge structurants d’Ottawa et des gouvernements provinciaux pour la filière des batteries et la fabrication de véhicules électriques au Québec et en Ontario (Northvolt, Stellantis et Volkswagen).

Les conservateurs nous attaquent pour ces investissements. Mais je sais que dans 10 ans, dans 20 ans, les gens vont se dire : “Mon Dieu, on est tellement chanceux d’avoir fait ces investissements.” On est en train de préparer de bons emplois pour les citoyens pour des années à venir.

Justin Trudeau

La recette économique de son gouvernement rapporte aussi d’autres dividendes, selon lui. Il s’est félicité de voir que pour la première fois, le Canada s’est hissé au troisième rang mondial pour les investissements étrangers, après les États-Unis et le Brésil.

« C’est parce que les investisseurs sont intéressés par ce que l’on fait au Canada, par le potentiel du Canada. On a les ressources naturelles dont les gens ont besoin. Mais on a aussi des travailleurs instruits, on a des soins de santé. On a maintenant un programme de soins dentaires. Quand je parle aux leaders étrangers, ils me disent : “Les défis que vous avez au Canada, ce n’est pas compliqué. Vous avez tous les avantages.” Ils changeraient volontiers de place avec nous n’importe quand. »