La récession qui frappe de plein fouet l'économie canadienne a déjà gonflé de 300 000 personnes les rang des chômeurs depuis le mois d'octobre seulement. Et la gravité de cette crise économique sème l'inquiétude parmi les Canadiens.

Un sondage exclusif réalisé par la firme Nanos pour le compte de La Presse et du Toronto Star démontre que l'état de santé de l'économie est devenu, et de loin, la préoccupation la plus importante de la majorité des Canadiens.

  Selon ce coup de sonde, réalisé auprès de 1002 personnes du 13 au 18 mars, 55% des Canadiens sont inquiets au sujet de la situation de l'économie ou craignent pour leur emploi. Du jamais vu en 20 ans.

Il n'y a pas si longtemps, en 2007, quand l'économie fonctionnait toujours à plein régime, seulement 6% des Canadiens se disaient inquiets. Un changement radical en deux ans à peine.

En 2007, l'environnement et l'avenir de la planète représentaient la principale source d'inquiétude pour le plus grand nombre de Canadiens (environ 32%). Aujourd'hui, seulement 10% des répondants au sondage de la firme Nanos ont cité l'environnement comme étant une préoccupation.

En 2005, l'avenir des soins de santé était le dossier chaud de l'heure puisque 34% des Canadiens estimaient que le gouvernement fédéral devait y accorder sa priorité absolue. Aujourd'hui, à peine 10% pensent encore la même chose.

«Je n'ai jamais vu un si grand nombre de Canadiens exprimer leurs inquiétudes au sujet de l'économie depuis que j'ai commencé à réaliser des sondages, il y a 20 ans. Cela démontre que nous sommes vraiment dans une période de grande inquiétude. Les Canadiens voient maintenant presque tous les dossiers à travers le prisme de l'économie», a affirmé Nik Nanos, président de la firme de sondages.

Selon lui, tout parti politique qui veut se faire réélire ou tente de se faire élire doit être à l'écoute de la population et bien prendre note des inquiétudes manifestées par les Canadiens.

Car historiquement, rares sont les gouvernements au pouvoir durant une crise économique qui ont réussi à se faire réélire.

Le gouvernement Harper, au pouvoir depuis février 2006 et réélu avec une minorité accrue en octobre 2008, a d'ailleurs vu ses appuis diminuer dans les intentions de vote au cours des dernières semaines.

Selon le dernier sondage de la firme Nanos, les libéraux de Michael Ignatieff sont en effet passés en tête dans les intentions de vote pour la première fois depuis que les électeurs canadiens se sont prononcés au dernier scrutin.

Si des élections avaient eu lieu la semaine dernière, les libéraux auraient obtenu 36% des voix; le Parti conservateur, 33%; le NPD 13% et le Parti vert, 8%. Au Québec, le Bloc québécois demeure en tête à 36%, mais les libéraux se rapprochent avec 32% des appuis. Les conservateurs récoltent 18% et le NPD, 7%. La récession serait l'un des principaux facteurs de la chute des appuis aux conservateurs, notamment en Ontario.

«Le premier ministre Stephen Harper est dans une position peu enviable. Il dirige le gouvernement à une période de grande turbulence économique. Les revenus du gouvernement sont à la baisse. Le défi des conservateurs est de s'assurer que les mesures qu'ils adoptent n'aggravent pas la crise économique pour les Canadiens», a analysé M. Nanos.

Les mauvaises nouvelles économiques risquent d'ailleurs de continuer d'arriver, si l'on se fie aux plus récentes prévisions des économistes cette semaine.

Le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, a soutenu que les prévisions économiques contenues dans le dernier budget du gouvernement Harper sont déjà «dépassées». Il a aussi affirmé que la récession sera plus longue et plus profonde que ce que le ministre des Finances, Jim Flaherty, a prévu dans son budget. Résultat: le déficit cumulatif au cours des deux prochaines années sera de 9 milliards de plus que les 64 milliards de dollars que le gouvernement a inscrits dans son budget.

L'économiste en chef de la Banque TD, Don Drummond, s'est montré encore plus pessimiste. Il évoque un déficit cumulatif de 82 milliards au cours des deux prochaines années en raison de la piètre performance de l'économie canadienne et de la chute des revenus.