Six mois après la renégociation de l’Entente sur les tiers pays sûrs, l’initiative d’accueil des 15 000 migrants chemine lentement au fédéral. Du côté de Québec, l’affaire est entendue : on ne participera pas au programme. Le point avec le nouveau ministre de l’Immigration, Marc Miller.

(Ottawa) Comment se fait-il que le dossier n’avance pas plus vite ?

Le gros du travail n’est pas complété, oui, mais le travail de fond, lui, est largement fait. La raison pour laquelle il n’y a pas eu trop de fanfare autour de l’enjeu, c’est qu’il y a des questions de logistique à gérer avec les États-Unis et les provinces. Ce que je peux dire, c’est qu’il y aura trois catégories : des travailleurs étrangers temporaires, des réfugiés à proprement parler, et un volet plutôt économique, que ce soit du parrainage ou des gens avec des capacités spécialisées pour des emplois où ils sont recherchés au Canada. Il ne faut pas forcément s’attendre à une grosse annonce quand ce sera réglé.

De quels pays viendront les migrants, et à quel rythme se fera leur déploiement ?

Accueillir des gens d’Haïti [la majorité des migrants qui franchissaient le chemin Roxham étaient des Haïtiens], en raison du fait qu’ils parlent français, cela constitue une occasion d’accroître le fait français partout au pays. La Colombie, le Venezuela, l’Équateur, Cuba, le Salvador, et le Nicaragua aussi, mais il n’est pas encore possible de préciser les pourcentages exacts par pays. Quant au rythme, on veut quelque chose d’assez constant d’ici mars prochain. Il y aura une certaine lenteur au début, mais on veut faire ça de façon organisée – pas tout le monde d’une shot. C’est ça qui me préoccupe le plus ; on sait la pression que ça peut créer sur le système.

Le Québec refuse de faire partie de cette initiative. Qu’en pensez-vous ?

Tout en comprenant sa position, je suis profondément en désaccord. Étant député du Québec, j’ai intérêt à m’assurer que les besoins de ma circonscription et de ma province que j’adore soient représentés, et on s’est dit les vraies affaires, mon homologue québécoise et moi. Ce point de vue se comprend dans la mesure où on a vu toutes les personnes qui sont passées par le chemin Roxham. Mais c’est un acte de coordination avec notre allié le plus important – on a besoin de le garder de notre bord.

De façon générale, quel bilan faites-vous de la fermeture du chemin Roxham ?

Je ne dirais pas que je me réjouis. Selon moi, la fermeture du chemin Roxham, ce n’est pas la fermeture d’un flux migratoire irrégulier, mais plutôt la fermeture de statistiques. Les gens ne devraient pas traverser la frontière de manière irrégulière, en effet, mais les statistiques prouvent qu’une grande partie de ces gens-là ont droit au statut de réfugié. Je ne suis pas encore satisfait du résultat. C’est clair que ça a permis de clore un débat qui était de nature politique, mais ma conclusion dans tout ça, c’est qu’il faut être plus organisé. Somme toute, on est assez choyés au Canada : on a un bloc de glace au nord, deux océans à l’est et à l’ouest, et une puissance nucléaire au sud. Mais encore faut-il faire une bonne job quand il y a des gens qui arrivent, peu importe la route.

Les propos de l’entrevue avec le ministre Marc Miller, réalisée mardi dernier, ont été reformulés par souci de clarté et de concision.

Ce qu’en pense Québec

La position du gouvernement québécois est la suivante : « Le Québec a clairement fait savoir au gouvernement fédéral qu’il souhaitait que ces migrants soient envoyés vers d’autres provinces. Le Québec estime avoir déjà largement fait sa part en matière d’accueil de personnes migrantes et que sa capacité d’accueil est dépassée. En 2022 seulement, le Québec a accueilli près de 40 000 migrants irréguliers et 20 000 migrants réguliers », a indiqué Maude Méthot-Faniel, porte-parole de la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette.