Quel parcours suivent les demandeurs d'asile récemment arrivés au Québec? La Presse en a rencontré deux. Voici leur histoire.

« Tous les Sénégalais connaissent Boucar Diouf, lance Oumar Ba, qui a demandé l’asile au Canada le 27 juin, en posant le pied à l’aéroport Montréal-Trudeau.

— Ah bon ! Pourquoi ?

— Parce que c’est lui qui a découvert le Québec ! »

La Presse a rencontré le Sénégalais de 36 ans dans les locaux de l’organisme communautaire Un itinéraire pour tous, où il a été engagé pour faire de la gestion administrative. Au Québec depuis moins de trois mois, Oumar Ba a déjà trouvé un emploi et loué un appartement, à Montréal-Nord.

Ce n’est pas l’image que l’on se fait habituellement d’un demandeur d’asile.

En plus du français, il parle le peul, le wolof, un peu l’anglais et un peu l’espagnol.

« Je suis très, très content, honnêtement », avoue-t-il.

Des raisons politiques

Pourquoi avoir demandé l’asile ? « Je n’ai jamais rêvé de voyager. Je n’ai jamais même pensé à voyager », assure Oumar Ba.

J’ai toujours cru que je pouvais étudier chez moi et travailler pour mon pays. Malheureusement, récemment, les choses ont commencé à changer sur le plan politique. On n’avait pas l’habitude d’être battus, opprimés. Donc, j’ai dû fuir.

Oumar Ba

Il a obtenu un visa de visiteur quatre mois après en avoir fait la demande à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), ce qui est très rapide. Le délai de traitement, affiché sur le site du gouvernement, est de 452 jours pour une demande provenant de ce pays africain.

Puis, une fois à l’aéroport Montréal-Trudeau, il a demandé l’asile. On l’a conduit dans une pièce où se trouvaient une quinzaine d’autres demandeurs. Il a rempli des documents et s’est fait conseiller d’aller au YMCA du centre-ville de Montréal, géré par le Programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile (PRAIDA) du gouvernement du Québec.

Oumar a été hébergé pendant trois semaines dans un hôtel Radisson, aux frais du fédéral, le temps d’obtenir un premier chèque d’aide sociale et son permis de travail.

Divorcé et père d’un garçon de 8 ans et d’une fille de 5 ans, il ne veut plus repartir. « Je pense plutôt faire venir mes enfants un jour », dit-il. Il aimerait, « dans l’avenir », faire un certificat en communication ou en relations publiques, pour « mieux comprendre la société québécoise », et travailler dans le monde des médias… « comme Boucar Diouf ».

Un emploi en un mois

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Daniel Manga, du Sénégal, a demandé l’asile au Canada le 9 juillet. Un mois plus tard, il trouvait un emploi.

Daniel Manga, 34 ans, a suivi un parcours semblable.

Prof de français au secondaire, à Dakar, au Sénégal, il a obtenu un visa de visiteur en mars pour venir au Canada. Dans son cas, le délai de traitement a été de six mois. Puis, le 9 juillet, à son arrivée à Montréal, il a demandé l’asile.

« On était une vingtaine, précise-t-il. Il y avait des Sénégalais, des Latinos, des Maliens, un Gambien… Les agents nous ont donné des papiers à remplir pour avoir le “papier brun”.

On est arrivés à 11 h et nous sommes restés jusqu’à 18 h. Après, je suis allé au YMCA du PRAIDA. Ils nous ont dit d’aller à l’hôtel Radisson. Là-bas, ils nous ont donné des chambres. On a vécu à l’hôtel en attendant notre permis de travail.

Daniel Manga

Daniel Manga a trouvé un emploi le 10 août, un mois après son arrivée au Québec. Comme Oumar Ba, ou plutôt grâce à Oumar Ba, dont il a fait la connaissance à l’hôtel Radisson, il a été embauché par Un itinéraire pour tous.

« Je suis intervenant de proximité, précise-t-il. Je travaille avec les jeunes comme dans mon pays. Je trouve que c’est bon. Pour le moment, je suis vraiment tranquille. Le Canada est un pays de paix, où les droits de la personne ne sont pas bafoués, et qui respecte l’homme, quelle que soit la couleur de sa peau, sa race, son sexe, etc. »

Marié et père de deux garçons de 2 et 6 ans, Daniel Manga dit avoir quitté son pays parce qu’il subissait des menaces en raison de ses opinions politiques. Avant de partir, il a conduit sa famille chez ses parents, à Ziguinchor, dans le sud du Sénégal.

« Si le Canada me donne l’opportunité de faire venir ma famille, je dirais : pourquoi pas. »

Délivrés en trois semaines

À la différence des migrants qui entraient au Québec par le chemin Roxham, les demandeurs d’asile qui arrivent par avion obtiennent un permis de travail en quelques semaines. Une application en ligne leur permet de faire leur demande d’asile et de soumettre leurs documents à IRCC dès qu’ils arrivent à l’aéroport. Ils obtiennent sur-le-champ le Document du demandeur d’asile (DDA), aussi appelé « papier brun » dans le jargon de l’immigration. « Ils font l’examen médical dans les 10 jours et peuvent obtenir le permis de travail », détaille Stéphanie Valois, présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI). « Donc, ça se passe assez rondement de ce côté-là. Après, les demandeurs doivent remplir les formulaires pour IRCC et les formulaires de demande d’asile dans les 45 jours. »