De retour d’une tournée de quatre jours au Nunavik, le président du Collège des médecins, le DMauril Gaudreault, se dit « préoccupé par le sort réservé à la population autochtone du Nunavik et par les conditions de pratique des médecins qui y œuvrent ». Il estime que « le statu quo ne peut plus durer ».

Ce qu’il faut savoir

• Le président du Collège des médecins, le Dr Mauril Gaudreault, dit avoir constaté les défis logistiques immenses dans la prestation de soins au Nunavik.

• La pénurie de personnel y est sévère et le renfort promis n’est toujours pas arrivé.

• Il invite le gouvernement, les dirigeants et les médecins à « assumer leur responsabilité sociale » dans la région.

« J’ai trouvé mon séjour à la fois intéressant et préoccupant […] Je pense qu’il faudrait accorder un statut particulier à cette région », explique le DGaudreault en entrevue.

Ce dernier souligne que le Nunavik souffre d’une grave pénurie de personnel soignant. L’été dernier, La Presse avait révélé que les autorités de santé régionales réclamaient les renforts de l’armée pour pouvoir soigner la population.

Lisez l’article « Pénurie de personnel de santé au Nunavik : l’armée réclamée »

Après son passage à Kuujjuaq la semaine dernière, le DGaudreault a écrit dans une première infolettre à ses membres que « le renfort promis, après un appel désespéré à l’armée il y a quelques mois, n’est toujours pas arrivé ».

Des ratios inapplicables

Le DGaudreault croit que les ratios de personnel soignant qui sont appliqués partout au Québec ne devraient pas s’appliquer au Nunavik, où le contexte de pratique n’est manifestement pas le même qu’ailleurs dans la province.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le président du Collège des médecins, le Dr Mauril Gaudreault

Le DGaudreault rappelle que les enjeux sociomédicaux du Nunavik « n’ont pas de commune mesure avec ceux que l’on retrouve ailleurs dans la province, avec une espérance de vie d’une douzaine d’années sous la moyenne québécoise, un taux de mortalité infantile 6 fois plus élevé, un taux de suicide 10 fois supérieur et des cas de tuberculose 300 fois plus nombreux ».

Dans une nouvelle infolettre publiée vendredi, le DGaudreault souligne que ce contexte « découle directement de déterminants “structurels” que sont notamment les vestiges de la gouvernance et de la médecine coloniale » ainsi que de « déterminants “systémiques” de la santé tels que les infrastructures et les services offerts dans la communauté ».

Le président du Collège des médecins dit avoir constaté les défis logistiques immenses dans la prestation de soins au Nunavik et les conséquences qui en découlent. Une situation dont a fait état La Presse dans une enquête publiée en janvier.

Lisez l’enquête « Soins de santé dans le Nord : la mortalité cachée du Nunavik »

Il dit vouloir travailler à ce que « tout soit mis en œuvre afin que les ressources humaines et les équipements médicaux adéquats, réclamés depuis de nombreuses années, soient rapidement rendus disponibles en tenant compte d’autres facteurs que les simples ratios administratifs ». Il croit par exemple que des appareils de radiographie portatifs pourraient être implantés dans plusieurs des 14 villages du Nunavik.

Assumer sa responsabilité sociale

Pour le DGaudreault, tant les médecins que le gouvernement et les dirigeants doivent « assumer leur responsabilité sociale » envers le Nunavik.

Alors que les médecins de famille et d’autres professionnels de la santé sont présents en permanence au Nord, les médecins spécialistes « tendent plutôt à visiter le territoire sans y être directement en poste, soignant les patients qui leur sont transférés par avion à Montréal », écrit le DGaudreault.

« Faut-il doter le Nunavik d’un statut particulier ? Faut-il se rapprocher de sa population en lui offrant de manière plus soutenue des services spécialisés ? Faut-il revoir les critères d’attribution des ressources matérielles et humaines afin de tenir compte des spécificités de ce territoire et des enjeux psychosociaux des peuples qui l’habitent ? Ces questions méritent une sérieuse réflexion », indique le DGaudreault.

La Régie de la santé et des services sociaux du Nunavik (RSSSN) a par ailleurs demandé d’être exclue du projet de loi 15 en santé. Mais selon le DGaudreault, des inquiétudes demeurent sur le terrain quant aux impacts qu’il aura, et il faudra se pencher sur la question. Le DGaudreault compte user de son influence pour « faire en sorte que le Nunavik ne soit pas oublié ».

Au cabinet du ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, on indique que le Nunavik « a déjà un statut particulier en faisant partie des communautés conventionnées ». La RSSSN a aussi un statut distinct en vertu de la Loi sur la santé et les services sociaux. Le ministre Christian Dubé estime que l’un des enjeux les plus criants reste la pénurie de personnel. La construction de 150 nouveaux logements pour accueillir des travailleurs de la santé a été annoncée dernièrement.

« Dans le cadre des négociations des conventions collectives, nous avons l’objectif d’avoir des offres différenciées pour cette région », explique l’attaché de presse du ministre, Antoine de la Durantaye.