La psychothérapie est aussi efficace que les somnifères pour traiter l’insomnie, et dans certains cas, elle permet de diminuer davantage l’anxiété de performance nocturne. Tels sont les résultats d’une nouvelle étude de l’Université Laval publiés fin décembre dans la prestigieuse revue JAMA Network.

Deux stades

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« L’avantage de la psychothérapie, c’est qu’elle peut mener à des changements de comportement, alors qu’avec les somnifères, si on continue longtemps, on peut avoir des problèmes d’accoutumance, avoir besoin de plus fortes doses », dit M. Morin.

L’étude du psychologue Charles Morin, de l’Université Laval, montre pour la première fois que la psychothérapie est aussi efficace que le somnifère zolpidem pour traiter les conséquences fonctionnelles de l’insomnie. Et ces effets persistent plus d’un an. Sur 211 adultes insomniaques qui ont participé à l’étude, la moitié ont été en rémission au bout d’un premier volet de six semaines. Les cas d’insomnie réfractaire ont alors reçu d’autres traitements, notamment un type de psychothérapie plus poussé et un autre somnifère, la trazodone. « L’avantage de la psychothérapie, c’est qu’elle peut mener à des changements de comportement, alors qu’avec les somnifères, si on continue longtemps, on peut avoir des problèmes d’accoutumance, avoir besoin de plus fortes doses », dit M. Morin.

L’anxiété

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« Des fois, quand on n’arrive pas à dormir, ça devient une obsession. Il y a de l’anxiété de performance, on a l’impression que c’est un échec de ne pas parvenir à dormir », dit M. Morin.

Si les somnifères et la psychothérapie ont des résultats similaires lors du premier stade, au deuxième, la psychothérapie a un avantage quant à la réduction de l’anxiété. « Des fois, quand on n’arrive pas à dormir, ça devient une obsession, dit M. Morin. Il y a de l’anxiété de performance, on a l’impression que c’est un échec de ne pas parvenir à dormir. On va prendre congé le lendemain d’une nuit d’insomnie. Mais ce n’est pas parce qu’on dort mal qu’on ne peut pas travailler. On peut adapter son travail pour cibler les tâches plus difficiles quand on est plus concentré. »

Comportement et cognition

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Il faut éviter les écrans ou les activités stressantes avant de dormir, suggère M. Morin.

La psychothérapie du premier volet est « comportementale ». « On vise les habitudes de sommeil, dit M. Morin. Par exemple, si le patient a l’impression de dormir moins qu’il ne le devrait, disons six heures plutôt que huit, on lui propose de compresser sa nuit à six heures. Ensuite, on augmente de 20 minutes par jour. Il faut aussi éviter les écrans ou les activités stressantes avant de dormir. » La psychothérapie du deuxième volet, elle, est « cognitive ». « On travaille sur les ruminations, les obsessions et les inquiétudes liées au sommeil. » Les liseuses font-elles partie des écrans ? Non parce qu’elles ont des filtres pour la lumière bleue.

Aspects fonctionnels

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« L’insomnie a aussi des aspects fonctionnels, comme la performance durant la journée, la dépression ou l’anxiété », dit M. Morin.

Les aspects du comportement évalués par M. Morin sont les symptômes dépressifs, l’anxiété, la fatigue et les aspects plus généralement « fonctionnels » au travail et dans la vie sociale. « On avait montré par le passé que la psychothérapie est aussi efficace que les somnifères pour traiter les aspects uniquement liés au sommeil et l’insomnie, dit M. Morin. Mais l’insomnie a aussi des aspects fonctionnels, comme la performance durant la journée, la dépression ou l’anxiété. » Dans certains cas, un patient peut avoir un sommeil amélioré, mais subir toujours des impacts fonctionnels de son insomnie.

Prochaines étapes

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« Il semble que l’insomnie liée à beaucoup d’anxiété soit plus susceptible d’être traitée avec la psychothérapie cognitivo-comportementale », dit M. Morin.

Des recherches émergentes montrent que le type d’insomnie pourrait expliquer le succès d’une approche psychothérapeutique ou médicamenteuse. « Il semble que l’insomnie liée à beaucoup d’anxiété soit plus susceptible d’être traitée avec la psychothérapie cognitivo-comportementale », dit M. Morin. Il y a aussi de nouveaux médicaments qui entraînent moins d’accoutumance, de même que des approches misant sur une utilisation intermittente des somnifères, pour éviter l’accoutumance, dit le spécialiste.