Quand les filles apprennent l’existence d’une demi-sœur et décident de dénoncer leur père à la police, elles en parlent à leur frère. Ce dernier ne va pas bien : il multiplie les séjours en prison. Lorsqu’il sort de détention, il vit dans la rue. Mais il manifeste tout de même l’intention d’épauler ses sœurs dans le processus judiciaire.

Lui aussi, il désire dénoncer leur père.

Quelques mois plus tard, Marie est complètement prise de court lorsqu’un ami l’appelle. « Il m’a dit : ton frère est à la télé. » Vincent est recherché pour des crimes particulièrement violents commis à Montréal. « C’était horrible », se souvient-elle.

Alicia, elle, est enceinte de son deuxième enfant lorsque survient l’arrestation de son frère. Elle croyait qu’il avait été incarcéré par le passé pour de petits délits. Dans le journal, elle découvre que son C.V. est long, et beaucoup plus violent qu’elle ne le pensait. « Ça a été un choc, une blessure. C’était comme un tourbillon d’émotions », raconte Alicia.

Ce que leur frère a fait a brisé des vies, et est complètement inexcusable, disent les deux femmes. Mais, ajoutent-elles, « il a été un enfant blessé dans toutes les dimensions de sa vie ». Vincent a effectivement été la cible de choix de son père pendant des années : c’est lui qui était battu le plus souvent, constamment diminué, humilié, rabaissé. Tout petit, il dormait dans la même chambre que son père et sa sœur et a donc pu être témoin des agressions commises sur celle-ci.

« Rien n’excuse ce qu’il a fait, mais mon frère s’est retrouvé dans la rue, il n’a jamais eu d’aide, il était laissé à lui-même », ajoute Marie. Vincent a été placé à un jeune âge, il a épuisé toutes les ressources et s’est retrouvé en centre de réadaptation. À 18 ans, il a dû se débrouiller par lui-même.

Ses sœurs ont tenté de l’aider. « Il se retrouvait toujours avec la même gang de jeunes ex-DPJ, dans un milieu néfaste. Puis, il allait en prison. C’était comme une école du crime. »

« C’est très grave, ce qu’il a fait. On n’est pas psychologues, mais avoir été battu de même, ça n’a pas dû aider… », souligne la procureure Louise Blais, qui a poursuivi son œuvre aux côtés des trois sœurs lors de leur dénonciation commune.

Au procès, elles ont dit que oui, leur frère était un monstre, mais que c’est leur père qui avait fabriqué ce monstre.

Louise Blais, procureure à la retraite

Comme ses sœurs ont été témoins des sévices qu’il avait subis, Vincent a pu être inclus dans les dénonciations. « Les filles l’ont vu se faire battre plusieurs fois par jour. Et pas à peu près, précise Mme Blais. Alors, on a accusé. »

Que serait devenu ce petit frère sans les sévices infligés par son père ? Marie s’est souvent posé la question. « Mon frère, il travaillait le bois. Il aurait pu être ébéniste. Je l’imagine dans une bonne famille, à son plein potentiel, par rapport à ce qu’il est en ce moment… »

Le dernier membre de la fratrie est toujours derrière les barreaux. Au terme de son procès, il a été condamné à plusieurs années de pénitencier pour ses crimes, et a été déclaré délinquant dangereux. Son risque de récidive, estiment les spécialistes, est extrêmement élevé.