Qu'on soit le vendeur ou l'acheteur, le processus de F & A d'une entreprise est toujours risqué et complexe. Personne ne veut se faire avoir et pour diminuer les risques, le rôle de la firme d'avocats est primordial. Encore davantage dans le contexte économique actuel.

De nouvelles règles pour le vendeur

En décembre dernier, l'échec de la vente de BCE à Teachers' a créé une onde de choc au Québec. Cette transaction avortée sonnait le glas de l'ère des grandes acquisitions par emprunt. Mais ce n'est pas tout. D'un point de vue juridique, ce feuilleton n'est pas sans conséquence.

Il faut rappeler que BCE a fait l'objet d'une poursuite de la part des détenteurs d'obligations non garanties de Bell Canada, qui soutenaient que la transaction entraînerait un déclassement important de la cote de crédit de leurs obligations et une baisse de leur valeur marchande. Même si la Cour suprême a finalement donné raison à BCE, qui soutenait que son plan d'arrangement était équitable, cette affaire, qui fera jurisprudence, influencera la suite des choses, d'après Me Clemens Mayr, associé et directeur du groupe des fusions et acquisitions chez McCarthy Tétrault.

«Au Canada, la jurisprudence disait auparavant que pour donner le feu vert à une transaction de changement de contrôle, le conseil d'administration devait regarder l'intérêt de la compagnie, ce qui se traduisait en réalité bien souvent principalement par l'intérêt des actionnaires. Maintenant, la Cour suprême a étendu la portée de ce que constituent les intérêts de la compagnie et précisé que le conseil d'administration doit prendre en considération les différents acteurs comme les clients, les créanciers, les employés, en plus des actionnaires, évidemment», explique-t-il.

Ainsi, auparavant, le conseil d'administration prenait assez facilement sa décision en regardant l'offre la plus intéressante pour les actionnaires, mais maintenant, le processus sera beaucoup plus complexe.

«Le conseil d'administration devra soupeser l'intérêt de chacune des parties et il devra faire très attention pour éviter de s'exposer à des poursuites. En fait, on risque de voir apparaître davantage de litiges dans le domaine et, évidemment, les avocats ont un rôle très important à jouer pour minimiser les risques de leurs clients», indique Me Mayr.

Cette nouvelle préoccupation, pour les firmes d'avocats, s'ajoute en fait aux nombreux rôles qu'elles doivent jouer pour protéger leurs clients qui souhaitent vendre leur entreprise. Les spécialistes du droit des affaires sont notamment très impliqués dans la rédaction de la notice d'offre destinée aux acheteurs potentiels.

«Il y a toujours une certaine tension entre le courtier, qui souhaite toujours rendre la notice d'offre la plus sexy possible et nous, les avocats, qui avons une vision plus conservatrice des choses, de façon à protéger au maximum notre client. L'offre doit être bien balancée, refléter la réalité et au besoin, nous modérons les ardeurs du courtier», indique Me Francis Legault, associé et membre du groupe droit des affaires chez Ogilvy Renault

Les firmes d'avocats doivent également toujours protéger le vendeur en ce qui a trait à l'information divulguée aux acheteurs potentiels.

«Souvent, l'acheteur potentiel est un concurrent, et des secrets industriels peuvent être divulgués; alors on se doit de protéger notre client par une convention de confidentialité. Par exemple, souvent, on conseille au vendeur d'y aller par étapes: plus l'acheteur potentiel se démarque des autres, plus il fait preuve de sérieux dans ses démarches, plus on lui divulguera d'information confidentielle», ajoute Me Legault.

Enfin, lorsqu'un dirigeant d'entreprise décide qu'il serait temps de vendre, il a avantage à consulter rapidement une firme d'avocats, d'après Me Mayr, plutôt que d'attendre à la dernière minute.

«Lorsqu'on sait qu'on fera éventuellement l'objet d'une vérification diligente, on a intérêt à s'assurer que sa situation juridique est en règle. On doit regarder son dossier d'équité salariale, ses différents contrats avec ses clients et toute autre chose qui pourrait faire descendre le prix de vente de l'entreprise.»

Défendre l'intérêt de l'acheteur

Lors d'un processus de F & A, le comité d'administration et la haute direction de l'entreprise qui souhaite faire une acquisition vont généralement chercher rapidement une expertise juridique. D'abord, la firme d'avocats doit se demander si la transaction est possible.

«Il faut s'assurer, par exemple, qu'on respecte la Loi sur la concurrence et la Loi sur Investissement Canada, lorsque la transaction implique un acheteur non canadien. Cette loi touche plus particulièrement certaines industries que le gouvernement ne voudrait pas voir passer aux mains d'intérêts étrangers, par exemple dans la culture et dans la défense», explique d'emblée Me Mayr.

Après avoir reçu la notice d'offre, les acheteurs potentiels rédigent, toujours en suivant les conseils de leurs avocats, une offre d'achat préliminaire. À ce moment-là, le vendeur identifie les offres les plus intéressantes et si tout semble bien aller pour l'acheteur potentiel, les avocats demanderont au vendeur une entente d'exclusivité avant de commencer la vérification diligente.

«Une vérification diligente est souvent complexe et on ne veut pas que notre client fasse tout cela si, par exemple, le vendeur est en train de se préparer aussi à vendre à une autre entreprise», explique Me Legault.

La vérification diligente est effectivement une étape très importante dans un processus de fusion ou d'acquisition et les avocats y participent très étroitement. «Nous étudions les aspects juridiques: les divers documents de l'entreprise, ses contrats, ses litiges, etc. Une fois l'examen complété, nous sommes en mesure d'expliquer à notre client la situation de l'entreprise et les risques liés à son acquisition», précise-t-il.

Ensuite, les deux parties doivent s'entendre sur la valeur de l'entreprise et négocier l'entente définitive.

«Cette entente est très volumineuse et nous devons nous assurer de bien répartir les risques, ajoute Me Legault. Nous devons nous assurer que notre client est bien au courant des détails de l'entente et qu'il en comprend bien les impacts possibles pour qu'ainsi, il n'ait pas de mauvaises surprises.»