(Toronto) Mulham Alkhalil travaille pour un fabricant de meubles haut de gamme à Toronto depuis son arrivée au Canada l’année dernière, en provenance de Syrie, via la Libye.

L’homme de 40 ans, dont le travail consiste à utiliser une machine de découpe et de gravure de meubles assistée par ordinateur, a fui la Syrie en 2012 parce qu’il ne voulait pas s’impliquer dans la guerre en étant appelé au service militaire obligatoire.

Il s’est d’abord rendu en Libye, mais il n’y a pas trouvé une stabilité à long terme après l’escalade de la guerre civile dans ce pays. En 2019, il décide de se réfugier ailleurs, avec sa femme et ses trois enfants.

M. Alkhalil a pu trouver un emploi et déménager au Canada avec sa famille, en mai dernier, grâce à un programme pilote que le gouvernement fédéral a élargi pour offrir aux réfugiés une voie de réinstallation en fonction de leurs compétences professionnelles.

« Mes enfants vont maintenant à l’école, apprennent l’anglais et participent à des activités sociales […] la vie est stable ici », a-t-il dit en entrevue téléphonique.

Le Canada a lancé ce « Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique » en 2018, pour faire venir d’abord de 10 à 15 réfugiés qualifiés. Il a été prolongé de deux ans en 2020 pour admettre jusqu’à 500 candidats ; en octobre dernier, plus d’une centaine de réfugiés qualifiés et les membres de leur famille étaient arrivés dans le cadre de ce programme.

Et en décembre, le ministère fédéral de l’Immigration a annoncé qu’il travaillerait avec les employeurs pour étendre le programme dans le but d’accueillir 2000 réfugiés qualifiés, afin de combler des pénuries de main-d’œuvre spécifiques dans des secteurs à forte demande, notamment les soins de santé, les métiers spécialisés et les technologies de l’information.

Le ministre fédéral de l’Immigration, Sean Fraser, déclarait alors qu’Ottawa fournirait 6,2 millions pour soutenir les organismes qui aident les réfugiés à postuler pour venir au Canada en tant que travailleurs qualifiés.

Un processus bien long

Khoder El-Dassouki, propriétaire d’« Emanuele Furniture Design », a déclaré que M. Alkhalil était le deuxième employé embauché dans le cadre de ce programme pilote pour les réfugiés qualifiés.

« Nous ne pouvons pas trouver la main-d’œuvre qualifiée dont nous avons besoin ici au Canada, a-t-il expliqué. Nous avons cherché, nous avons mis des annonces dans tout le pays et nous ne trouvons tout simplement pas les bons candidats. »

Le projet pilote permet aux organisations à but non lucratif qui s’associent au gouvernement d’aider les réfugiés qualifiés à l’étranger à entrer en contact avec des employeurs pour postuler au Canada. Une fois que les candidats ont reçu une offre d’emploi, ils peuvent demander à immigrer au Canada, par le biais des programmes économiques existants, mais en utilisant le projet pilote.

M. El-Dassouki souligne qu’il a fallu plus d’un an pour traiter les candidatures des deux employés qui ont rejoint son entreprise dans le cadre du programme pilote. « C’est beaucoup trop long, dit-il. Lorsqu’on a une candidature, on aimerait le voir ici entre trois et six mois. »

Dana Wagner, cofondatrice et directrice générale de TalentLift Canada, un organisme sans but lucratif qui a aidé M. Alkhalil dans ses démarches, explique que les réfugiés sont habituellement en mesure de se rendre au Canada et dans d’autres pays sûrs grâce à des programmes de réinstallation humanitaire, mais que ceux-ci ont une capacité limitée par rapport au nombre élevé de réfugiés qui cherchent à se réinstaller.

« La raison pour laquelle nous avions besoin de (ce programme pilote) était que les voies de visa qualifiées n’étaient pas conçues pour les personnes en situation de réfugiés », a-t-elle souligné. « Traditionnellement, toutes les voies d’immigration qualifiée au Canada exigeaient un passeport valide pour postuler. Cela n’a rien à voir avec votre niveau d’éducation, votre expérience de travail. »

Une porte-parole du ministère de l’Immigration, Michelle Carbert, a souligné que le gouvernement peaufinait actuellement le projet pilote pour s’assurer qu’il répond aux besoins des candidats, des employeurs et des organisations non gouvernementales.

« Nous continuerons de travailler avec nos partenaires pour trouver d’autres façons de permettre aux employeurs d’amener plus facilement des réfugiés qualifiés et leurs familles au Canada en tant qu’immigrants économiques. »

Les Nations unies estiment que le nombre de réfugiés qui auront besoin d’être réinstallés passera à plus de deux millions cette année, contre 1,47 million en 2022, une augmentation de 36 %.