Des chaînes d’alimentation comme Metro et Loblaw sont visées par une demande d’action collective leur reprochant d’avoir fixé illégalement le prix de la viande. Les ménages auraient payé des « milliards » en surplus.

Ce qu’il faut savoir :

  • Les prix de la viande auraient été manipulés depuis au moins 2007, allègue une demande d’action collective.
  • Metro, Walmart, Loblaw, George Weston et le transformateur alimentaire Aliments Maple Leaf sont visés par la requête.
  • L’industrie alimentaire a déjà été éclaboussée par un système de fixation des prix du pain.

Déposée auprès de la Cour supérieure du Québec, la requête, rédigée par les cabinets LPC Avocat et Renno Vathilakis, avance que les entreprises montrées du doigt ont pu s’enrichir de « plusieurs milliards de dollars » en « violant intentionnellement les lois sur la fixation des prix ».

En plus de Metro et de Loblaw, Walmart, George Weston et le transformateur alimentaire Aliments Maple Leaf sont montrés du doigt.

Ces allégations — vivement contestées par certaines des entreprises visées — n’ont pas encore été prouvées devant le tribunal, qui devra d’abord décider s’il entend la cause.

La pierre d’assise de la demande est la copie d’un courriel qui date de mars 2007 dans lequel l’ex-président de Maple Leaf Michael McCain résume une discussion qu’il a eue avec Paul Del Duca, qui était à l’époque premier vice-président chez Metro en Ontario.

« L’un des sujets abordés concernait les stratégies pour augmenter les bénéfices dans diverses catégories, écrit M. McCain. Conformément à la position qu’il a adoptée lors de la dernière augmentation du prix du pain, son point de vue (et c’est un point de vue très vigoureux) est qu’il s’agit d’une stratégie acceptable et qu’ils s’alignent sur elle, même dans nos catégories de viande. »

Ce courriel a été envoyé du compte de Sue Perkins, qui agissait comme assistante personnelle de M. McCain. Il avait été envoyé à six autres cadres travaillant pour les entreprises visées par la demande d’action collective. Le message faisait partie de documents judiciaires émanant du Bureau de la concurrence du Canada dans le cadre de son enquête dans le créneau de la boulangerie. Le quotidien torontois The Globe and Mail l’a récemment diffusé.

Selon les plaignants, l’ancien patron de Maple Leaf fait « expressément référence » au stratagème de manipulation des prix du pain et le qualifie de « stratégie acceptable ». Les catégories de viandes qui auraient fait l’objet de collusion ne sont pas évoquées dans la requête et à ce stade-ci des procédures.

LA PRESSE PHOTO PATRICK SANFACO

MJoey Zukran du cabinet LPC Avocat.

« Nous croyons que tout cela est suffisant pour faire autoriser le recours concernant un cartel pour certaines catégories de viande », affirme MJoey Zukran, de LPC Avocat, dans un entretien téléphonique.

Nouveau dossier

Cette demande d’action collective s’ajoute à l’enquête du Bureau sur le prix du pain. Le chien de garde des consommateurs continue de se pencher « sur les allégations de fixation des prix visant d’autres entreprises, notamment Metro, Sobeys (IGA au Québec), Walmart, Tigre Géant et Maple Leaf ».

Le mois dernier, Canada Bread avait écopé d’une amende de 50 millions dans cette affaire, tandis que George Weston et Loblaw avaient obtenu une immunité contre des poursuites pénales en échange de leur coopération avec le Bureau.

Agronome et économiste à l’Université McGill, Pascal Thériault n’a pas caché son étonnement après avoir pris connaissance du message de M. McCain envoyé en 2007.

« C’est quasiment irréel comme courriel », lance l’expert.

Sachant que cela peut être utilisé à tout moment, je n’en reviens pas que cela ait été dit de façon écrite. Ils devaient vraiment avoir l’impression que le système était conçu de manière à ce que personne ne s’en rende compte.

Pascal Thériault, agronome et économiste

À ce stade-ci du processus, il est encore trop tôt pour avoir une idée du dédommagement réclamé par les plaignants. Ils souhaitent obtenir des indemnités pour toutes les personnes et entités ayant acheté « au moins un produit dans les catégories de viande mentionnées » — bœuf, poulet et porc — dans le courriel de M. McCain « produit, fourni ou vendu par l’un des défendeurs ».

En ce qui a trait au pain, Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaires de l’Université Dalhousie, avait indiqué à La Presse, le mois dernier, que les sommes versées en trop par les ménages oscilleraient entre 4,3 milliards et 4,9 milliards.

Réplique

Par courriel, Loblaw, George Weston et Maple Leaf ont affirmé que la requête des plaignants était « sans fondement ».

« Elle relève également de l’opportunisme, ce qui sera démontré devant le tribunal, le seul endroit où le débat devrait avoir lieu, a souligné la vice-présidente aux communications chez Loblaw Catherine Thomas. La position de Loblaw et de George Weston à l’égard de ce type de comportement est sans équivoque. »

Cette dernière a rappelé que dans le dossier du pain, les responsables des malversations avaient été congédiés dès que des irrégularités avaient été découvertes. L’entreprise estime avoir fait « clairement la démonstration » qu’elle ne « tolère aucunement ce genre d’activité ».

Maple Leaf n’avait pas commenté dans l’immédiat. Vendredi, l’entreprise a affirmé que le courriel de M. McCain faisait une « conversation entre un fournisseur et un détaillant » en ajoutant qu’il s’agissait d’une « pratique normale et universelle » dans l’industrie.

De son côté, Metro a nié « avoir participé à une entente » entourant le prix de la viande « ou avoir enfreint la Loi sur la concurrence ». L’épicier québécois entend « se défendre », a-t-il ajouté. Au moment d’écrire ces lignes, Walmart n’avait pas répondu aux questions envoyées par La Presse.

LPC Avocat et Renno Vathilakis sont aussi impliqués dans une demande d’action collective concernant les tarifs du pain.

Avec la collaboration de Marie-Ève Fournier, La Presse

En savoir plus
  • 25 $
    Valeur des cartes-cadeaux offertes par Loblaw à ses clients dans la foulée du scandale sur la fixation des prix du pain
    source : Loblaw
    2017
    Année où le Bureau de la concurrence a commencé à enquêter sur la collusion dans le secteur du pain
    source : BUREAU DE LA CONCURRENCE DU CANADA