(Québec) Après GM, Québec et Ottawa déroulent le tapis rouge à Ford, qui va officiellement de l’avant avec l’installation d’une usine de la filière des batteries à Bécancour dans le Centre-du-Québec. Ils accordent une aide totale de 640 millions de dollars, divisée en parts égales, pour un projet évalué à 1,2 milliard, a appris La Presse. Plus de 300 emplois seront créés.

L’aide de 320 millions du gouvernement Legault se présente sous forme de prêt sans intérêt, dont une bonne partie sera un prêt-subvention (prêt « pardonnable »).

Le géant américain n’aura pas à rembourser cette portion du prêt s’il respecte certaines conditions à l’intérieur d’un échéancier déterminé, comme le nombre d’emplois créés et maintenus. Cela revient à une subvention.

Le premier ministre François Legault fera l’annonce, ce jeudi, de ce projet d’usine de cathodes, principal composant de la batterie au lithium-ion qui alimente les véhicules électriques. Les cathodes représentent environ 40 % du coût d’une cellule. La production pourrait commencer en 2025.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

François Legault, premier ministre du Québec

Un secteur prisé

La Presse avait fait état de ce projet en gestation dès novembre dernier. On signalait en juillet que Ford et ses partenaires sud-coréens (le fabricant de cellules SK On et EcoPro BM, spécialisé dans les composants de batteries) avaient acheté un immense terrain dans le parc industriel de Bécancour pour une somme de 14 millions de dollars. C’était un signe de l’arrivée imminente de Ford au sein de la filière québécoise des batteries.

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François Legault sera accompagné du ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, et du député de Nicolet-Bécancour, Donald Martel. Ce dernier est l’adjoint parlementaire de M. Fitzgibbon pour le volet des « zones d’innovation ». Bécancour est d’ailleurs devenue la troisième zone d’innovation en importance au Québec plus tôt cette année : la ville fait partie de la « Vallée de la transition énergétique », avec Trois-Rivières et Shawinigan. Il s’agit du lieu privilégié par Québec pour développer la filière des batteries.

C’est dans la cour du ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, député de Saint-Maurice–Champlain. Il prendra part à l’annonce pour le gouvernement Trudeau.

Dans le parc industriel de Bécancour, Ford s’installera sur un terrain situé au nord de l’autoroute 30, face à ceux de GM-POSCO et de Nemaska Lithium. Ford a conclu une entente pour s’approvisionner en hydroxyde de lithium produit à l’usine de Nemaska Lithium, qui sera également bâtie à Bécancour.

Même traitement que GM

Avec leur aide de 640 millions, les deux gouvernements financent la moitié du projet de Ford, comme ils l’ont fait pour General Motors (GM) et son partenaire sud-coréen POSCO.

En mai, GM avait annoncé la construction d’une usine à Bécancour – un projet estimé à 600 millions de dollars – qui produira des matériaux de batteries à compter de 2025. Ottawa et Québec ont accordé des prêts totalisant 300 millions. Sur les 152 millions offerts par Québec, la majeure partie – 134 millions – est versée sous la forme d’un prêt-subvention. Autrement dit, elle se transformera en subvention si les 200 emplois promis sont au rendez-vous ; la moitié dans le cas du prêt fédéral.

« On est en train de bâtir une nouvelle industrie avec des milliers d’emplois payants, plaidait le premier ministre François Legault. On va créer de la richesse avec des emplois mieux payés qui vont payer plus d’impôts au gouvernement du Québec. Le calcul se fait au cas par cas. » Le cas de Ford méritait de toute évidence le même traitement, aux yeux des gouvernements.

L’annonce de Ford, qui suit celle de GM, permet au gouvernement Legault de rebondir après la décision embarrassante de Volkswagen, en mars, d’installer son usine de batteries en Ontario plutôt qu’au Québec.

Pierre Fitzgibbon avait plaidé que le Québec n’avait pas assez d’électricité pour alimenter cette usine. Hydro-Québec avait soutenu par la suite que l’énergie était disponible, mais que les exigences et les délais très courts pour y répondre rendaient toute entente impossible.

François Legault avait fait pression par la suite auprès du gouvernement fédéral pour que le Québec obtienne un traitement équitable par rapport à l’Ontario dans le développement de sa filière des batteries. Ottawa a accordé plus de 13 milliards en 10 ans pour la méga-usine de Volkswagen à St. Thomas, dans le sud-ouest de la province.