Il y a de plus en plus de mères solos au Québec : ces femmes décident de ne plus attendre de trouver l’amour pour fonder une famille. Cela vient avec énormément de responsabilités, notamment financières. Comment s’en sortir lorsqu’on ne gagne pas dans les six chiffres à Montréal ?

La situation

Anaïs*, 32 ans, caressait le rêve de devenir maman depuis longtemps lorsqu’elle a décidé de ne plus attendre de rencontrer « le bon » pour fonder sa famille. Elle a donc entrepris la procréation médicalement assistée (PMA) et elle a maintenant un fils de 2 ans. Prochainement, elle veut faire un deuxième enfant et, idéalement, un troisième. Elle a un très bon contrôle de ses dépenses, aucune dette et elle économise de petites sommes chaque semaine. Elle évalue qu’elle pourrait même épargner un peu plus. Elle doit d’ailleurs prévoir les coûts des prochaines démarches de PMA. Depuis un an, elle est employée du gouvernement et gagne 51 000 $ par année. Malgré son emploi stable, son fonds de pension et sa bonne gestion de ses finances personnelles, elle se pose beaucoup de questions par rapport à son avenir financier.

« Pourrais-je un jour devenir propriétaire à Montréal ? Offrir des activités parascolaires, sportives et des camps de jour à mes enfants ? Continuer à bien manger, à voyager, à économiser pour l’avenir de mes enfants et pour avoir suffisamment d’argent pour ma retraite ? »

Les chiffres

Salaire annuel : 51 000 $

Fonds de pension : Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP)

Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) dans le Fonds de solidarité FTQ : 6600 $ avec prélèvement automatique de 2 % sur chaque paye

Autre REER : 17 000 $ placés à risque modéré avec prélèvement automatique de 25 $ par semaine

Régime enregistré d’épargne-études (REEE) : 1900 $ placés à risque modéré avec prélèvement automatique de 25 $ par semaine

Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) pour la retraite : 4300 $ placés à risque modéré avec prélèvement automatique de 25 $ par semaine

Fonds d’urgence : 8600 $ dans un CELI

Compte courant : 5200 $, dont 3000 à 4000 $ sont destinés à sa prochaine PMA

Loyer mensuel : 1050 $ pour un 6 ½

Projection à la retraite

D’abord, il est évident dès le premier coup d’œil qu’Anaïs a une bonne maîtrise de ses finances personnelles, et c’est ce qui fait qu’elle s’en sort aussi bien seule avec son enfant. Mais pour avoir une meilleure idée de sa situation dans ses vieux jours, Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers, a fait une projection à la retraite. Disons qu’elle continue exactement comme ça, avec son fonds de pension, ses placements hebdomadaires, son portefeuille modéré et considérant que tout ce qu’elle a dans son REEE ira à son enfant. Si elle travaille jusqu’à 65 ans, en suivant les normes de l’Institut québécois de planification financière, elle aura environ 45 600 $ par année nets, en dollars d’aujourd’hui, jusqu’à 95 ans. Si elle décide d’arrêter d’épargner pour la retraite pour se fier uniquement à son fonds de pension et à ses épargnes accumulées, elle aurait 40 000 $.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers

Il faut qu’elle regarde si elle pense qu’elle pourrait bien vivre à la retraite avec 40 000 $ nets par année. C’est certain qu’en ce moment, elle reçoit, en plus de son salaire, des allocations familiales des gouvernements qui lui donnent un bon coup de main. Mais à la retraite, ses enfants devraient être autonomes financièrement.

Simon Préfontaine, planificateur financier

Anaïs doit tout de même garder en tête que c’est l’arrivée du RREGOP dans sa vie qui est venue changer la donne pour sa retraite. « C’est certain que si jamais elle ne travaille plus au gouvernement, elle devra revoir son plan et tenter de se trouver un autre emploi avec un très bon fonds de pension, ou un emploi avec un meilleur salaire qui lui permettra d’économiser de grosses sommes pour sa retraite », prévient le planificateur financier.

Établir les prochaines priorités

Chose certaine, si Anaïs n’a plus à économiser pour sa retraite, cela signifie qu’elle vient de libérer de l’argent qu’elle peut mettre de côté pour autre chose. Pour ce qui est de son fonds d’urgence, Simon Préfontaine lui suggère de le porter à 10 000 $ pour avoir une tranquillité d’esprit, puisqu’elle est seule pour assumer toutes les responsabilités financières de sa famille.

Il attire aussi son attention sur son REEE. « Elle a tout avantage à le maximiser pour aller chercher les 750 $ de subventions gouvernementales qu’elle obtiendra chaque année en cotisant 2500 $, ce qui signifie 48,08 $ par semaine. »

Ensuite, Anaïs devra regarder quelles sont ses priorités, affirme le planificateur financier. Est-ce que ce sont les activités pour ses enfants ? Est-ce qu’elle prévoit les envoyer à l’école privée ? Est-ce qu’elle priorise les voyages ? Est-ce très important pour elle d’acheter une propriété ?

Simon Préfontaine attire d’ailleurs son attention sur ce dernier point. « En ce moment, elle a un grand logement qui ne lui coûte pas cher, mais que fera-t-elle si jamais elle se fait évincer ? Elle risquerait alors de se retrouver à devoir payer un loyer beaucoup plus cher et probablement plus petit. Elle doit penser à ce qu’elle fera pour mitiger ce risque. »

Par exemple, si elle décide d’acheter dans les 15 prochaines années, elle aurait avantage à profiter du nouveau CELIAPP pour constituer sa mise de fonds. Ce nouveau régime enregistré permet de cotiser jusqu’à 8000 $ par année, donne droit à une déduction fiscale à la hauteur de la somme cotisée et les revenus de placements ne sont pas imposables.

Mais si elle n’est pas certaine de vouloir acheter une propriété, elle pourrait économiser dans un CELI régulier et utiliser cette somme selon ses besoins, au moment venu.

Simon Préfontaine, planificateur financier

Elle pourrait aussi utiliser le régime d’accession à la propriété (RAP) avec ce qu’elle a dans ses REER, pour fournir une partie de sa mise de fonds. « Mais elle devrait alors consulter un planificateur financier pour voir l’impact de ce retrait sur sa projection à la retraite », ajoute-t-il.

Revoir sa tolérance au risque

Le planificateur financier conseille également à Anaïs de revoir sa tolérance au risque. « Un portefeuille modéré à son âge pour des placements à long terme, c’est rare, souligne-t-il. D’autant qu’elle n’a pas vraiment besoin de cet argent, parce que son fonds de pension devrait lui assurer une belle retraite. Normalement, on voit davantage un portefeuille équilibré ou croissance. »

Mais elle doit tout de même s’assurer qu’elle pourrait bien vivre avec un portefeuille plus risqué, sans se stresser avec les hausses et les baisses. « C’est par l’éducation que c’est possible, alors je lui conseille de s’asseoir avec son conseiller pour qu’il prenne le temps de lui expliquer comment ça fonctionne, indique Simon Préfontaine. Mais si elle décide de rester avec son portefeuille modéré, c’est correct aussi, parce qu’elle n’a pas besoin de faire plus de rendement pour arriver. »

Protéger ses arrières

Anaïs aurait aussi avantage à consulter un conseiller en sécurité financière pour discuter de ses besoins d’assurances. « Comme sa famille dépend d’elle, il est possible qu’elle ait besoin de prendre des assurances pour compléter ce que son employeur lui donne, que ce soit en assurance vie, invalidité ou maladie grave », énumère Simon Préfontaine.

Elle doit aussi penser à rédiger son testament et son mandat de protection, avec un notaire. « Ainsi, ajoute Simon Préfontaine, elle et ses enfants seront bien protégés légalement et financièrement. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.