Tous les vendredis, une personne du monde des affaires se dévoile dans notre section. Cette semaine, le président et chef de la direction du Groupe Canam Marc Dutil répond à nos questions.

Avez-vous ou avez-vous eu un mentor ?

Tu ne peux pas vivre 58 ans à côté de Marcel Dutil sans le nommer. Mon père, c’est une grande influence sur le plan des valeurs, du regard large.

Au cours des dernières années, j’ai aussi eu à côtoyer quelqu’un qui avait travaillé chez Toyota pendant 15 ans. Il a bouleversé ma vision du leadership dans une organisation. Mais ce n’est pas quelqu’un à qui je parle une fois par mois pour dire : « Aïe, j’ai un problème, peux-tu m’aider ? » Dans la vraie vie, c’est beaucoup plus informel que ça.

Un bon patron, c’est quelqu’un qui…

Qui écoute. L’écoute est le déclencheur de tout.

L’image que j’aurais pour vous, c’est celle de quelqu’un qui a plus qu’une sorte de tournevis dans son coffre à outils. Parfois il faut être empathique, parfois il faut être directif, parfois il faut chercher un consensus, parfois il faut dire que ça suffit. Il faut être capable de choisir le tournevis dont on a besoin.

Quelle est votre plus belle erreur ?

L’École d’entrepreneurship de Beauce, qui est devenue une institution extraordinaire.

Je me suis mis corps et âme là-dedans alors que j’avais une vraie job. Est-ce que le président d’une compagnie publique en 2008, alors qu’il y a un ralentissement économique, doit ignorer ce que disent les gens autour de lui et faire quand même des choses qui vont au-delà de son rôle professionnel ? J’étais père de famille, j’ai cinq enfants. Mais l’École d’entrepreneurship est un détour dont je suis très fier. C’est une belle erreur.

Avez-vous un objet préféré sur votre bureau ?

C’est une pile de feuilles blanches. Des lettres qu’on reçoit, puis qu’on empile parce qu’on n’en a plus besoin, mais dont l’autre côté est vierge. Tu as besoin d’expliquer quelque chose à un collègue... Tu as besoin d’écrire le brouillon d’une lettre... Tu as besoin de faire l’itinéraire du prochain voyage... Cette pile-là, c’est toutes sortes de choses en devenir. C’est sans doute l’objet le plus précieux sur mon bureau.

Que traînez-vous toujours dans vos poches ou votre sac ?

Dans mon portefeuille, c’est mon permis de pêche. La saison est finie, mais j’ai mon permis de pêche au saumon, j’ai mon permis de pêche à la truite, et qui sait ? Il ne faudrait surtout pas que j’aille quelque part sans ça.

Avez-vous un mantra, une devise ?

Ça vient de mon épouse. Catherine m’a beaucoup aidé par des recommandations de lecture et des réflexions. La phrase qu’elle m’a appris à avoir sur le bout de la langue et qui est très aidante, c’est : « Qui est-ce qui vit ça ? »

C’est être capable de séparer l’ego de la personne. Être capable de positionner une réaction à la juste place dans ta vie. Réaliser que la personne qui vit ça, souvent, ce n’est pas toi-même, parce qu’il y a comme un autopilote qui a pris le dessus.

Quel mot ne pouvez-vous plus supporter ?

« Bon matin », *!#@*& [juron] ! Ça sort d’où, ça, « bon matin » ?

Pendant un an, je dirigeais les gens vers le guide de la langue française : bon matin est un anglicisme qui vient de good morning. Maintenant, j’ai complètement abandonné. Mais chaque fois que je l’entends, je me dis : quel illuminé a décidé qu’on disait ça le matin ?

Que faites-vous quand vous avez besoin de trouver une idée ?

Quand j’ai besoin de prioriser les idées, de les organiser, d’en laisser tomber, c’est souvent l’exercice de la feuille blanche. Je place mon idée au centre et je me donne du temps pour – le mot anglais est meilleur – faire du mind mapping [cartographie conceptuelle]. Mais quand j’ai vraiment besoin d’inspiration, j’entre dans une librairie, réelle ou virtuelle. C’est vraiment bizarre, mais le hasard m’a toujours bien servi quand j’entrais dans une librairie.

L’activité qui vous permet de vous débrancher…

Je pense que vous le devinez : la pêche, la lecture...

Et, un peu égoïstement, j’aime voyager.

Ça n’a pas de bon sens, mais j’aime embarquer dans un avion pour 10 heures. Parce que c’est vraiment rare que j’aie 10 heures tranquilles dans ma vie. J’aime attendre à l’aéroport, j’aime être seul dans ma chambre d’hôtel. J’ai besoin de ces moments de tranquillité qui viennent avec les longs déplacements.

Parmi les personnes que vous avez rencontrées, laquelle vous a le plus impressionné ?

J’ai trois noms. Le premier, c’est René Préval [président d’Haïti à deux reprises entre 1996 et 2011]. Je l’ai rencontré trois ou quatre semaines après les tremblements de terre en Haïti. Il nous a servi le café lui-même, on a jasé. C’était presque intime, dans un coin du palais qui ne s’était pas effondré.

J’ai rencontré Guy Lafleur trois ou quatre fois. Ce monsieur-là m’a toujours impressionné. Je ne sais pas, c’est le côté humain du surdoué.

Le troisième s’appelle Claude Boivin. C’est un porteur d’objets sacrés dans la communauté de Mashteuiatsh au Lac-Saint-Jean. Claude a écrit une pièce de théâtre qui a été jouée à Montréal sur la réalité des orphelinats.

J’ai rencontré M. Boivin deux jours et demi dans ma vie, l’été dernier, et il a fait mon top 3 parce qu’il m’a ouvert les yeux à plein de choses.

Qui est Marc Dutil ?

Marc Dutil est président et chef de la direction du Groupe Canam depuis 2012. Spécialisée dans la conception et la fabrication de pièces métalliques pour l’industrie de la construction, l’entreprise compte 12 usines au Canada et aux États-Unis.

Marc Dutil est né en 1964 à Saint-Georges. De 1983 à 1986, il étudie au Boston College en administration et informatique, puis fonde une entreprise en technologies de l’information.

En 1989, il se joint au Groupe Canam Manac, fondé par son père Marcel en 1973. Il est nommé vice-président exécutif en 2001, puis président et chef de l’exploitation en 2003.

Il est le fondateur de l’École d’entrepreneurship de Beauce, qui a ouvert en 2010 et dont il est toujours président du conseil d’administration.

Marc Dutil est marié à Catherine Larochelle depuis 1989. Ils sont parents de cinq enfants.