Cette semaine, Pascale Dufresne, fondatrice associée de l’organisation Leadership INSPIRE et autrice du livre Leadership créateur, répond à nos questions sur le leadership

La société s’est modernisée. La pénurie de main-d’œuvre et les effets de la pandémie sur le monde du travail ont accéléré les changements dans le style de gestion des gestionnaires et des dirigeants. Pourquoi existe-t-il encore des leaders égocentriques et dictateurs ?

C’est souvent des cas extrêmes avec des troubles pathologiques et on ne peut pas penser qu’ils feront ce qu’on appelle du développement en conscience. Pour ceux qui n’ont pas de troubles pathologiques, on ne peut pas les forcer à évoluer s’ils n’en ont pas envie. L’autre problème, ce sont les systèmes et les cultures organisationnels en place, où la direction nourrit l’ego et le contrôle. Il peut y avoir de bons leaders intermédiaires en dessous qui vont tenter de changer les choses, mais d’autres vont continuer de fonctionner selon les systèmes établis. C’est très long avant de changer les systèmes organisationnels. Dans certaines entreprises, il y en a qui construisent, d’autres qui détruisent. Je pense qu’il y a une part d’acceptation et il faut trouver comment naviguer dans cette culture organisationnelle le plus sereinement possible en étant un acteur de changement positif.

Vous dites qu’encore trop de leaders s’appuient sur leur rôle et leur autorité formelle pour arriver aux résultats attendus. Ces leaders imposent au lieu d’engager, de mobiliser et d’inspirer. Pourquoi engage-t-on encore ce type de leader ?

Dans nos processus d’embauche, c’est difficile d’évaluer si une personne est consciente ou pas. Que ce soit au recrutement ou dans les évaluations annuelles, on ne regarde souvent qu’un côté de la médaille, soit les résultats. On fonctionne avec la peur de ne pas atteindre nos résultats, la peur de ne pas arriver le premier, avec la compétition. Le changement est en cours, mais ce sont des changements collectifs qui prennent du temps, car ils sont majeurs. Il y a 65 % des organisations qui fonctionnent encore sur une base de contrôle et de compétition dans une culture réactive.

Vous proposez d’être un leader créateur. Qu’est-ce que ça signifie exactement ?

Rendu à l’âge adulte, on entre dans un leadership conditionné. On est victime de notre environnement, donc on répond aux exigences à partir des stratégies de contrôle et de suradaptation. Plus le stress embarque, plus on les utilise. Ça donne des styles de leadership avec des comportements limitants. C’est la tâche qui nous mène, on a peur de ne pas arriver aux résultats, d’être perçu comme incompétent, alors on va s’adapter. On va devenir très exigeant envers soi-même et envers les autres.

La majorité des leaders ont de bonnes intentions, mais la pression arrive, les exigences, le stress, les souffrances, les adversités, la vie. On perd ses capacités à être bienveillant lorsqu’on est dans le mode réactif.

Quand on fait le choix de se transformer, soit parce que notre entreprise nous l’offre, soit parce qu’on est allé au bout de ces stratégies réactives qui ne fonctionnent plus, on vise le stade créateur. Au lieu que les choses m’arrivent, je crée. Je crée à partir de ce qui est important pour moi : ma mission, mon sens, mon intention. On n’est plus victime de l’environnement, on est des créateurs.

Est-ce que le leader créateur peut aussi créer de la performance, car c’est ce que toutes les organisations et les entreprises recherchent ?

Le leader créateur est à la fois dans l’humain et dans la performance, mais en créant un autre type de performance. L’expression « comment tirer le maximum de ses ressources » me donne de l’urticaire. On dirait que l’on compare l’employé à un citron qu’on presse pour en extraire la performance. Ça en crée, oui, mais à court terme. C’est ce mode de performance qu’on a utilisé ces dernières décennies. Le leader créateur, lui, crée de la performance durable et saine. Ce choix de performance à long terme comporte évidemment des renoncements sur la vitesse et les résultats à court terme. On parle plus d’une approche de cultivateur. On cultive, on engraisse le terreau, on en prend soin pour assurer des résultats plus durables. On crée du sens pour les employés, on les nourrit, on leur donne envie, on s’occupe d’eux. Il faut assigner des ressources financières à ça, oser ralentir et prendre plus de temps. Souvent, on n’est pas prêt à faire ces renoncements, mais il n’y a rien de magique quand on veut créer de la performance durable.

Je suis moi-même une grande performante et c’est difficile pour moi de ralentir. Je me force en m’offrant un mois de ralentissement par année. Oser ralentir, c’est la clé pour arriver à une saine performance.

Leadership créateur

Leadership créateur

Béliveau éditeur

180 pages