La femme d’affaires Marilou est connue pour Trois fois par jour, ses recettes et ses chansons. Directrice invitée de la section Affaires, elle a confié à nos journalistes et chroniqueurs la mission de répondre à ses interrogations d’entrepreneure.

Le mot de Marilou

Un sentiment de devoir bouger rapidement m’habite sans cesse, tout comme ma conviction qu’aller lentement est le meilleur moyen de ne pas se tromper. Cette contradiction me fait me demander comment c’est possible de voir clair et d’adopter le bon rythme dans une société où tout bouge à un rythme effréné. Est-ce que se demander tous les jours si notre direction demeure claire et précise est notre meilleure protection ?

« Les jeunes qui lancent une entreprise aujourd’hui n’ont pas le choix de vouloir aller vite. Et plus vite qu’avant, parce que le monde change plus vite », lance David Nault, fondateur et associé directeur chez Luge Capital, un fonds montréalais de capital de risque.

David Nault travaille avec des entrepreneurs pour les aider à bâtir leur entreprise. Il soutient qu’il n’y a jamais eu un meilleur moment que présentement pour démarrer une entreprise.

« Surtout en technologies, parce que le coût est beaucoup moindre qu’avant. Ça ne coûte rien de s’installer devant un ordinateur et de bâtir un site web pour commencer quelque chose. C’est un bon moment. On voit énormément d’innovation. Les milléniaux, surtout, sont moins bien servis par de grandes entreprises qui ciblent des gens ayant beaucoup d’argent. »

Les jeunes entrepreneurs d’aujourd’hui sont beaucoup plus matures et préparés qu’il y a 10 ou 15 ans, selon David Nault, parce qu’il est facile d’obtenir de l’information sur le web et d’y suivre des entrepreneurs qui présentent leurs idées.

« Les entrepreneurs vont sur YouTube et sur les réseaux sociaux et parlent de leurs succès », dit celui qui travaille beaucoup avec des gens du secteur des technologies.

Il cite en exemple le président de Shopify, Harley Finkelstein, qui présente beaucoup d’idées en ligne, ce que David Nault appelle du « peer to peer entrepreneurship ».

David Nault va même jusqu’à dire que les entrepreneurs qui veulent aller moins vite ont assurément moins de chances de réussir, car tout bouge beaucoup plus vite autour d’eux.

« Les jeunes entrepreneurs ont accès en tout temps à un cellulaire. C’est dans leur ADN aujourd’hui. C’est toujours “ go, go, go ”. Naturellement, ils sont mieux placés qu’avant pour aller plus vite. À cause des outils à leur disposition et parce qu’ils sont nés et ont grandi avec un accès à tout en étant toujours connectés. Ils ont besoin d’être stimulés et c’est une caractéristique d’un entrepreneur. La volonté de toujours être stimulé par what’s next? »

Éléonore Jarry-Ferron, associée chez Brightspark Ventures et cofondatrice de Front Row Ventures — un fonds de capital de risque qui soutient des étudiants-entrepreneurs —, abonde dans le même sens.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Éléonore Jarry-Ferron, du fonds d’investissement Front Row Ventures

Il y a plus d’outils et de capitaux aujourd’hui qu’il y a 5 ou 10 ans pour un entrepreneur voulant innover. Il y a beaucoup plus de gens qui l’ont fait avant aussi, donc plus de modèles d’inspiration pour les jeunes et beaucoup de façons d’avoir accès à du mentorat pour éviter certaines erreurs de début de parcours pour ainsi aller plus vite.

Éléonore Jarry-Ferron, cofondatrice de Front Row Ventures

Elle perçoit d’un bon œil le rythme accéléré observé aujourd’hui. « Oui, c’est beaucoup plus rapide et c’est une bonne chose, car la technologie et l’innovation font en sorte que les choses bougent extrêmement vite. Quand on démarre une entreprise, c’est très important de pouvoir pivoter rapidement pour aller à gauche quand ça ne fonctionne pas à droite. La rapidité d’exécution est importante », dit-elle.

« Vaut mieux savoir si on travaille sur une idée qui ne marche pas très rapidement pour peut-être se lancer sur autre chose, plutôt que de passer des années à bâtir quelque chose et de dépenser beaucoup de capitaux pour finalement se rendre compte qu’il n’y avait pas de marché ou trop de concurrence. »

Un des pièges à éviter, selon elle, est de prendre des décisions sans se fier à des informations ou à des données disponibles.

Les meilleurs entrepreneurs — jeunes ou moins jeunes — sont des gens capables de prendre des décisions difficiles et rapides en tenant compte de beaucoup d’informations colligées et arriver à une conclusion plus rapidement que d’autres.

Éléonore Jarry-Ferron, cofondatrice de Front Row Ventures

Si l’intuition compte encore pour beaucoup en entrepreneuriat, elle souligne qu’un entrepreneur doit quand même valider son intuition avec des données, et en particulier aujourd’hui alors qu’il y a beaucoup d’information disponible. « Il faut être capable d’aller aux sources. »

Il importe aussi, selon elle, de tester à petite échelle avant de déployer de gros budgets sur une initiative.

Éléonore Jarry-Ferron observe par ailleurs un changement dans le profil des entrepreneurs. Elle perçoit un « gros désir » d’impact chez les milléniaux.

« Quand j’ai commencé, on voyait beaucoup de jeunes qui voulaient lancer des entreprises parce que c’était cool de le faire. On plaçait des gens comme Mark Zuckerberg, de Meta [Facebook], sur un piédestal, des gens ayant démarré des entreprises très jeunes et qui sont devenus très riches et arrivés à un statut de célébrité », dit-il.

« Aujourd’hui, on voit beaucoup plus de gens conscientisés qui veulent bâtir des entreprises qui auront un impact sur les changements climatiques, le domaine médical, etc. Il y a vraiment ce désir d’avoir un impact au-delà de soi, au-delà de l’entreprise, ce qu’on voyait moins avant et qui devient un thème très récurrent dans la génération actuelle, fin vingtaine et début trentaine. »

Elle précise que c’est une question de génération et de contexte économique et social à l’échelle mondiale. « On voit les jeunes dans la rue demandant des changements importants pour plus d’équité sociale et pour protéger l’environnement. On ne peut pas se permettre de continuer comme avant et la nouvelle génération en est consciente pour permettre aux enfants d’avoir un avenir plus prometteur sur la Terre. Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des jeunes entrepreneurs d’aujourd’hui. »

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