Pierre Karl Péladeau a témoigné lundi aux audiences publiques du CRTC sur les services de diffusion en ligne

Québecor et Bell exhortent le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) à alléger le plus rapidement possible les obligations des radiodiffuseurs traditionnels. Les deux concurrents parlent d’une « urgence d’agir ».

« Notre démocratie est en jeu », a lancé le PDG de Québecor, Pierre Karl Péladeau, lundi, lors d’un témoignage livré à l’occasion du début des audiences qui se tiennent tous les jours à Gatineau durant les trois prochaines semaines à propos de la loi C-11 sur la diffusion continue en ligne.

« Les entreprises canadiennes ne peuvent plus attendre la fin du long processus de mise en œuvre de la nouvelle Loi sur la radiodiffusion », soutient le grand patron de Québecor.

Il souligne que les entreprises de programmation privées subissent « plus que jamais » le déclin de leurs auditoires et de leurs revenus publicitaires et d’abonnements, ainsi que l’augmentation des droits de diffusion.

« La situation est insoutenable », affirme de son côté en entrevue la vice-présidente au développement de contenu, à la programmation et à l’information chez Bell Média, Suzane Landry.

PHOTO FOURNIE PAR BELL

Suzane Landry, vice-présidente au développement de contenu, à la programmation et à l’information chez Bell Média

Plus on attend, plus on se met à risque, et plus on s’expose à perdre des sources d’information et du contenu canadien. C’est le rayonnement de notre culture qui risque d’en souffrir.

Suzane Landry, vice-présidente au développement de contenu, à la programmation et à l’information chez Bell Média

Bell doit comparaître à son tour ce mardi matin pour présenter ses recommandations au CRTC.

Soulignant au passage que les services de nouvelles de Bell (CTV News et Noovo Info) ont perdu 40 millions en 2022, Suzane Landry dit souhaiter une accélération du processus de réforme en cours et une accélération de la prise de décision au CRTC.

Bell espère notamment obtenir rapidement plus de flexibilité dans ses obligations en information régionale. L’entreprise dit vouloir couvrir l’actualité locale en fonction de l’actualité du jour et pouvoir utiliser ses ressources en conséquence au lieu d’avoir à produire du contenu par région de manière équivalente.

La création d’un fonds afin de soutenir l’information est demandée par Bell.

Bell souhaite aussi la mise en place de règles de contributions à un fonds commun pour le contenu canadien et propose qu’elles s’élèvent à 20 % des revenus générés par toutes les plateformes.

« Puisque le gouvernement et le CRTC ont choisi de réglementer l’irréglementable – et nous l’avons récemment constaté avec Meta qui a tout simplement bloqué les sites de nouvelles au Canada et avec Google qui menace de suivre la parade –, nous sommes fermement convaincus que, malheureusement, les entreprises en ligne étrangères ne se conformeront à aucune contribution obligatoire », a dit Pierre Karl Péladeau, lundi.

« Les plateformes étrangères continuent de proposer au CRTC des obligations de dépenses en émissions canadiennes tout en voulant en modifier la définition, ayant ainsi pour seul objectif de servir leurs propres intérêts au détriment d’une réelle contribution à l’ensemble du système canadien de radiodiffusion. Faut-il rappeler le fiasco de l’entente de 500 millions conclue entre Netflix et Patrimoine canadien qui ne fut que de la poudre aux yeux sans aucune reddition de comptes ? Gardons-nous de tomber deux fois dans le même piège », a-t-il ajouté.

TVA au pied du mur

« Sans une révision en profondeur et un allégement important du cadre réglementaire, la bataille que nous livrons à armes inégales contre les services en ligne étrangers aura raison des entreprises de radiodiffusion d’ici, et cela, au détriment complet de l’intérêt public. »

Au début du mois, Groupe TVA a annoncé une réorganisation entraînant la suppression de 547 postes, soit 31 % de son effectif.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Karl Péladeau, PDG de Québecor

TVA est poussée dans ses derniers retranchements pour tenter de continuer à proposer des contenus locaux de divertissement et de l’information de qualité tout en continuant de contribuer à l’écosystème de la production indépendante au Québec.

Pierre Karl Péladeau, PDG de Québecor

M. Péladeau affirme que la situation est tout aussi préoccupante du côté des télédistributeurs canadiens qui, année après année, dit-il, subissent une baisse de leurs abonnements au profit des services en ligne étrangers.

« La tendance lourde au débranchement, à la réduction des services ou à l’absence totale d’abonnement s’intensifie, comme le démontre une récente étude indiquant que 24 % des Canadiens visionnant du contenu en ligne entendent annuler ou réduire leur abonnement au câble dans les 12 prochains mois, soit une perte catastrophique de plus de 2,3 millions d’abonnés. La décroissance importante des revenus des télédistributeurs ne fera que s’accentuer, impactant toujours davantage leur capacité à contribuer au contenu canadien. »

La seule et unique solution sur laquelle le CRTC peut exercer une « réelle » emprise afin d’assurer la pérennité des entreprises traditionnelles canadiennes, ajoute-t-il, est un allégement « important et immédiat » de leur fardeau réglementaire et financier.

« Sans un carcan réglementaire qui nous exige un service de base obligatoire avec des chaînes à distribution obligatoire, des quotas de diffusion et de programmation, des rapports par-dessus rapports, et la liste continue, nos entreprises auraient peut-être eu de meilleures chances pour innover et se réinventer », affirme Pierre Karl Péladeau.

Des comparutions sont prévues tous les jours jusqu’à la fin des audiences, le 8 décembre. Outre Québecor et Bell, il y aura celles de Google, Netflix, Amazon, Apple, Rogers, Cogeco, Telus, Radio-Canada, l’ADISQ et d’autres.