Cette semaine, Kareen Emery, vice-présidente en stratégie et création à l’agence de marketing RH Sept24, répond à nos questions sur le leadership.

Dans un marché de l’emploi toujours serré, les employeurs veulent se démarquer pour attirer et fidéliser les employés. Chez Sept24, vous créez des marques d’employeur. Qu’est-ce que ça signifie concrètement ?

On définit pourquoi quelqu’un choisirait d’aller travailler pour tel employeur. Actuellement, on veut vous séduire, et vous devez laisser tout ce que vous connaissez pour partir chez un autre employeur. Pour faire le saut, il doit y avoir un gain, quelque chose qui vous fait dire : « Ah, ça vaut la peine que je quitte ce que je connais. » La marque d’employeur permet d’aller définir les raisons pour lesquelles on prendrait cette décision-là. Les facteurs d’insatisfaction en emploi sont multiples. Au Québec, c’est très souvent la relation avec le gestionnaire qui cause de l’insatisfaction, le manque de promotion ou le manque de stabilité si l’entreprise est mal en point financièrement.

Il y a 20 ans, quand vous avez commencé, on ne parlait pas de marque d’employeur, n’est-ce pas ?

On était des extraterrestres ! Dans les années 1990, les grands comme IBM ont commencé, puis tranquillement, ç’a gagné en popularité. Aujourd’hui, on voit des postes affichés de spécialiste de marque employeur ou de gestionnaire de marque employeur. Mais au-delà de la marque d’employeur, ce qui devient encore plus important, c’est de l’activer. Imaginons le « Just Do It » de Nike sans la campagne de marketing. L’idée aurait été bonne, mais dormirait encore quelque part dans le fond d’un tiroir. C’est pareil pour une marque d’employeur. Il faut qu’elle soit accompagnée d’une campagne, qu’elle soit diffusée à l’interne et à l’externe pour que ça fonctionne.

Comment votre agence innove-t-elle ?

Comme on est situé à Sherbrooke, on a collaboré avec l’Université de Sherbrooke pour définir une méthodologie innovante. Contrairement au marketing traditionnel, en marketing RH, on ne peut pas faire de « surpromesses ». On ne peut pas dire : « Viens travailler chez nous et tu auras une qualité de vie extraordinaire. » Ce n’est pas comme vendre un produit qui risque de briser après deux semaines. Tu ne peux pas bousculer la vie de quelqu’un sur de fausses promesses. Il fallait qu’on arrive à créer une méthodologie qui rende la marque la plus authentique possible. C’est là qu’on a décidé de définir une marque à partir des employés. En se basant sur ce qu’ils trouvent attractif, pertinent et satisfaisant. On est innovant aussi parce que tous les ans, notre méthodologie va évoluer pour suivre ce qui se passe sur le marché. Une marque d’employeur, c’est repenser le monde du travail en mieux, c’est le décortiquer en petits morceaux. Qu’est-ce qui a changé, qu’est-ce que je vais intégrer dans la marque d’employeur pour que les gens qui viennent travailler chez nous travaillent mieux, soient bien et qu’on fasse du profit ?

Vous avez participé au congrès mondial de marque d’employeur à Amsterdam. Quelles sont les grandes tendances pour 2024 ?

L’intelligence artificielle. Le mode hybride. Les programmes ambassadeurs. Par exemple, beaucoup de grands comme Amazon se servent de leurs employés sur les réseaux sociaux, mais d’une manière structurée, pour en attirer d’autres. Lego et Siemens ont une marque d’employeur personnalisée. Plutôt que d’en avoir une qui englobe toute l’entreprise, il y en a une pour chaque département : la marque d’employeur vécue par les ingénieurs, par le service à la clientèle, par les ventes, etc. Aussi, pour 2024, les employeurs devront donner une raison d’être au lieu de travail. Donner envie d’aller au bureau. Que ce ne soit pas une obligation, mais une destination. Et une destination pour faire quoi ? Ça, c’est à nous de le définir. Et les employés ne doivent pas penser qu’ils y vont juste pour justifier le loyer.

Vous prévoyez l’arrivée d’une tendance qui ravira les employeurs…

Le retour du balancier entre les responsabilités de l’employé et de l’employeur. On est en déséquilibre actuellement, on manque de gens. Les employeurs devaient donc offrir énormément jusqu’ici. Ils devaient être innovants avec le café, le bol de fruits, le stationnement payé. Mais si je fais tout ça, je m’attends à un retour. Je m’attends à ce que l’employé arrive de façon positive au bureau, qu’il donne un bon service à la clientèle. On était tellement dans le besoin de pourvoir des postes qu’on avait oublié ce côté-là. L’employeur a ses responsabilités, mais l’employé aussi.