La forte inflation de 2021 et 2022 a grevé le budget des ménages américains et sapé la popularité du président Joe Biden. Mais elle a ralenti à la fin de 2023, une amélioration plus rapide que ce que les économistes prévoyaient. Cela conforte l’espoir d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine.

L’embellie se poursuivra-t-elle en 2024 ? Voilà la question.

Pour ajuster leurs prévisions, les économistes essaient de déterminer d’où, exactement, vient la récente décélération de l’inflation. Elle semble venir d’une pression moins forte sur le prix des biens (vêtements, voitures d’occasion, etc.) et sur le coût des services (les voyages, entre autres), et ce, malgré la hausse des loyers qui tarde à fléchir.

Ces tendances semblent annoncer plus de désinflation, mais on peut aussi y déceler quelques risques persistants. Jetons un coup d’œil à tout cela.

Qu’est-ce que la désinflation ?

Ce qui se passe aujourd’hui aux États-Unis s’appelle « désinflation » dans le jargon des économistes : si on compare les prix d’aujourd’hui à ceux d’il y a un an, on constate qu’ils augmentent beaucoup moins vite. Par exemple, à l’été 2022, les prix augmentaient à un rythme annuel de 9,1 %. En novembre, c’était 3,1 %.

Ça ne veut pas dire que les prix baissent aux États-Unis. La forte hausse post-pandémique ne s’est pas inversée.

Les loyers, les réparations de voiture et le panier d’épicerie restent plus chers qu’en 2019. (Les salaires ont aussi augmenté et ont progressé plus rapidement que les prix au cours des derniers mois.) Leurs prix montent encore, mais moins vite.

La Réserve fédérale américaine souhaite ramener la hausse des prix à un rythme lent et régulier, compatible avec une économie saine, pas en surchauffe. Comme d’autres banques centrales dans le monde – y compris la Banque du Canada –, la Fed définit cela comme un taux d’inflation annuel de 2 %.

Pourquoi la désinflation de 2023
est-elle une surprise ?

L’inflation a surpris les économistes en 2021 et en 2022 en augmentant fortement, puis en restant élevée. À la mi-2023, elle s’est essoufflée, chutant bien plus vite que les prévisions revisées.

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Les prix des biens ont modéré l’inflation aux États-Unis.

Au milieu de 2023, la Fed s’attendait à ce qu’une mesure clé de l’inflation, les dépenses de consommation personnelle, termine l’année à 3,2 %. Selon les dernières données publiées en novembre, elle était tombée à 2,6 %. La mesure de l’indice des prix à la consommation a aussi baissé rapidement.

Cette baisse étonnamment rapide a d’abord été observée dans le prix des voyages, note Omair Sharif, fondateur d’Inflation Insights. En ce qui concerne les tarifs aériens en particulier, c’est la hausse de l’offre qui a joué.

La demande demeurait forte, mais après des années de capacité limitée, l’offre l’a finalement rattrapée. En outre, le prix du kérosène a baissé. Les tarifs ont suivi. Les autres prix liés aux voyages, comme les hôtels, ont augmenté rapidement en 2022, mais beaucoup plus lentement dès la mi-2023.

PHOTO REMY DE LA MAUVINIERE, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La baisse étonnamment rapide de l’inflation a d’abord été observée dans le prix des voyages.

Ensuite, ce sont les prix des biens qui ont modéré l’inflation aux États-Unis. Après de fortes hausses pendant deux ans, les prix de certains biens (meubles, vêtements, voitures d’occasion, etc.) ont augmenté beaucoup plus lentement, voire baissé.

L’ampleur de la désinflation des biens a été surprenante, selon Matthew Luzzetti, économiste en chef pour les États-Unis à la Deutsche Bank. Signe encourageant, ajoute-t-il, « elle a été assez généralisée ».

En fait, on attend – et espère – toujours une désinflation marquée des loyers.

Les loyers ont bondi au début de la pandémie, mais leur inflation a ensuite fortement ralenti. De nombreux économistes pensent que ce ralentissement finira par se voir dans les données officielles sur l’inflation, à mesure que les locataires renouvelleront leurs baux ou en signeront de nouveaux. Mais ce processus prend du temps.

Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?

Bien sûr, cela ne signifie pas que l’économie américaine et les banquiers de la Fed soient sortis de l’auberge.

La baisse du prix des carburants a contribué à ralentir l’inflation générale et celle d’autres prix, comme ceux des billets d’avion. Mais les prix des carburants sont notoirement volatils. Si les troubles dans les régions productrices déclenchent une hausse inattendue des coûts de l’énergie, éradiquer l’inflation sera bien plus difficile.

On a un exemple de risque géopolitique avec les attaques récentes contre les navires marchands en mer Rouge, qui perturbent une artère cruciale du commerce mondial. Si cela perdure et s’aggrave, le prix des biens pourrait monter.

Mais en fait, le risque le plus immédiat est peut-être qu’on ait surestimé la signification du fort ralentissement de l’inflation vers la fin de 2023.

Ces dernières années, les chiffres des prix de fin d’année ont été révisés à la hausse. De plus, les données sur l’inflation de janvier ont montré des hausses, en partie parce que certaines entreprises augmentent leurs prix au début de l’année.

« Il faut s’attendre à quelques soubresauts », estime M. Sharif, évoquant une série de nouveaux calculs de l’inflation attendus le 9 février et qui devraient fournir un portrait plus clair du récent ralentissement de l’inflation.

Toutefois, la tendance générale de l’inflation semble être vers le bas, ajoute M. Sharif.

Cela pourrait mener à une baisse des taux d’intérêt de la part de la Fed, qui a signalé l’éventualité d’abaisser les coûts d’emprunt plusieurs fois en 2024.

« Il n’y a plus beaucoup de risque de hausse, à mon avis », conclut M. Sharif.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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