La lutte de pouvoir qui s’étire chez Gildan nourrit de plus en plus de discussions sur Bay Street.

« Les communiqués de presse continus sur le sujet alimentent l’incertitude et incitent à la prudence quant à la performance boursière de l’entreprise à court terme », souligne l’analyste Vishal Shreedhar, de la Financière Banque Nationale.

Dans une note envoyée à ses clients mercredi, cet expert souligne que le différend sur la gouvernance jette de l’ombre sur Gildan et qu’une meilleure exécution est le résultat le plus probable à moyen terme.

Vishal Shreedhar estime que sur un horizon d’un an, la pression accrue sur les résultats sera bénéfique.

Selon lui, si le conseil d’administration actuel demeure en place, la pression se fera sentir sur le nouveau PDG Vince Tyra pour qu’il améliore les performances et propose une stratégie et une exécution supérieures.

En revanche, ajoute-t-il, si le conseil d’administration est en grande partie remplacé et que l’ex-PDG Glenn Chamandy est reconduit dans ses fonctions, ce dernier sera contraint de démontrer que les allégations à son endroit, notamment de mauvaises habitudes de travail et d’insuffisance stratégique, sont sans fondement.

La semaine dernière, l’analyste Martin Landry, de la firme Stifel GMP, disait que la saga Gildan était malheureusement bénéfique pour aucune des parties prenantes et que les allégations dévoilées publiquement par le conseil d’administration et M. Chamandy risquaient de laisser des cicatrices dont la guérison pourrait prendre beaucoup de temps.

« Quel que soit le scénario final, il y aura beaucoup d’explications à donner pour restaurer la confiance des investisseurs », soulignait-il dans une note à ses clients.

« Approche erronée », selon Chamandy

Glenn Chamandy a affirmé mercredi matin que le conseil d’administration du fabricant montréalais de vêtements « mérite à peine une réponse » à son communiqué publié la veille qui stipulait notamment que Glenn Chamandy n’envoyait plus qu’une poignée de courriels par jour avant son congédiement, que peu de réunions de travail étaient inscrites à son agenda et qu’il entretenait une relation étroite avec le fonds de couverture militant à la tête d’une campagne d’actionnaires visant à le remettre aux commandes de l’entreprise.

« Je constate, avec regret, l’orientation que prend le conseil dans sa stratégie visant apparemment à saper ma réputation et mon bilan par des insinuations et des déformations de la vérité », dit Glenn Chamandy dans sa déclaration.

« Le conseil d’administration continue de véhiculer une approche erronée, trompeuse et destructrice de valeurs, empreinte de l’obsession de ses membres de préserver leur propre réputation avant toute chose », précise-t-il.

Glenn Chamandy soutient que le conseil d’administration se doit de recentrer immédiatement ses efforts et ses priorités sur la récupération de la perte de valeur dont il est responsable – et sur l’écoute des actionnaires, objectif profitable à tous les partenaires – pour éviter que Gildan ne subisse davantage de préjudices.

Dans un communiqué publié en fin de journée mardi, Gildan mentionnait notamment que Glenn Chamandy avait été un des conférenciers invités à la journée des investisseurs du fonds de couverture Browning West tenue en février dernier. « Bien que Browning West soit un investisseur de Gildan depuis plusieurs années, Glenn Chamandy semble avoir traité Browning West différemment des autres actionnaires de Gildan », était-il indiqué.

Le conseil soulignait par exemple que le 8 novembre dernier, une semaine après que Glenn Chamandy avait proposé son plan d’acquisition jugé à haut risque au conseil et pressé ce dernier de le garder en poste comme chef de la direction, il avait accueilli Usman Nabi et Peter Lee, cofondateurs de Browning West, de même qu’un certain nombre d’investisseurs de Browning West, à l’occasion d’une visite exclusive des installations de fabrication de Gildan au Honduras.

L’entreprise dit ne pas disposer d’information récente indiquant que tout autre actionnaire de Gildan et ses investisseurs auraient été reçus par le chef de la direction pour une visite exclusive d’installations de Gildan.

Glenn Chamandy a été destitué de son poste de PDG le 10 décembre. Le conseil avait justifié sa décision par des divergences liées au plan de succession et en soulignant que Glenn Chamandy souhaitait aller de l’avant avec une stratégie d’acquisitions risquée de plusieurs milliards de dollars.

Une dizaine d’actionnaires institutionnels indépendants, contrôlant environ 35 % des actions de Gildan, ont publiquement exprimé leur opposition au congédiement de Glenn Chamandy depuis un mois.

La semaine dernière, Browning West, qui dit détenir une participation approximative de 5 % dans Gildan, a demandé la tenue d’une assemblée extraordinaire des actionnaires pour voter le retour en poste de l’ex-PDG Glenn Chamandy et reconstituer la majorité du conseil d’administration de Gildan.

Browning West a aussi affirmé avoir appris que le conseil de Gildan songeait à employer des tactiques pour notamment reporter la prochaine assemblée des actionnaires et toute assemblée extraordinaire demandée jusqu’à l’automne.

Gildan a dit mardi que cette affirmation de Browning West est fausse et que l’entreprise répondra à la demande de convocation d’assemblée en temps voulu.