Tous les vendredis, un décideur se dévoile dans notre section. Cette semaine, Marc Parent, président et chef de la direction de CAE, multinationale montréalaise en technologies et en services de formation en pilotage aérien professionnel, répond à nos questions.

Y a-t-il un moment où votre carrière a décollé ?

Ça remonte en 1991, alors que j’étais un ingénieur en début de carrière dans le programme de développement du CRJ chez l’avionneur Canadair, peu après son acquisition par Bombardier. Ce programme très important était rendu à l’étape des vols d’essai et de certification, qui devait se dérouler à Wichita, au Kansas. À 29 ans, j’ai décidé de me joindre au groupe d’employés de Canadair dépêchés de Montréal à Wichita pour ces vols d’essai. Je me suis alors retrouvé dans une fonction au carrefour de toutes les principales divisions de ce qui allait devenir Bombardier Aéronautique, y compris sa haute direction. Ce poste carrefour m’a permis de me « faire remarquer » pour mon bon travail. Et ça m’a ouvert la porte vers une succession d’occasions en direction de projets et en mandats de haute direction chez Bombardier Aéronautique.

Un bon patron, c’est quelqu’un qui…

C’est quelqu’un qui réussit à faire ressortir le meilleur de ses adjoints et de ses employés. Un bon patron veille à ce que tous les membres de ses équipes de travail et de direction comprennent bien leur rôle et leur contribution au succès des projets et des objectifs de l’entreprise. Aussi, un bon patron s’assure que ses adjoints et les employés clés ont les bons outils et l’autonomie suffisante pour réussir leur mandat, tout en évitant de les diriger en microgestion. En agissant ainsi, un bon patron parvient à susciter le plus de motivation parmi les employés afin qu’ils sortent le mieux eux-mêmes dans leur fonction, et même les inciter à dépasser les attentes.

Qui admirez-vous dans le monde des affaires ?

Il y a deux dirigeants d’entreprise que j’admire en particulier, tous deux dans le secteur des technologies informatiques. D’une part, j’admire le PDG de Microsoft, Satya Nadella, qui a orchestré un revirement incroyable de l’entreprise en matière d’innovations et de direction stratégique, tout en respectant la culture d’entreprise héritée de son illustre fondateur, Bill Gates. D’autre part, plus près de nous au Québec, j’admire Serge Godin, grand patron (et cofondateur) de CGI, la multinationale des services-conseils en informatique. Cet homme d’affaires que je considère comme un ami personnel a démarré avec 5000 $ en poche dans le sous-sol de sa maison familiale au Saguenay à l’époque pour faire de CGI une entreprise présente un peu partout dans le monde. Encore à ce jour, je m’inspire du modèle d’affaires de Serge Godin dans le développement du marché de l’impartition dans le domaine très exigeant des technologies de l’information.

Avez-vous eu un mentor en affaires ?

Deux personnes en particulier ont été déterminantes dans la progression de ma carrière d’ingénieur et de dirigeant dans le secteur de l’aviation. D’abord, il y a eu John Holding, qui était mon superviseur d’ingénierie chez Canadair à l’époque et qui a ensuite gravi les échelons jusqu’à la vice-présidence de toute l’ingénierie et le développement de produits chez Bombardier Aéronautique. En fait, c’est lui, John Holding, qui a su reconnaître chez le Marc Parent de l’époque un jeune ingénieur francophone de talent, ce qui était encore très rare dans l’industrie aéronautique à Montréal. C’est lui qui m’a confié des rôles de gestion et de direction de projets qui ont propulsé ma carrière vers la haute direction d’entreprise. Le second mentor d’importance dans ma carrière est Robert Brown, qui fut mon prédécesseur à la présidence de CAE après avoir été mon grand patron à titre de PDG chez Bombardier Aéronautique à la fin des années 1990. Chez CAE, le mentorat de Bob Brown a été déterminant lors de ma transition professionnelle de la gestion d’opérations et de projets vers la direction d’affaires de toute l’entreprise.

Quels conseils donneriez-vous à la version plus jeune de vous ?

D’abord, je lui dirais de faire ce qu’il aime, dans un milieu de travail où il se sent valorisé. Je lui dirais de chercher les occasions de mandats ou de projets qui lui permettent de se faire valoir avec des résultats qui dépassent les attentes. C’est aussi une bonne façon de se faire remarquer et de faire progresser sa carrière. Enfin, je dirais à cette « jeune version de moi » de toujours prendre le temps de développer son réseau d’affaires, à commencer par son secteur d’activité, mais aussi ailleurs dans l’économie et la société.

Que voudriez-vous de plus ou de moins dans votre milieu de travail ?

Je n’ai pas vraiment de liste de souhaits de ce que je voudrais voir de plus dans mon milieu de travail. Parce que lorsque ça survient, je m’empresse de le mettre en place avec mes collègues de travail. Par contre, s’il y a quelque chose dont je voudrais moins dans un milieu de travail, ce sont les épisodes de « politicaillerie interpersonnelle » qui, laissés en suspens, peuvent nuire considérablement à la bonne cohésion des équipes de travail. En fait, je ne supporte pas les gens qui mettent leurs objectifs personnels devant ceux de leur équipe de travail et des clients de l’entreprise. Lorsque de tels épisodes surviennent, j’interviens rapidement pour les neutraliser et pour ramener les gens impliqués en bonne position.

Que faites-vous quand vous avez besoin de trouver une idée ou de prendre une décision difficile ?

J’évite le plus possible les situations de prise de décision en solo, malgré mes responsabilités professionnelles en tant que président et chef de la direction. Je favorise toujours la prise de décision par consensus au sein d’une excellente équipe de travail. Selon mon expérience, la meilleure façon de préparer une prise de décision difficile est aussi de pouvoir susciter les meilleures idées et les meilleures analyses parmi une équipe de collègues de culture diversifiée et bien au fait des objectifs de l’entreprise et des priorités de nos clients.

Comment faites-vous pour débrancher du travail ?

Dans ma vie personnelle, je me considère comme un « homme de famille ». Pour débrancher du travail, je privilégie les activités avec ma famille immédiate (trois enfants âgés de 21 à 26 ans), mais aussi ma famille élargie avec mes parents, mes frères et sœurs. On aime être ensemble pour des activités de loisir, des vacances, etc. Dans mes habitudes personnelles, je suis un lève-tôt et j’aime m’entraîner à la boxe trois fois par semaine. J’entretiens aussi ma passion pour l’aviation [première licence de pilote obtenue à 17 ans] en pilotant des petits appareils à des fins personnelles ou familiales. L’été surtout, je pilote des planeurs et j’ai un petit « avion sur flotteurs » pour aller à la pêche et au chalet. J’ai aussi une licence de pilote d’avion de ligne dont je ne me suis jamais servi professionnellement, mais qui m’est très utile dans mon travail auprès de notre clientèle de pilotes de ligne en formation sur nos simulateurs de vol.

Quelles sont votre meilleure et votre pire habitude ?

Je considère que ma meilleure habitude est de prendre le temps de bien écouter et de communiquer avec les nombreuses personnes que je rencontre et que je côtoie dans le cadre de mon travail. Et ce, à tous les paliers d’activité de l’entreprise. Avec le temps, cette bonne habitude me permet d’entretenir des liens avec des collaborateurs de partout dans le monde. Quant à ma pire habitude ? C’est probablement de négliger l’encombrement de mon espace de travail. Une chance que j’ai une très bonne adjointe de direction pour remettre de l’ordre.

Quelle serait votre retraite idéale ?

J’avoue que je n’y pense pas pour le moment. Entre autres parce que je m’estime extrêmement heureux dans mon secteur d’activité en aviation. Cela dit, dans mes intérêts personnels, j’apprécie beaucoup la géographie et l’histoire. En ce sens, un beau projet de début de retraite pourrait être de louer une résidence dans le sud de la France ou en Italie afin d’y recevoir mes proches en visite et qui nous servirait de base pour explorer l’Europe de façon très relax.

Qui est Marc Parent ?

• Diplômé en génie mécanique de l’École polytechnique de Montréal et du programme de perfectionnement des cadres du Harvard Business School et âgé de 63 ans, Marc Parent est président et chef de la direction de CAE depuis 2009, ayant été promu à ce poste quelques années après son embauche à titre de président de son importante division des « Produits de simulation ».

• Avant de se joindre à la direction de CAE, en 2005, Marc Parent avait passé une décennie chez Bombardier Aéronautique durant laquelle il avait progressé de la direction de projets de développement de produits jusqu’à la vice-présidence de programmes entiers d’avions, comme les jets d’affaires Challenger et les jets régionaux CRJ.

• Marc Parent a passé les 10 premières années de sa carrière en aéronautique à divers postes d’ingénieur et de chef de projets chez l’avionneur Canadair, avant son acquisition par Bombardier.

• Marc Parent est aussi titulaire d’une licence de pilote de ligne de Transports Canada.