Et si, plutôt que de prédire 2023, nos chroniqueurs tentaient plutôt d’imaginer ce qui n’arrivera pas ?

C’est démontré, le simple fait de sourire est bon pour la santé, tant mentale que physique. Puisque j’ai à cœur votre bien-être, commençons par une confidence qui détendra, j’imagine, les muscles de votre visage.

Il y a quelques années, quand les entreprises ont commencé à nous offrir la possibilité de converser avec leur service à la clientèle par écrit, sur leur site web, je pensais qu’il y avait des humains à l’autre bout. Tous cordés dans une pièce – c’était avant la mode du télétravail –, je les imaginais taper frénétiquement sur leurs claviers.

Je commençais donc les conversations par un beau « Bonjour » et je prenais soin d’ajouter dans mes questions, des « s’il vous plaît » et des « merci ». Jusqu’au jour où j’ai compris pourquoi personne ne me répondait jamais adéquatement et pourquoi je perdais systématiquement mon temps lors de ces conversations absurdes.

Ce n’était pas parce que mon interlocuteur n’était pas francophone ou qu’il était incompétent. J’avais affaire à des robots que ma politesse n’émouvait guère.

Les photos de personnes portant un casque d’écoute avec microphone n’étaient qu’un leurre.

Ça s’appelle un chatbot, m’avait annoncé mon collègue mordu de technologie Karim Benessaieh. Le néologisme a été traduit par « robot (ou agent) conversationnel ». On dit « robot », mais en réalité, c’est un programme informatique conçu pour simuler une conversation entre humains. Je n’ai pas cru qu’il y avait des robots assis devant des ordinateurs, rassurez-vous !

Certes, certaines entreprises embauchent bel et bien des humains pour répondre aux demandes écrites des clients – voilà qui me rassure un peu sur mon niveau de naïveté –, mais ce serait l’exception. D’ailleurs, je n’ai pas eu la chance d’expérimenter ce type de conversation bien souvent.

Jusqu’ici, toutes mes tentatives de résolution de problèmes avec ces logiciels se sont soldées par un échec. Ça n’a pas été beaucoup plus convaincant avec des questions simples.

Aussi n’ai-je aucun espoir que les choses changent en 2023 et que ces robots soient en mesure d’effectuer efficacement le travail d’un humain au service à la clientèle. Ça n’arrivera pas, pour reprendre le titre donné à cette série de textes.

CAPTURE D’ÉCRAN

Une conversation entre notre chroniqueuse et un chatbot

D’abord parce que les progrès des dernières années ont été très lents. À cette vitesse d’escargot, il faudrait un improbable miracle technologique pour que l’efficacité du clavardage devienne soudainement épatante. C’est encore plus vrai en français. D’ailleurs, il m’est arrivé sur certains sites de n’avoir accès au service – si on peut appeler ça un service – qu’en anglais.

Même si le logiciel ChatGPT fait les manchettes et épate la galerie ces jours-ci en composant des textes intelligibles (quoique parsemés de fausses informations), résoudre les problèmes de consommateurs requiert un autre niveau d’habiletés. C’est plus compliqué. Il y a parfois un historique, des notes au dossier. Et, surtout, un client à satisfaire, ce qui exige du doigté, du jugement et une certaine latitude idéalement.

Il n’est pas rare qu’il soit difficile de se faire comprendre en racontant son problème au téléphone. Alors, imaginez dans un clavardage. On le voit avec les textos : combien de fois avez-vous écrit quelque chose qui a été compris de travers ?

Plus c’est complexe, moins la réponse d’un robot a de chances d’être adéquate.

Cette technologie, qui n’est pas dénuée d’intérêt, est surtout efficace pour mener directement le consommateur vers une page web contenant l’information recherchée. En tapant l’expression « heures d’ouverture », un robot m’a répondu instantanément : « Inscrivez le nom de votre ville ou votre code postal et je vous montrerai nos magasins les plus proches ! » Ensuite, une carte est apparue avec l’adresse, le numéro de téléphone et les heures d’ouverture. Rien que Google n’aurait pas fait, remarquez.

Tandis que les robots s’améliorent, nous devons, de notre côté, les apprivoiser pour poser nos questions efficacement. Les paragraphes remplis de détails ne donnent rien de bon. Mais cet apprentissage est loin d’aller de soi pour bien du monde.

L’idée de contacter des entreprises sans devoir appuyer sur le 1 pour ceci et le 2 pour cela est certes séduisante. D’autant que les robots travaillent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ce qui permet en théorie d’obtenir des réponses à tout moment. Mais il ne doit pas s’agir de la seule option offerte aux consommateurs étant donné les capacités limitées de la technologie.

Le hic, c’est qu’il est de plus en plus difficile de parler à des humains, notamment à cause de la pénurie de main-d’œuvre, si bien qu’on n’a plus trop le choix de se tourner vers le web. Ou alors on tente le coup de la conversation écrite dans l’espoir de gagner du temps. Mais la plupart du temps, le robot nous invite à contacter le service à la clientèle et l’expérience est décevante.

Une suggestion de première question à poser : êtes-vous un humain ou un robot ?