Il y a un mois, la Fondation du CHU Sainte-Justine a annoncé être devenue le bénéficiaire du plus important don jamais fait à un centre hospitalier au Québec. Une somme de 40 millions de dollars que le couple formé de deux associés retraités de la firme Ernst & Young, Michel Lanteigne et Diane Blais, a décidé de donner de son vivant pour financer la recherche de nouveaux traitements pour lutter contre le cancer infantile.

Quand j’ai lu cette nouvelle le 15 décembre dernier, mon premier réflexe a été d’aller tout de suite vérifier qui étaient Michel Lanteigne et Diane Blais tellement j’étais surpris par la taille du don autant que par l’anonymat relatif des donateurs.

Parce qu’il ne s’agissait pas ici de gens issus du club sélect et restreint des milliardaires ni de gestionnaires vedettes aux émoluments spectaculaires qui font la manchette.

Michel Lanteigne et sa conjointe Diane Blais ont tous les deux travaillé durant 38 ans chez Ernst & Young, firme mondiale d’audit financier et de conseil, à titre d’associés chez EY Canada. Michel a commencé sa carrière en fiscalité en 1971 et Diane, en consultation en 1973.

Je n’étais peut-être pas une vedette du monde des affaires, mais je suis devenu une vedette chez EY. J’ai été le premier francophone à devenir le responsable de la fiscalité pour l’ensemble du Canada.

Michel Lanteigne

« Moi, au début, j’ai fait de la consultation et de la communication financière [des états financiers d’entreprises], puis j’ai fait de l’implantation informatique dans les grands bureaux d’avocats et de comptables et des ressources humaines. J’ai été directrice du bureau de Montréal et membre du comité de direction d’EY Québec », évoque pour sa part Diane Blais.

Les deux ont donc mené une longue et fructueuse carrière qui a propulsé Michel Lanteigne au siège mondial d’EY à Londres, où il a été durant les trois dernières années de sa carrière chef mondial de la fiscalité.

On lui a demandé d’implanter dans l’ensemble du groupe un nouveau programme de développement et de formation du personnel en fiscalité qu’il avait mis sur pied au Canada. Il était membre des comités exécutifs nord-américain et mondial d’EY, une firme qui compte plus de 365 000 employés dans le monde.

Michel Lanteigne passait la semaine à Londres et rentrait au Québec chaque week-end passer du temps avec sa conjointe Diane.

« On ne vient pas de familles riches. Durant mes études, je vendais des souliers sur la rue Masson, ça m’a appris beaucoup de choses », relate Michel Lanteigne.

Les deux professionnels ont donc constitué un important patrimoine durant leur vie et ils ont géré leurs placements avec rigueur, « à la EY », précise Diane Blais, ce qui leur a permis de réaliser le don de 40 millions à la Fondation du CHU Sainte-Justine.

Un don bien planifié

Michel Lanteigne a perdu son fils unique, Benoît, issu d’une première union, à l’âge de 8 ans, en 1989, emporté par une leucémie.

« Benoît a eu un diagnostic de leucémie à l’âge de 4 ans. Il a été traité à l’Hôpital de Montréal pour enfants et a été en rémission durant trois ans avant de faire une rechute. Durant un an, il a suivi des traitements traditionnels et devait subir chaque mois une ponction lombaire à froid parce qu’il ne supportait pas les médicaments antidouleurs, il le faisait avec courage », se remémore avec tristesse Michel Lanteigne.

Cette épreuve a bouleversé la vie du fiscaliste, qui s’est alors investi dans la Fondation des Étoiles et de l’Hôpital de Montréal pour enfants, alors que Diane, sa conjointe, a toujours fait du bénévolat pour des organismes liés à la jeunesse.

On a décidé de mettre tous nos actifs ensemble plutôt que d’avoir des legs séparés. On voulait avoir un impact plus significatif sur des projets de recherche, de pouvoir embaucher des chercheurs pour développer de nouveaux projets en oncologie.

Diane Blais

Le couple Blais-Lanteigne s’est engagé dans un processus rigoureux et a rencontré trois institutions pour qu’elles leur présentent des projets auxquels ils pourraient contribuer financièrement.

« Ç’a été déchirant. On trouvait que 40 millions, ce n’était pas assez. On a décidé de financer le Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et ses travaux pour de nouveaux traitements en oncologie, qui font appel à la génomique, à la protéomique, à la génétique des cellules souches, pour que les chercheurs puissent développer des traitements individuels, moins invasifs », précise Michel Lanteigne.

Le don de 40 millions du couple Blais-Lanteigne devrait permettre d’obtenir de premiers résultats dans un horizon de trois à cinq ans, espèrent les donateurs. Un concours pour recruter des chercheurs internationaux sera bientôt lancé.

Il y a 35 ans, l’espérance de vie d’un enfant atteint de leucémie était de 50 %. Le taux est aujourd’hui de 80 %, mais on veut l’augmenter encore et améliorer la qualité de vie des jeunes patients.

« On souhaite aussi que notre geste ait un effet d’entraînement. Il faut planifier ses dons personnels. Le lendemain de notre passage chez le notaire pour finaliser le processus, notre notaire nous a appelés pour nous dire qu’il avait modifié ses arrangements pour une cause qui lui tenait à cœur », souligne avec encouragement Michel Lanteigne.