Les préjugés à l’endroit des PDG d’entreprise sont tenaces. Ils sont riches, priorisent l’argent et ont de gros ego. Toutefois, la population canadienne estime qu’une majorité d’entre eux sont compétents et veulent faire du bien avec leur entreprise. Malgré cela, les Canadiens déplorent que les processus décisionnels des dirigeants tiennent compte de façon démesurée de leurs actionnaires plutôt que de la communauté.

Voilà quelques-unes des constatations que nous révèle une grande enquête canadienne sur les PDG qu’a réalisée la firme Léger de concert avec le Pôle D de HEC Montréal.

Le Pôle D pour Dirigeant, dirigeante et direction stratégique est un nouveau centre de recherche entièrement consacré au métier de PDG qui ne se limite pas à la seule stratégie ou au leadership. Il est coprésidé par deux chercheurs de HEC et deux PDG d’organisations québécoises qui supervisent une équipe d’une dizaine de chercheurs.

« On veut mesurer la perception des Canadiens et des Québécois à l’endroit des dirigeants d’entreprise et leurs attentes sur ce que devrait être le PDG du futur », m’explique Alaric Bourgoin, professeur à HEC et codirecteur du Pôle D.

Le sondage mené à l’automne dernier auprès de 1500 répondants, pondéré notamment selon l’âge et la région, est le premier d’une série annuelle qui permettra d’évaluer l’évolution au fil des ans des perceptions de la population face aux dirigeants d’entreprise.

Cette première enquête sur les PDG nous donne une position de l’opinion publique canadienne très bien assise sur les préjugés traditionnels qui y sont associés, alors que 93 % des répondants disent qu’ils sont riches, 89 % qu’ils priorisent l’argent, 85 % estiment qu’ils ont un gros ego et que 55 % pensent qu’ils cherchent à induire la population en erreur.

Sur un plan plus positif, 76 % des répondants estiment que les PDG veulent faire le bien avec leur entreprise et 76 % pensent qu’ils savent ce qu’ils ou elles ont à faire et 74 % les jugent compétents.

Fait à souligner et qui se répète à presque toutes les questions de ce sondage national, les répondants québécois ont une perception des dirigeants d’entreprise plus positive que ceux du reste du Canada.

Ainsi, 76 % des répondants québécois jugent que les PDG ont un gros ego, contre 85 % pour l’ensemble du Canada ; 75 % pensent qu’ils cachent leurs émotions, contre 81 %, 44 % jugent qu’ils veulent induire la population en erreur, contre 55 %, et 56 % estiment qu’ils sont dignes de confiance, contre 48 % des répondants canadiens.

Les priorités des PDG

Selon l’enquête, 83 % des répondants estiment que les PDG canadiens gèrent leur entreprise pour satisfaire d’abord leurs actionnaires, 72 % pour la direction de leur entreprise, 62 % pour leurs clients… et 8 % seulement pour la communauté.

Cette perception des dirigeants d’entreprise est celle qui est le plus appelée à changer selon les répondants lorsqu’on leur demande quelle serait leur vision du PDG de l’avenir.

On veut que les dirigeants d’entreprise s’impliquent davantage dans leur communauté, qu’ils incarnent mieux les enjeux qui mobilisent la société en général, tels que la protection de l’environnement, l’équité, l’inclusion et la diversité.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Alaric Bourgoin, professeur à HEC et codirecteur du Pôle D

« On veut des PDG qui sont plus citoyens », résume Alaric Bourgoin.

Cette volonté populaire n’est pas étrangère à l’adhésion grandissante des investisseurs aux critères ESG qui militent pour une plus grande ouverture des entreprises et de leur direction à une gestion qui tienne compte davantage des critères environnementaux, sociaux et de saine gouvernance.

Les dirigeants ne doivent pas gérer en fonction du seul bien de leurs actionnaires, mais doivent aussi tenir compte de toutes les parties prenantes, que ce soit leurs employés, leurs fournisseurs, leurs clients ou les communautés et l’environnement dans lesquels leur entreprise est active.

« L’enquête révèle aussi la mise à l’avant-scène des préoccupations de la génération montante, les millénariaux qui sont passés d’enfants-rois à consommateurs-rois. Ils veulent que les entreprises soient connectées aux valeurs de la collectivité et cela transparaît dans les résultats de l’étude », souligne pour sa part Jean-Marc Léger, président de Léger et coresponsable de l’enquête sur les PDG.

L’élément de l’étude qui a le plus surpris Alaric Bourgoin est la grande méconnaissance de la population canadienne à l’égard des PDG : 34 % des répondants n’ont pas été en mesure d’en nommer un ou une et 18 % ont répondu je ne sais pas, pour un total de 52 %.

C’est le PDG de Loblaw, Galen Weston, qui a obtenu le meilleur score au chapitre de la notoriété spontanée en récoltant 14 % de répondants à l’échelle canadienne.

Curieusement, les PDG qui ont obtenu les meilleurs scores suivants sont Pierre Karl Péladeau avec 6 % et Sophie Brochu avec 3 %, grâce à leur unique notoriété parmi les répondants québécois.

Sur les cinq PDG suivants qui ont obtenu un résultat de 2 %, on trouve deux autres Québécois, Geoff Molson, président du Canadien, et Louis Vachon, ex-PDG de la Banque Nationale.

« Au Québec, les PDG sont perçus de façon plus positive. On est un petit village et la notoriété des PDG est plus grande parce qu’il ne s’agit pas de dirigeants américains comme il y en a beaucoup dans le reste du Canada », observe Jean-Marc Léger.

Il sera maintenant intéressant de voir dans les prochaines enquêtes du Pôle D comment les PDG vont être en mesure d’amender leur approche de gestion pour tenir compte des attentes de la communauté afin de mieux incarner le rôle que l’on attend d’eux.