On imagine tous la vie de milliardaire comme étant une série sans fin de séjours dans de luxueuses villas, de croisières à bord de somptueux yachts privés ou de safaris dans de foisonnantes savanes africaines. Un portrait idyllique qui ne cadre toutefois pas avec le quotidien de Jim Pattison qui, avec sa fortune personnelle estimée à plus de 15 milliards, trône parmi les cinq personnes les plus riches au Canada.

À 94 ans, l’homme d’affaires d’origine saskatchewanaise est toujours à la tête de The Jim Pattison Group, la société de portefeuille privée qu’il a fondée en 1961 en achetant une station-service assortie d’une très modeste concession automobile GM.

Six jours par semaine, Jim Pattison se rend à son bureau du centre-ville de Vancouver pour superviser les éléments de son empire qui ne chapeaute rien de moins que 43 entreprises ou enseignes différentes, dans huit grands secteurs d’activité.

En plus d’exploiter plus d’une vingtaine de concessions automobiles et 18 concessions de tracteurs John Deere, Jim Pattison est propriétaire d’une chaîne de 45 stations de radio, d’une entreprise d’affichage publicitaire, d’une vingtaine d’usines de produits d’emballage, de la chaîne d’alimentation Save-on-Foods (180 magasins) et d’activités dans les secteurs des pêcheries et de la foresterie.

The Jim Pattison Group emploie plus de 40 000 personnes, principalement au Canada et aux États-Unis, et a réalisé des revenus de près de 15 milliards en 2021.

« Je viens au bureau tous les jours, sauf le dimanche où je vais à la messe avant d’aller travailler à la maison. Je n’ai pas de mérite, j’aime ce que je fais, j’aime travailler », me raconte le milliardaire canadien au cours d’une entrevue par visioconférence durant laquelle il a fait le point sur son holding au sortir de la pandémie.

« On a bien traversé la pandémie, on en ressort plus fort, notamment avec nos activités dans la foresterie qui ont profité de la solidité des prix », souligne l’entrepreneur.

Parce que dans le chapelet d’entreprises qu’il contrôle, Jim Pattison Group possède plus de 51 % des actions de l’entreprise forestière Canfor, active dans l’ouest du pays et aux États-Unis, tout en ayant une participation de plus de 10 % dans la société West Fraser Timber, deux poids lourds canadiens dans le secteur de la foresterie.

« Avec notre position dans Westshore Terminals Investment, un port de transit pour le charbon, ce sont nos seules participations dans des entreprises publiques, toutes nos autres entreprises sont privées », précise Jim Pattison.

Le retour sur l’investissement

Qu’est-ce qui a amené l’entrepreneur à se lancer dans autant de secteurs d’activité ?

On a rapidement compris qu’on était un conglomérat. Ma thèse d’investissement est simple : il faut faire de l’argent avec nos investissements. Notre religion, c’est le retour sur l’investissement.

Jim Pattison

« Comme concessionnaire automobile, j’achetais beaucoup de publicité. Ça m’a amené à acheter une première station de radio. On a aussi lancé à l’époque une société de location d’autos et de camions qui a pris beaucoup d’expansion.

« Comme tout le monde doit manger, j’ai décidé d’acheter une chaîne de 17 épiceries qui étaient mal gérées. Aujourd’hui, c’est une entreprise qui compte plus de 20 000 employés », ajoute l’homme d’affaires iconique au Canada anglais.

En plus de travailler au bureau six jours par semaine, Jim Pattison réalise quatre fois par année la tournée de ses 43 entreprises ou succursales partout au Canada et même à l’étranger. Chaque année, il reçoit les 178 hauts dirigeants de ses différentes entreprises pour faire le point sur leurs activités.

Il prend aussi le volant de son Dodge Ram 2020 pour aller visiter les 18 concessionnaires John Deere qui se trouvent sur la route entre Vancouver et Regina tout en s’arrêtant dans les supermarchés Save-on-Foods qui jalonnent le trajet.

Il vient aussi à Montréal quatre fois par année pour rencontrer la direction de ses entreprises actives dans la location de véhicules et d’enseignes publicitaires.

L’entrepreneur prend l’affiche

Jim Pattison a fait l’acquisition en 1979 de l’entreprise Claude Néon qui fabriquait des enseignes lumineuses et réalisait des panneaux d’affichage publicitaires que l’on retrouve aujourd’hui sur le bord des routes dans le paysage québécois sous le nom de Pattison Group.

« On a aussi des usines d’emballages alimentaires de Genpak au Québec », ajoute le PDG du conglomérat.

Dans le domaine alimentaire, le groupe possède également la Canadian Fishing Company, qui exploite une flotte de 700 bateaux de pêche sillonnant la côte de la Colombie-Britannique et de l’Alaska. Le groupe est aussi propriétaire d’Ocean Brands, qui commercialise des produits de la mer.

Enfin, Jim Pattison a un penchant pour l’insolite puisqu’il est propriétaire de la franchise Guinness World Records et de Ripley’s Believe It or Not, qui exploite 29 musées de l’insolite dans le monde entier.

« C’est un franchisé qui m’a appelé pour me demander d’acheter l’entreprise qui était la plus mal dirigée au monde. J’ai accepté, et on fait de l’argent avec ça. C’est d’ailleurs mon fils qui est président de cette entreprise basée à Orlando », m’explique Jim Pattison.

Comment vit-on quand on est multimilliardaire ? Comment en profite-t-on ?

Mis à part son yacht luxueux de 150 pieds amarré dans la marina de Coal Harbour, Jim Pattison affirme ne pas vouer un culte démesuré à la richesse.

« J’ai la même maison qu’au début de ma carrière en affaires. Je roule en Dodge Ram et mon but est de faire grossir mon entreprise et de permettre à ma fondation de faire des dons notamment aux hôpitaux de Vancouver, Edmonton, Calgary, Regina, Winnipeg et Montréal », résume-t-il simplement.