Les besoins incessants de main-d’œuvre qualifiée et les difficultés toujours plus grandes de recruter le personnel adéquat pour occuper des fonctions stratégiques dans les entreprises ont généré de nouvelles réalités, dont celle de recourir de plus en plus à des travailleurs étrangers. Une activité qui pourrait devenir la prochaine niche des cabinets spécialisés dans le droit des affaires.

La rareté crée la valeur, dit-on. Or, depuis quelques années déjà, la rareté de la main-d’œuvre a démontré toute la valeur de ce qu’on appelle aujourd’hui le capital humain, alors qu’il ne se passe pas une journée où la pénurie de main-d’œuvre n’est pas évoquée comme un frein à la croissance des entreprises ou, pire encore, une entrave qui peut même menacer leur survie.

C’est pourquoi de plus en plus de grandes entreprises n’hésitent pas à se tourner vers l’immigration pour aller dénicher les travailleurs dont elles ont grandement besoin, en développant même à l’interne des ressources spécialisées en recrutement international.

D’autres décident plutôt de s’associer à des missions spéciales à l’étranger que réalisent de façon régulière de grandes organisations de démarchage comme Montréal International ou Québec International.

Ce genre d’activité de recrutement peut être coûteux pour de plus petites entreprises en région qui n’ont pas nécessairement les ressources financières ni humaines pour les réaliser.

Pourtant, je rencontre régulièrement des entrepreneurs en région qui cherchent désespérément à pourvoir de multiples postes vacants dans leur entreprise.

C’est à cette réalité particulière qu’a décidé de s’attaquer le cabinet de services professionnels Therrien, Couture, Joli-Cœur (TCJ), une entreprise qui était au départ un bureau d’avocats spécialisés en droit des affaires, mais qui regroupe aujourd’hui aussi des notaires, des fiscalistes, des agents de marques de commerce, des comptables et des spécialistes en ressources humaines.

Ce regroupement de 430 professionnels est né il y a plus de 30 ans à Saint-Hyacinthe, mais est implanté aujourd’hui, à la suite d’acquisitions et de croissance interne, à Brossard, Laval, Montréal, Québec et Sherbrooke.

TCJ a annoncé la semaine dernière l’acquisition de la firme d’avocats Immétis, spécialisée en immigration d’affaires. Sa PDG, Natacha Mignon, elle-même immigrée française, a fondé Immétis en 2016 pour faciliter l’immigration de travailleurs étrangers. Le cabinet est composé de 18 spécialistes.

Faire le pont en région

« On s’est spécialisés en immigration d’affaires pour faire face à un système qui est très administratif. Que ce soit l’obtention d’un permis de travail ou d’un visa de travailleur temporaire, ça peut être difficile de s’y retrouver. On a mis sur pied une banque qui contient pas moins de 28 000 candidats de pays francophones qui sont prêts à venir travailler au Québec », m’explique Natacha Mignon.

Pour la PDG qui va demeurer cheffe de la division Immétis au sein de TCJ, le fait de se joindre à un plus grand groupe bien implanté en région représente une occasion de croissance.

Selon Normand Therrien, PDG de Groupe TCJ, l’acquisition d’Immétis va permettre à sa firme de combler les besoins de main-d’œuvre qui se multiplient pour les entreprises en région.

Cet avocat spécialisé en fusions et acquisitions n’aurait jamais pensé il y a 10 ans développer une division spécialisée en immigration. C’est un besoin qui est devenu criant depuis cinq ans pour les PME de 50 à 500 employés que TCJ accompagne.

On fait du droit des affaires, du litige, du droit immobilier, du droit du travail, de la fiscalité, mais la pénurie de main-d’œuvre en région est devenue une priorité pour au moins deux entreprises sur trois. On va pouvoir les aider dans leur recrutement à l’étranger.

Normand Therrien, PDG de Groupe TCJ

Son cabinet n’était pas en mesure notamment de répondre aux besoins des entreprises agricoles et du secteur de l’alimentation, fortement présentes dans la région de Saint-Hyacinthe.

« Sur le terrain, on a essayé d’aider nos clients à recruter, mais on n’avait pas de partenaires dans le monde de l’agriculture. Avec la banque de références qu’a mise sur pied Immétis, on va être davantage en mesure de le faire », observe Normand Therrien.

Ce qui complète bien les activités d’Immétis, qui compte parmi ses clients une quinzaine de multinationales pour qui elle s’occupe de recruter des candidats pour les postes qu’elles n’arrivent pas à pourvoir avec le bassin de population active restreint au Québec. Les deux sociétés regroupées vont ainsi profiter de la force de chacune.

Les activités de financement d’entreprises des grandes institutions financières commencent à souffrir de la hausse des taux d’intérêt et du déclenchement d’une potentielle récession, comme en témoignent les licenciements annoncés récemment dans le secteur des marchés financiers à la BMO.

Les bureaux d’avocats d’affaires vont peut-être commencer eux aussi à subir les effets du contexte économique incertain ; le développement des activités dans le secteur de l’immigration d’affaires pourrait bien devenir pour eux une nouvelle niche à percer.