Depuis un mois et demi, le centre-ville de Montréal donne des signes d’une vitalité qu’on n’y avait pas vue depuis un moment déjà. Une animation allumée par la succession de festivals qui s’y déploient depuis la mi-juin, des Francos au Grand Prix en passant par le jazz et maintenant l’humour qui embrasent quelques-unes de ses rues. Si on observe une certaine fébrilité au sol le soir, ce n’est pas le cas le jour en hauteur, dans les tours de bureaux, où on ne se bouscule toujours pas pour prendre l’ascenseur.

Le modèle de travail hybride s’est bien ancré dans le mode de vie des travailleurs du centre-ville montréalais, et il ne faut pas s’en étonner quand on apprend que c’est le Canada qui arrive en tête de liste des pays occidentaux qui comptent le plus grand nombre de télétravailleurs.

C’est une étude récente de l’organisme de prévision économique allemand ifo qui souligne que le Canada est le pays dont les travailleurs ont le plus recours au travail à la maison.

L’Institut ifo a sondé durant les mois d’avril et de mai derniers des milliers de travailleurs dans 34 pays pour recueillir plus de 42 000 observations sur l’usage du télétravail, selon les différents pays d’origine.

Cette étude nous apprend que c’est dans les pays anglophones que les travailleurs ont le plus recours au télétravail et que c’est au Canada que les travailleurs l’utilisent le plus avec une moyenne de 1,7 jour de travail à la maison par semaine, contre 0,6 jour en France, 0,5 jour au Japon ou encore 1,4 jour aux États-Unis et 1,0 jour en Nouvelle-Zélande.

On connaît les arguments qui favorisent ce nouveau mode de vie. Les travailleurs de tous les pays évoquent les gains de temps, la réduction des coûts et la flexibilité.

En travaillant de la maison, on évite le temps de déplacement en transports en commun ou les coûts d’essence pour la voiture et les lunchs, on a plus de flexibilité pour gérer notre temps de travail, on se rapproche de la famille.

Du côté du travail en entreprise, les arguments favorables sont les mêmes dans tous les pays : 60 % des travailleurs trouvent bénéfique de socialiser avec leurs collègues, ils apprécient la collaboration face à face, ils sont satisfaits de la barrière entre le travail et la vie privée et aiment pouvoir profiter d’un meilleur équipement.

La fin du modèle traditionnel

Chose certaine, le centre-ville de Montréal ne vibre pas encore au rythme du plein retour en présentiel de ses travailleurs, et je suis convaincu que le nombre de jours de travail à la maison est plus élevé que la moyenne canadienne de 1,7 jour/semaine pour les travailleurs du centre-ville de la métropole.

S’il y a de l’animation de jour dans les rues de Montréal, c’est beaucoup le fait des touristes qui prennent d’assaut les principaux quartiers d’intérêt de la ville.

Pour le reste, beaucoup de travailleurs ne font que passer quelques jours par semaine au bureau, constate Michel Leblanc, PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

La Chambre de commerce réalise régulièrement des sondages pour mesurer l’achalandage des entreprises établies au centre-ville et qui ne sont pas actives dans le commerce au détail où la présence des travailleurs est essentielle au maintien de leurs activités.

« Dans notre dernière enquête, on a mesuré que 94 % des employés se rendent à leur lieu de travail au moins une fois par semaine et 71 % des entreprises comptent adopter une politique hybride avec une présence obligatoire », constate Michel Leblanc.

Mais il y a encore 32 % des employés qui ne souhaitent pas revenir travailler au centre-ville. C’est là-dessus qu’il va falloir trouver des solutions.

Michel Leblanc

La désertion partielle des travailleurs du centre-ville de Montréal contribue, selon Michel Leblanc, à mettre en évidence les problèmes d’itinérance que vit la métropole, une situation qui n’est pas le propre de Montréal.

Récemment, le PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a invité ses homologues de Vancouver, Winnipeg et Toronto à venir le visiter et il a pu apprendre que la situation était pire dans ces trois villes.

« C’est Vancouver qui connaît la situation la plus difficile, mais on ne peut pas laisser les choses aller. C’est devenu un gros problème », souligne Michel Leblanc.

Est-ce qu’on voit plus la misère humaine parce qu’il y a moins d’humains qui fréquentent les rues du centre-ville ?

La réponse est évidemment non, la pandémie a marginalisé davantage de gens qui arrivaient auparavant à vivre de façon minimale, mais à vivre tout de même.

Les problèmes de drogue et de santé mentale n’ont fait qu’exacerber l’état de détresse qui prévalait avant la pandémie.

Mercredi, le ministère de la Santé et des Services sociaux a annoncé la fin des dernières mesures sanitaires qui prévalaient en raison de l’amélioration du contexte épidémiologique. En fait, la plupart des mesures sanitaires avaient été levées en mars 2022, à l’exception du port du masque dans les lieux publics qui a été aboli trois mois plus tard.

Il est temps qu’un retour à la normale, tout aussi progressif soit-il, survienne, et le retour des vacances devrait y contribuer, comme l’entrée en service du Réseau express métropolitain, estime Michel Leblanc.

« Si les Français ont le plus bas taux de travail à la maison, c’est notamment parce qu’ils ont un système de transports en commun qui fonctionne. L’entrée en service du REM va aider Montréal », anticipe le président de la Chambre de commerce.