De grandes entreprises alimentaires canadiennes, dont Loblaw/Provigo, Metro, Maple Leaf Foods, Walmart et Weston Bakeries, sont visées par une demande d’autorisation d’action collective au Québec, qui allègue une manipulation illégale des prix de la viande, mettant en doute leur intégrité et soulevant des préoccupations sur la culture de fixation des prix dans l’industrie alimentaire.

La demande d’autorisation de l’action collective allègue que ces acteurs majeurs de l’industrie auraient conspiré pour manipuler illégalement le prix de la viande, entraînant ainsi des surcoûts injustifiés de plus de 4 milliards de dollars pour les ménages. La pièce maîtresse de cette affaire est un courriel datant de mars 2007 dans lequel l’ancien président de Maple Leaf Foods Michael McCain expose une conversation préoccupante avec Paul Del Duca, ancien vice-président principal chez Metro.

Précisons d’emblée que la Cour supérieure du Québec n’a pas encore décidé si l’action collective serait autorisée et que les allégations au soutien de la demande d’autorisation sont contestées par les entreprises visées et n’ont pas été prouvées devant le tribunal.

Néanmoins, cette demande d’autorisation d’action collective suscite des préoccupations légitimes quant à l’intégrité de ces entreprises de premier plan dans le secteur alimentaire. Il est important de souligner que cette affaire ne se limite pas à une simple action collective parmi d’autres ; ses implications sont profondes, car elles soulèvent des inquiétudes quant à la possibilité d’une pratique généralisée de fixation des prix, non seulement pour le pain, mais également pour d’autres catégories alimentaires, dont la viande.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

La manipulation des prix de la viande, si elle s’avère, est une pratique à dénoncer.

Il convient de noter qu’en 2017, lorsqu’une enquête concernant la manipulation des prix du pain a été entamée par le Bureau de la concurrence du Canada, Loblaw et Weston Bakeries ont reconnu leur culpabilité, impliquant également Empire/Sobeys, Metro, Giant Tiger, Walmart et Canada Bread. Bien que certaines de ces entreprises aient initialement nié leur participation, Canada Bread, sous une nouvelle direction, a finalement admis sa responsabilité et a dû payer une amende de 50 millions de dollars. Les autres entreprises continuent de contester leur implication. Cette reconnaissance de Canada Bread suscite des questionnements sur un lien potentiel entre la fixation des prix du pain et celle des prix de la viande, d’autant plus que, pendant la majeure partie de la période du système présumé de fixation des prix du pain, l’entreprise appartenait à Maple Leaf Foods, qui est active dans le secteur de la viande.

Il ressort de nos données que les ménages canadiens dépensent plus du double pour les produits de viande (tels que le bœuf, le poulet et le porc) que pour les produits de boulangerie, soit une somme moyenne annuelle de plus de 2000 $. Si une entente illicite entre ces entreprises a effectivement eu lieu, les conséquences financières pour les consommateurs seraient significatives.

Une particularité notable de cette demande d’autorisation d’action collective au Québec est qu’elle vise les mêmes entreprises que celles présumément liées au système allégué de fixation des prix du pain, à l’exception de deux d’entre elles, à savoir Empire/Sobeys et Giant Tiger. Cependant, il n’a pas été explicitement expliqué pourquoi ces entreprises ont été exclues de la poursuite, malgré leur lien avec Maple Leaf Foods en tant que vendeurs de produits de cette marque.

Cette affaire soulève également des questions plus larges sur l’éthique des pratiques commerciales dans l’industrie alimentaire. La collusion présumée entre des entreprises de cette envergure et le fait que des hauts dirigeants semblent impliqués dans de telles pratiques mettent en lumière des vulnérabilités potentielles dans le système de gouvernance d’entreprise. L’importance des décisions prises au plus haut niveau de direction, associée à des révélations troublantes comme celle de la correspondance par courriel entre McCain et Del Duca, souligne l’importance d’un examen approfondi pour garantir que de telles violations de confiance ne persistent pas dans l’avenir.

Cette situation soulève également des inquiétudes quant à l’efficacité du Bureau de la concurrence canadien en tant qu’autorité réglementaire. Des comparaisons ont été faites avec les pratiques américaines, où les dirigeants impliqués dans des ententes illicites sont passibles de peines de prison, alors qu’au Canada, ils bénéficient parfois de l’immunité en collaborant aux enquêtes et en reconnaissant leur implication. Ces contrastes soulignent la nécessité pour le Bureau de la concurrence de remplir pleinement son mandat de préservation d’une concurrence équitable et de prendre les mesures appropriées pour dissuader de telles pratiques à l’avenir.

En résumé, la demande d’autorisation d’une action collective impliquant les entreprises alimentaires canadiennes suscite des inquiétudes sérieuses quant à l’intégrité de l’industrie. Les consommateurs pourraient être les principales victimes de pratiques de fixation des prix, qui sapent la confiance dans le système et mettent en évidence la nécessité d’une surveillance rigoureuse et d’une application stricte de la réglementation pour assurer une concurrence loyale et équitable sur le marché alimentaire.