Mon vaillant et fidèle réfrigérateur, qui a célébré son 21e anniversaire l’hiver dernier, est sur le point de rendre l’âme. Le joint d’étanchéité est effrité, et la pièce n’existe plus. J’ai trouvé une usine à Drummondville qui m’en a fabriqué un exemplaire pratiquement identique, mais le compresseur fonctionne sans arrêt depuis et son ronronnement a gagné en décibels. Malgré cet acharnement thérapeutique pour des raisons écologiques et financières, je vois donc la fin qui approche.

Par prévoyance, j’ai donc commencé à chercher un nouveau frigo qui prendra le relais le moment venu. L’expérience, plutôt désagréable, illustre à merveille la complexification de la consommation et les lacunes du service à la clientèle moderne.

En 2002, je n’avais évidemment effectué aucune recherche en ligne avant de me rendre en magasin. À la télévision, la publicité disait que Corbeil était le spécialiste de l’électroménager, alors je m’y suis rendue. L’achat s’est conclu le soir même, rapidement, tous les modèles étant assez similaires.

Cette fois, j’ai passé des heures en ligne à chercher s’il était préférable de choisir un modèle avec congélateur en haut ou en bas, à portes françaises, à trois ou quatre portes, avec ou sans distributeur de glace, avec ou sans poignées, connecté à l’internet, capable d’envoyer des textos1 Trop de choix, c’est comme pas assez. J’ai aussi lu les classements de fiabilité publiés partout en Amérique du Nord, lu des rapports citant des réparateurs dans le but de trouver un appareil plus durable que les autres.

Perte de temps. Face à la variété de points de vue, je n’étais pas plus avancée.

Et surtout, je me demande quelle taille prendre. L’espace pouvant accueillir mon futur frigo mesure un peu moins de 34,5 pouces. Ces appareils viennent en trois formats : 30, 33 et 36 pouces.

J’étais convaincue que n’importe quel vendeur d’expérience pourrait facilement me dire si je pouvais me tourner vers un modèle de 33 pouces. Car ça me semble « limite ».

« Achetez un 33 pouces, ça rentre en masse, m’affirme, convaincu, le premier vendeur rencontré. L’air circule par en dessous maintenant. » Une vidéo sur le site de Home Depot insiste sur l’importance de laisser un espace tout le tour pour la circulation d’air, mais peut-être n’est-elle pas à jour ? Quoi qu’il en soit, je lui demande :

— Trente-trois pouces même si j’ai un mur qui va gêner l’ouverture complète de la porte de gauche ?

– Aucun problème.

— La porte n’a-t-elle pas besoin d’un certain espace pour pivoter ?

— Ah… Il place sa main près d’une penture et ouvre la porte pour vérifier et tranche : c’est plus sécuritaire d’y aller avec un 30 pouces.

— Oui, évidemment.

Sympathique, le vendeur me met ensuite en garde contre la marque LG. Il y a eu une action collective, car les compresseurs brisent vite, me dit-il. « J’en change plein de compresseurs sur les LG ! »

— Ah oui ? Selon le Protégez-vous, deux des trois meilleurs modèles 33 pouces sont fabriqués par LG pourtant. (Vérification faite, le recours judiciaire en question a été entrepris aux États-Unis sur des modèles de 2014 à 2017. Il s’est conclu par un règlement en 2022 auquel les Canadiens n’ont pas droit).

Vient ensuite la question du distributeur de glace et d’eau. À son avis, si mon conjoint est un peu habile de ses mains, il va amener l’eau au frigo et effectuer les branchements très facilement. Pas un mot sur les fréquents dégâts d’eau que ce système peut causer et la fréquence des bris.

Deuxième détaillant : trois ou quatre vendeurs sont assis devant leur ordinateur. En rentrant, je leur dis que je veux parler à un expert en frigo. Le magasin est désert. Ils me laissent poireauter un moment pendant que je fais le tour des deux rangées de réfrigérateurs.

L’un d’eux vient finalement à ma rencontre.

— Avez-vous des modèles GE, j’aimerais vérifier quelque chose ?

— Bien sûr !

— Ah oui ? dis-je sur un ton sceptique. Le vendeur regarde dans son ordinateur pour réaliser qu’il n’y a aucun GE… autour de lui. Ça commence un peu mal.

Pour mon dilemme de largeur, il joue de prudence en me recommandant illico un 30 pouces.

Je l’interroge sur le distributeur d’eau. Il affirme lui aussi que c’est un projet facile, mais que si j’ai besoin d’un plombier, la facture sera de 150 $ au maximum. Il me donne le numéro de téléphone d’une entreprise, Quick Contractor, pour valider le montant. Cette société en Ontario m’a dit qu’elle ne faisait pas de plomberie, mais de l’installation d’électroménagers, notamment de micro-ondes. Peut-on avoir besoin d’aide pour brancher un micro-ondes ?

J’appelle cinq plombiers. Deux me donnent un prix approximatif de 500 $ avant les taxes. J’apprends que « c’est environ deux heures à deux gars, plus le déplacement et les tuyaux de cuivre ».

Je me rends chez un troisième commerçant. Le vendeur expérimenté est convaincu que je peux choisir un modèle 33 pouces sans problème. Il répond aisément à mes questions, mais s’abstient de tout conseil pour m’aider à faire un choix. Toutes les marques se valent côté qualité, mais attention, il y a des pénuries pour certains modèles, me prévient-il. J’ajoute cela à ma liste de considérations.

À force de regarder les frigos et de jouer avec des tiroirs assez souvent mal conçus, j’en suis venue à identifier mon préféré.

Je croise les doigts pour qu’il soit de qualité tout en sachant que l’espérance de vie est de 12 ans, selon le gouvernement américain, 11 selon les fabricants français.

Car ma collègue Sara Champagne nous a appris que les écoles formant des réparateurs d’électroménagers n’ont jamais été si vides⁠2. Le métier n’intéresse plus les jeunes, malgré un salaire moyen de 26 $ l’heure après une formation de 18 mois.

Comptez quand même sur moi pour favoriser la réparation au remplacement aussi longtemps que possible. Quand je calcule le temps passé (et perdu) dans le processus de magasinage, quand je repense à la qualité du service à la clientèle reçu, l’idée de recommencer tout ça ne m’enchante guère.

1. Je vous invite à lire ce jugement dans lequel un homme est dédommagé par la Cour parce que son nouveau frigo ne lui transmet pas de textos comme prévu. Le vendeur ne l’avait pas prévenu que son téléphone était incompatible avec l’électroménager.

Lisez le jugement 2. Lisez le dossier « Réparateurs désespérément recherchés »