La campagne de séduction du fabricant suédois de cellules de batteries électriques Northvolt a débuté mercredi soir par un arrêt à McMasterville, où une équipe d’une trentaine d’employés de l’entreprise suédoise ainsi que son cofondateur et PDG pour l’Amérique du Nord, Paolo Cerruti, ont rencontré les citoyens de la municipalité pour leur expliquer leur projet et en dédramatiser les tenants et aboutissants.

À 17 h, une centaine de personnes faisaient déjà la file devant les portes de l’École d’éducation internationale de McMasterville dans le but de pouvoir en apprendre plus sur ce mégaprojet de 7 milliards dont on ne fait que parler depuis quelques semaines.

Plutôt que de faire une présentation magistrale et de tenir par la suite une séance de questions-réponses avec les citoyens, Northvolt a plutôt décidé de faire dans la pédagogie active en mettant sur pied des kiosques d’information : la batterie électrique, sa fabrication, l’impact dans la collectivité, les emplois, les étapes de la construction de l’usine…

Des employés québécois, français et suédois de Northvolt étaient là pour discuter et répondre aux questions des citoyens. Le PDG Paolo Cerruti accueillait les gens devant le premier kiosque, par petits groupes de cinq à dix personnes qui s’agglutinaient pour pouvoir l’entendre et le relancer.

Les discussions étaient cordiales, le ton posé et la recherche de réponses crédibles prédominaient largement sur les reproches accusateurs. Certains ont quitté la conversation en souhaitant la bienvenue à Paolo Cerruti…

Mais des questions et des inquiétudes, il y en avait aussi pas mal. Une majorité d’entre elles touchait l’impact de la phase de construction sur la mobilité dans le secteur, le bruit et l’achalandage des camions, la capacité et les infrastructures d’accueil des 4000 travailleurs qui seront requis pour faire fonctionner le site en 2026…

Un couple avec deux enfants de 18 mois et 3 ans s’inquiétait de la proximité de la garderie avec le chantier. Un jeune père de famille habitant à proximité voulait connaître les risques d’incendie liés aux processus de fabrication des cellules et surtout les procédures d’urgence qui seront mises en place pour éviter des drames comme la région en a connu au cours des dernières décennies.

Les séquelles d’un héritage industriel

Durant 120 ans, les résidants de McMasterville ont vécu à proximité de l’usine d’explosifs de la CIL, qui a d’ailleurs été le théâtre d’une terrible tragédie lorsqu’une explosion a tué huit ouvriers et en a blessé sept autres, le 1er octobre 1975. La CIL a fermé le site de McMasterville en 1998.

Durant des dizaines d’années, les résidants de Saint-Basile-le-Grand ont pour leur part cohabité avec un entrepôt illégal dans lequel étaient stockés des dizaines de milliers de litres d’huiles contaminées aux BPC, qui ont été totalement détruits lorsqu’un incendie s’est déclaré le 23 août 1988.

Un incendie qui a produit un nuage de fumée hautement toxique qui a contaminé l’air, tout comme l’eau et le sol en raison du déversement de 130 000 litres d’huiles contaminées par les BPC, forçant l’évacuation durant deux semaines de 5000 résidants de la municipalité.

On comprend donc l’inquiétude que peut susciter un projet comme celui de Northvolt tant l’ampleur et la marque qu’il laissera dans l’environnement immédiat de la rivière Richelieu vont être considérables.

« Mais Northvolt semble une compagnie sérieuse, cela va être bénéfique pour les entreprises de la région comme la CIL l’a été. C’est grâce à la CIL que j’ai ouvert mon entreprise de soudure Camfab en 1983. Il faut évaluer les risques », m’a raconté Camille Blanchet, un résidant de McMasterville qui a vécu l’explosion de 1975.

Depuis la fermeture de la CIL il y a 25 ans, une portion seulement du site qui abritait le laboratoire de recherche de l’usine d’explosifs a été recyclé et converti en résidence pour personnes âgées et a permis la construction de quelques condominiums. Une autre partie du terrain a servi à l’aménagement d’un vaste terrain de stationnement pour la gare ferroviaire de McMasterville.

Le reste du site – où on retrouvait plusieurs des 250 bâtiments du complexe de la CIL et des déchets industriels entreposés à ciel ouvert – s’étend sur le bord de la route 223 et est aujourd’hui un immense terrain en friche délimité par une vieille clôture Frost rouillée.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Partie du terrain destiné au complexe de Northvolt

Québec a refusé de dézoner ce site industriel pour des promoteurs immobiliers qui voulaient y déployer un vaste projet domiciliaire de plus de 5000 logements.

Le site a déjà été convoité par Volkswagen pour y construire sa méga-usine de batteries de véhicules électriques, mais Hydro-Québec n’avait pas les kilowattheures pour satisfaire le constructeur allemand, qui s’est installé à grands frais en Ontario.

Les maires de Saint-Basile-le-Grand et de McMasterville, Yves Lessard et Martin Dulac, comprennent les appréhensions des résidants qui s’inquiètent de l’impact environnemental du déploiement du complexe Northvolt et des répercussions qu’il aura sur la fluidité environnante des déplacements routiers.

La visite qu’ils ont effectuée dans les installations de Northvolt en Suède les a convaincus du sérieux avec lequel l’entreprise gère son empreinte environnementale, qu’elle cherche à réduire au maximum grâce à ses procédés industriels.

PHOTO NORTHVOLT, ARCHIVES FOURNIE PAR REUTERS

Usine de Northvolt, en Suède

Le maire de Saint-Basile-le-Grand est pris avec un terrain industriel qu’il a l’obligation de développer, et voilà que se pointe un investisseur qui souhaite implanter une nouvelle filière industrielle sur ce terrain infertile. Et le maire calcule.

Saint-Basile-le-Grand, une ville de 17 000 habitants, perçoit aujourd’hui 0,3 % de ses impôts fonciers du secteur industriel, tout le reste de ses revenus provient essentiellement des secteurs résidentiel et commercial.

L’implantation de Northvolt pourrait permettre de hausser jusqu’à plus de 25 % la part des revenus industriels dans le budget total de la ville. Même chose à McMasterville, qui verra son assiette fiscale grossir d’au moins 25 %, une fois l’implantation de l’entreprise suédoise terminée. Des revenus additionnels qui pourront servir à améliorer la qualité de vie des résidants et favoriser une certaine acceptation sociale.