En moins d’une semaine seulement, deux entreprises de Québec viennent de faire l’objet d’une offre publique d’achat (OPA), ce qui fait beaucoup, compte tenu du nombre plutôt restreint de sociétés cotées à la Bourse dont le siège social et les activités sont logés dans la Vieille Capitale. Deux OPA qui devraient permettre à chacune des entreprises d’accélérer sa croissance et qui démontrent que la vie vaut parfois mieux que la Bourse.

Les deux sociétés publiques sont nées au début des années 2000 et les deux ont choisi, à une certaine étape de leur développement, d’inscrire leurs actions à la Bourse de Toronto pour faciliter leur financement. Les deux viennent pourtant d’accepter une offre d’acquisition formulée par des intérêts américains.

H2O Innovation, une entreprise spécialisée dans les équipements et les services de traitements des eaux, a annoncé mardi de la semaine dernière qu’elle avait conclu un accord ferme avec le fonds américain privé Ember Infrastructures Management en vue de la vente de l’entreprise.

Le fonds new-yorkais, spécialisé dans les infrastructures en environnement et les investissements responsables, propose de payer 395 millions pour acquérir le contrôle de H2O Innovation, tout en gardant au sein de l’actionnariat du groupe la Caisse de dépôt et placement et Investissement Québec, qui conservent près de 10 % des actions chacun.

Quatre membres de la haute direction actuelle de H2O Innovation, dont le cofondateur et PDG Frédéric Dugré, verront leur participation dans le capital de leur entreprise passer de 5 % à 1 %.

Mardi, ç’a été au tour de la société OpSens, établie dans le Parc technologique de Québec et spécialisée en instrumentalisation médicale, d’accepter l’offre de l’entreprise américaine du secteur de la santé Haemonetics d’acquérir la totalité de ses actions, dans une transaction évaluée à 345 millions dont vous pouvez lire les détails dans le texte de mon collègue Richard Dufour.

Lisez « Une entreprise de Boston offre d’acheter la québécoise OpSens »

Selon Louis Laflamme, PDG d’OpSens, cette transaction arrive à point. Son entreprise était toujours déficitaire et elle devait encore investir des sommes importantes pour assurer la commercialisation de ses produits. Son intégration à un acteur majeur qui dispose d’un solide réseau de distribution devrait faciliter la vie d’OpSens, estime son PDG.

Contrôle et survie

H2O Innovation et OpSens sont deux entreprises en pleine croissance, mais les deux avaient besoin de sang neuf pour solidifier leur bilan ou assurer leur développement à venir.

Dans le cas de H2O Innovation, la perte de contrôle de l’entreprise n’est pas un évènement nouveau. Dès sa création en 2000, ses fondateurs avaient cédé le contrôle effectif de leur firme à des investisseurs européens.

Ces investisseurs ont injecté jusqu’à 15 millions lors de différentes rondes de financement pour permettre à H2O de faire ses premiers pas et d’inscrire ses actions à la Bourse par l’entremise d’une prise de contrôle inversée d’une coquille vide déjà inscrite à la Bourse de Toronto, m’a expliqué la semaine dernière son PDG Frédéric Dugré.

Nos investisseurs européens voulaient que leurs actions profitent d’une plus grande liquidité. C’est pour ça qu’on a fait l’inscription en Bourse. En 2008, lors de la crise financière, ils ont liquidé leurs positions.

Frédéric Dugré, PDG de H2O Innovation

C’est la Caisse de dépôt qui a pris le relais des investisseurs européens avant qu’Investissement Québec prenne une participation plus importante encore.

Avant la transaction annoncée avec Ember, les principaux actionnaires de H2O étaient la Caisse de dépôt avec un peu moins de 10 % des actions, Investissement Québec avec un peu plus de 10 %, des investisseurs institutionnels canadiens, américains, européens avec 40 %, la direction de l’entreprise avec 5 % et le large public avec les 35 % restants.

« La Caisse et Investissement Québec restent des actionnaires d’ancrage qui croient dans l’entreprise, et le nouvel actionnaire majoritaire nous a donné le mandat d’accélérer la croissance et les acquisitions. C’est une bonne transaction », est convaincu Frédéric Dugré.

H2O Innovation compte 1100 employés en Amérique du Nord, dont 125 au Québec, principalement à son siège social. L’entreprise réalise des projets de traitement des eaux pour les municipalités et le secteur industriel, elle fabrique les produits spécialisés et s’occupe de l’opération de sites de traitement d’eau potable ou des eaux usées.

« On est le principal investissement d’un nouveau fonds d’infrastructures en environnement dont les actionnaires – des fonds de pension et des fortunes familiales, notamment – veulent des investissements d’impact. On a enregistré une croissance de 30 % l’an dernier et on va continuer, sans la pression des résultats trimestriels », insiste Frédéric Dugré, qui a hâte que la privatisation de H2O se réalise.

La vente de H2O Innovation à un fonds d’investissement privé qui compte sur sa croissance accélérée en vue de réaliser une plus-value dans un horizon de 10 ans ne se pose donc pas comme une menace pour la survie de l’entreprise et de son siège social québécois, mais plutôt comme une occasion de grandir.