Les patrons mal formés du Québec ont peur. Peur de quoi ? Peur des nouvelles technologies, du changement. Pourquoi peur ? Parce qu’ils ne sont pas en mesure d’en saisir tout le potentiel.

Voilà, en résumé, ce que je comprends d’une nouvelle étude de l’Institut du Québec intitulée Former pour mieux performer, qui fait le portrait des défis de nos entreprises manufacturières.

Évidemment, les auteurs Emna Braham et Anthony Migneault ne traitent pas les patrons de peureux. Et leur constat ne vise pas tous les patrons ni tous leurs employés. Mais leur étude nous fait comprendre que le retard chronique de nos entreprises manufacturières en matière d’investissements et de productivité s’explique par des problèmes de formation, en bonne partie.

En résumé, sans formation et sans leadership, les entreprises n’automatiseront pas leurs productions, n’investiront pas dans les dernières technologies et n’accroîtront pas leur productivité et leur compétitivité.

« Les freins, en particulier chez les PME, sont souvent moins liés à des considérations financières ou techniques qu’à un manque de connaissances et de compétences », écrivent les auteurs.

Des sondages auprès des entreprises le confirment : la plupart des raisons évoquées comme obstacles à l’adoption de technologies ont trait au manque d’information et de qualification.

Faut-il faire un rappel ? Pour obtenir 1000 $ de produit intérieur brut (PIB), les manufacturiers du Québec doivent consacrer 5,2 % plus d’heures de travail que leurs semblables en Ontario, 50 % plus que ceux de la France et 100 % plus que ceux des États-Unis, note l’IDQ.

Certes, l’écart s’explique par les différences de structures industrielles et la taille plus petite des entreprises, notamment. L’écart avec l’Ontario serait réduit à 2,4 % si notre structure industrielle était la même, calcule l’IDQ.

Une analyse plus pointue de l’IDQ permet toutefois de constater, par exemple, que l’industrie de la production d’aliments est parmi les moins productives du Québec, et que son retard sur l’Ontario est de 19 %.

Autre constat : les secteurs qui ont investi davantage sont aujourd’hui les plus productifs et les moins victimes de la pénurie de main-d’œuvre.

Le sous-investissement crée d’ailleurs un cercle vicieux. En général, les entreprises moins performantes ont davantage recours à une main-d’œuvre peu qualifiée et moins rémunérée. Elles sont ainsi plus frappées par la pénurie de main-d’œuvre et ont davantage recours aux travailleurs étrangers temporaires, dont la source finira par se tarir.

Selon les auteurs, l’automatisation contribuerait à casser ce cercle vicieux et améliorerait les conditions de travail et le recrutement. Mais pour y arriver, il faut des employés et des patrons mieux formés. Et des syndicats impliqués.

« La formation des gestionnaires est une bougie d’allumage pour augmenter la productivité », me dit Emna Braham, directrice générale de l’IDQ.

Il faut aussi que la haute direction ait une vision claire des changements et qu’elle communique bien cette vision à une équipe dédiée et mobilisée, m’explique Véronique Proulx, PDG des Manufacturiers et Exportateurs du Québec, un des organismes qui ont financé l’étude et qui y ont contribué.

Un tel changement est tout à fait possible. Le fabricant de meubles de bureau Artopex, par exemple, a complètement automatisé l’une de ses cinq usines, après avoir vu ce qui se fait ailleurs.

Autre exemple : le fabricant d’armoires de cuisine Miralis, dans le Bas-du-Fleuve, a investi 45 millions pour automatiser et robotiser sa production, ce qui lui permettra d’avoir moins besoin de soudeurs, notamment.

L’étude de l’IDQ fait valoir que les gouvernements n’ont pas besoin d’ajouter de l’argent. Ils doivent surtout mieux cibler leurs subventions, et en mesurer l’impact.

Par exemple, il faudra investir moins dans les opérateurs de machinerie et plus dans les employés de maintenance, comme les électromécaniciens. La formation continue est à privilégier. Les manufacturiers ont aussi besoin d’outils pour décarboner leur production.

« Le Plan d’action d’Emploi-Québec priorise l’aide aux entreprises de 100 employés et moins sans égard à leur secteur d’activité, leur stade de développement ou le type de personnel visé », écrivent les auteurs.

L’IDQ fait aussi appel aux grandes entreprises, puisque les politiques publiques ne pourront pas tout régler. « Les grandes entreprises peuvent jouer un rôle de premier plan dans la transition technologique, notamment en incitant leurs partenaires et fournisseurs à adopter certaines technologies », par exemple pour la décarbonation.

Alors, patrons de PME manufacturières, on s’inscrit à des cours ?

Consultez l’étude Former pour mieux performer, de l’Institut du Québec