La communauté financière montréalaise vient de s’enrichir d’un nouveau membre d’envergure avec l’implantation de la société française Ardian, un leader mondial de l’investissement privé qui gère 156 milliards US d’actifs pour le compte de plus de 1400 clients dans le monde. Un quasi-retour aux sources pour la PDG et fondatrice d’Ardian, Dominique Senequier, qui a lancé la firme en 1996 en s’associant avec la Caisse de dépôt.

Ardian a été fondée en 1996 par le groupe français AXA Assurance qui voulait revenir dans le secteur de l’investissement privé après une courte éclipse. Le PDG Claude Bébéar a recruté Dominique Senequier qui était déjà active dans le domaine pour bâtir AXA Private Equity à partir de zéro.

« Il m’a donné le mandat de bâtir une société de gestion pour le compte de tiers en mettant sur pied un fonds de rachat d’entreprises françaises doté de 100 millions. Il fallait que je trouve deux sociétés partenaires et j’ai lancé le premier fonds d’AXA Private Equity avec la Caisse de dépôt et la Rabobank », souligne la PDG.

« La Caisse était intéressée à s’associer à une grande société d’assurance française et on a bien fait puisque ce premier fonds d’investissement privé a généré un rendement de 35 %. »

En 2013, dans la foulée de la dégradation des services financiers qui a suivi l’adoption de nouvelles lois fiscales contraignantes en France, AXA Assurance a décidé de vendre sa division d’investissement privé.

Dominique Senequier et le management de la firme se sont associés à une douzaine d’institutions et des gestionnaires de fortunes pour procéder au rachat d’AXA Private Equity et la renommer Ardian.

« Ça nous a pris par surprise, il n’y avait pas beaucoup d’intérêt pour acheter une firme d’investissement privé en France. Le management a donc pris une participation de 50 % et les institutions que l’on a sollicitées, l’autre 50 %. On a près de 530 actionnaires employés », précise la fondatrice.

Une transaction qui n’a pas mal tourné puisque les actifs sous gestion d’Ardian, qui étaient de 32 milliards US en 2013, totalisent aujourd’hui 156 milliards US. La firme compte aujourd’hui 1050 collaborateurs répartis dans 17 bureaux en Europe, en Amérique, en Asie et au Moyen-Orient.

Développements en Amérique du Nord

C’est pour mieux servir ses clients au Québec et développer une expertise sur place qu’Ardian a ouvert un bureau à Montréal cette semaine.

Le groupe d’investissement privé gère quelque 9,3 milliards US d’actifs au Canada pour plus de 50 clients – caisses de retraite, fonds de pension, universités, gestionnaires de fonds – dont les trois quarts sont établis au Québec.

Ardian veut s’implanter davantage en Amérique du Nord où la firme a déjà des bureaux à New York et à San Francisco. Montréal devient la troisième antenne du groupe.

« On a une forte présence en Amérique du Nord, mais les grands développements d’Ardian vont se faire sur ce continent dans les prochaines années », estime Dominique Senequier.

Frederick Castonguay, le directeur exécutif d’Ardian pour le Québec – et ex-directeur de la caisse de retraite de Rio Tinto et d’Alcan – prévoit l’embauche d’une quinzaine de personnes au cours de la prochaine année, principalement dans le secteur du développement des affaires.

« Le plan, c’est de faire de Montréal un hub pleinement opérationnel avec les autres fonctions de gestion. On prévoit rencontrer les gens de Finance Montréal pour voir le potentiel qu’on peut développer », explique le responsable.

Ardian propose 16 stratégies d’investissement aux gestionnaires de fonds institutionnels. Sa grande spécialité reste l’investissement privé secondaire, soit le rachat de fonds existants sur le marché qui sont rendus disponibles en raison du rééquilibrage des portefeuilles des grands investisseurs institutionnels.

« On est le numéro 1 mondial dans ce secteur et on est en train de lever 25 milliards pour notre 9e fonds secondaire. On fait aussi du co-investissement avec nos grands partenaires comme KKR », expose Dominique Senequier.

Outre l’investissement privé primaire et secondaire, les autres principaux segments pour lesquels le groupe Ardian propose des solutions aux grands investisseurs sont les infrastructures, l’immobilier et le crédit.

« Il y a 30 ans, les banques finançaient 80 % du rachat d’une entreprise, aujourd’hui, ce sont les fonds comme nous qui financent 80 % des rachats de sociétés », précise Mme Senequier.

À l’instar du secteur industriel français qui vit depuis quelques années un renouveau certain, celui des services financiers enregistre lui aussi une renaissance appréciable en France depuis l’avènement du Brexit.

Beaucoup d’entreprises et de gestionnaires qui avaient fui la France trop réglementée pour trouver refuge en Angleterre ont fait le chemin inverse depuis le Brexit.

« Les courtiers et les firmes basées à Londres n’ont plus de licences pour faire affaire en Europe, même chose dans le secteur des fusions et acquisitions. Ils reviennent en France ou ailleurs en Europe pour pouvoir exercer sur le continent. On vit un renouveau encore plus spectaculaire que celui de l’industrie », souligne avec ravissement Dominique Senequier.