Vous souvenez-vous du scandale qui avait secoué le fournisseur de REEE Kaleido, alors appelé Universitas, il y a sept ans ? En gros, les règles du jeu pour déterminer le montant versé aux jeunes avaient changé de manière désavantageuse pour ceux qui entreprennent des études universitaires. Leurs parents pénalisés ne l’ont pas oublié. Encore amers et indignés, certains ont passé la journée de lundi au palais de justice de Longueuil ou sur Teams pour assister au début du procès.

C’est une cause particulière dans sa forme, car elle est entendue par la Cour des petites créances, même si elle concerne 90 clients de Kaleido aux quatre coins du Québec. Leurs dossiers ont été regroupés. Les parties ne pouvant pas être représentées par un avocat, un des parents plaide pour les autres. Dominic Demers est un entrepreneur et père de quatre filles.

Kaleido est représenté par son chef de la transformation et vice-président aux ventes et au développement des affaires, Hugo Côté.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Le chef de la transformation et vice-président aux ventes et au développement des affaires de Kaleido, Hugo Côté

Il est soutenu par deux avocats assis dans le fond de la salle qui peuvent le conseiller pendant les pauses et possiblement lui écrire des textos pendant les procédures. D’ailleurs, Dominic Demers a souligné au juge qu’il n’était pas très à l’aise avec le fait que la partie adverse utilise son téléphone intelligent…

L’affaire concerne ces 90 personnes, mais aussi des dizaines de milliers d’autres Québécois, car elle met en cause la crédibilité et la bonne foi de Kaleido.

Sa mission, la persévérance scolaire, est noble. Or, ses façons de faire soulèvent des doutes, et le fonctionnement de ses régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) collectifs a suscité moult critiques acerbes au fil des ans.

Le dénouement de cette affaire sera donc hautement d’intérêt pour tous les parents et grands-parents qui ont investi dans un REEE chez Kaleido ou qui envisagent de le faire.

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L’année 2017 étant déjà loin dans le fond de notre mémoire, permettez que je résume (rapidement, promis) les évènements à l’origine du litige et le fonctionnement des deux REEE collectifs que Kaleido vendait à une certaine époque (Plan Universitas et Reeeflex).

Le grand principe derrière les deux régimes : plus un jeune allait loin dans ses études, plus il obtenait un grand nombre de paiements d’aide aux études (PAE). Dans une cohorte née une même année, les jeunes qui s’arrêtaient au cégep laissaient donc de l’argent dans la cagnotte pour ceux qui s’inscrivaient à l’université. Ce phénomène était appelé « attrition ». Et l’attrition était au cœur du marketing et de l’argumentaire de l’organisation pour vendre ses REEE. Si votre enfant fréquente l’université, vous gagnerez gros ! plaidait-on.

Mais il semblerait que certains clients se soient plaints de cette formule. Ils voulaient qu’un plus grand nombre de jeunes puissent toucher plusieurs PAE, qu’un cégépien obtienne autant qu’un universitaire. Kaleido a organisé un vote sur la question. La flexibilité l’a emporté. Depuis, presque tous les types d’études donnent droit au même montant. Vous savez ce qui arrive quand on sépare une tarte en 12 plutôt qu’en 6…

« Si c’est légal, comment est-ce que ça peut être légal ? C’est pour ça que je suis ici, c’est pour comprendre ça », m’a dit Julie Tanguy, une actuaire et mère de deux adolescents qui évalue sa perte à près de 25 000 $. Elle n’en revient toujours pas que Kaleido ait pu pénaliser les parents qui avaient bien compris le concept du REEE collectif pour avantager ceux qui l’avaient moins bien compris et qui, en conséquence, s’en plaignaient. « Quelle drôle de solution ils ont trouvée ! »

Après le vote, l’Autorité des marchés financiers (AMF) avait entrepris une enquête. Étant donné que les clients de Kaleido avaient manqué d’informations pour faire un choix éclairé, un second vote a été tenu en 2018. Le résultat fut le même.

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Une partie des gens qui se croient floués sont venus au palais de justice de Longueuil assister lundi à la première journée du procès contre Kaleido, 7 ans après les changements apportés à ses REEE collectifs.

Depuis que Dominic Demers a réalisé que ses pointes de tarte seraient assurément plus petites que prévu, il se bat pour que les changements à son contrat soient déclarés illégaux. Rien dans la documentation fournie au départ ne lui permettait de croire que l’essence même de son REEE collectif pouvait changer.

On m’a vendu l’attrition. Si j’avais pu me douter qu’ils enlèveraient l’attrition, je serais allé à la banque ouvrir un REEE. Il n’y avait plus d’avantages distinctifs.

Dominic Demers, entrepreneur et père de quatre filles

Le hic, c’est que les clients mécontents, une fois les votes passés, ne pouvaient pas quitter le navire et transférer leur argent dans un REEE ouvert à la banque. Les départs sont tellement pénalisants que ce n’est pas une option. « Je suis prise dans un mauvais placement. Quand je cotise, à tous les mois, ça me brise le cœur », m’a confié Julie Tanguy.

Tous les autres parents rencontrés dans les corridors du palais de justice m’ont aussi parlé de ce sentiment désagréable d’être « menottés » à une organisation qui a « dénaturé » le REEE de leur enfant en en modifiant radicalement le fonctionnement.

Le représentant de Kaleido, Hugo Côté, n’a pas voulu me parler « par respect pour le processus judiciaire ». Il doit soumettre son argumentaire mercredi, ce qui risque d’être fort instructif et révélateur des valeurs qui animent aujourd’hui l’organisation.

Une version précédente de ce texte mentionnait que le représentant des demandeurs est Dominic Bonin. Or, il s’agit plutôt de Dominic Demers. M. Bonin est l’un des 90 clients de Kaleido faisant partie du recours. Nos excuses.