Eric Girard a des allures de magicien. Il parvient à ajouter des centaines de millions pour le logement, pour la transition climatique et tout le reste sans changer le déficit. Et tout ça, dans un contexte de ralentissement, où les recettes de l’État fondent.

Comment fait-il ? Le truc est assez simple : il finance les nouvelles dépenses en vidant l’essentiel des provisions qu’il avait constituées pour parer aux éventualités. Voilà pour la magie.

Dit autrement, le déficit de 4 milliards promis dans le budget de mars dernier pour 2023-2024 n’est pas le même que celui de 4 milliards de la mise à jour de mardi. Ni le déficit zéro promis dans cinq ans.

Pour rendre le tout comparable, il faut retrancher aux déficits prévus les provisions qu’Eric Girard a effacées mardi. Le déficit de l’année en cours a donc grimpé de 1 milliard, celui de l’an prochain, également de 1 milliard, et ainsi de suite.

Sur cinq ans, Québec efface donc 5 milliards de provisions pour financer ses dépenses pour le logement (900 millions), les changements climatiques (961 millions), la stimulation des investissements (1 milliard), la formation en construction (329 millions) et la lutte contre l’itinérance (145 millions), notamment.

Sans ces nouvelles dépenses, les 5 milliards auraient probablement allégé la dette d’autant, au bout du compte.

Je ne porte pas de jugement. Les fonds consacrés au logement et aux changements climatiques sont essentiels. Seulement, cette lecture différente nous aide à mieux comprendre les impacts financiers de nos problèmes collectifs.

La mise à jour nous confirme que le ralentissement de 2023 s’étendra à 2024. Le Québec aura une croissance réelle moins forte de son PIB en 2024 (0,7 %), croissance que le Ministère des Finances voyait à 1,4 % en mars dernier.

Et moins forte qu’ailleurs également. En comparaison, la croissance en 2024 sera de 0,9 % au Canada, de 1,1 % aux États-Unis et de 2,7 % dans l’ensemble du monde industrialisé, prévoit le Ministère.

À voir l’économie évoluer, le Ministère juge que les banques centrales commenceront à assouplir leur politique monétaire le printemps prochain, bref à baisser leur taux directeur, ce qui serait une bonne nouvelle.

Le ralentissement dégonfle les revenus fiscaux. Le gouvernement du Québec prévoit qu’il récoltera près de 700 millions de moins que prévu cette année et environ 1 milliard au cours de chacune des deux prochaines années.

À cela s’ajoute la baisse des revenus autonomes de 1 milliard sur trois ans – essentiellement d’Hydro-Québec – ainsi qu’une hausse des frais d’intérêt sur la dette et des dépenses de portefeuille plus importantes que prévu.

Heureusement, le gouvernement peut compter sur une flopée de revenus imprévus. Le réseau de la santé et de l’enseignement supérieur a connu un achalandage plus grand qu’attendu – probablement un effet postpandémie –, ce qui a fait grimper les recettes tirées des droits de scolarité, des cafétérias ou des stationnements, par exemple. On parle d’environ 500 millions pour l’année en cours, quand même.

Bref, au bout du compte, les nouvelles dépenses annuelles d’environ 1 milliard – logements, climat, etc. – viennent hausser le déficit d’autant, qu’il faut maîtriser en puisant dans les provisions.

Si tout va bien, le déficit zéro sera atteint en 2027-2028, dans cinq ans, mais encore une fois, la probabilité de l’atteindre est moins grande avec l’effacement de l’essentiel des provisions.

Maintenant, quel sera l’impact des négociations du secteur public sur le budget ? Difficile à dire.

La mise à jour d’Eric Girard reprend les chiffres de sa collègue Sonia LeBel, soit que l’offre aux employés est de 10,3 % sur cinq ans, à laquelle s’ajoutent 3 % pour certaines catégories d’employés, en plus d’un montant forfaitaire équivalant à 1,5 % de la masse salariale. Grand total indiqué dans la mise à jour : 14,8 % sur cinq ans.

Le hic, c’est que ces trois chiffres ne s’additionnent pas, un non-sens auquel le Ministère ne nous a pas habitués.

Le 10,3 % est offert à tous, pas le 3 %. Et le montant forfaitaire est non récurrent et il pourrait davantage ressembler à une hausse de 0,3 % par année pendant cinq ans. Nouveau total de l’offre : impossible à savoir, bien qu’on puisse imaginer qu’il ne dépasse pas 12 %.

Chose certaine, l’inflation prévue par le ministère des Finances pour les 5 années du contrat de travail n’est plus de 11,7 %, comme prévu en mars. Elle est maintenant de 13,4 % pour les 5 années civiles (janvier à décembre) ou encore de 12,7 % en vertu une entrée statistique dans la mise à jour qui ne figurait pas dans le budget de mars, basée sur les années financières du gouvernement (avril à mars).

Et comme cette hausse de 12,7 % du ministère sert de guide à Sonia Lebel…