La récente décision de la Commission canadienne du lait représente une très bonne nouvelle pour les consommateurs. Il faut surtout remercier les producteurs de lait.

Il faut rendre à César ce qui lui revient. La Commission canadienne du lait (CCL) a recommandé une augmentation modeste de 1,77 % du prix du lait à la ferme pour 2024. La CCL annonce chaque année le changement du prix du lait à la ferme au début du mois de novembre. Ce nouveau prix entre normalement en vigueur le 1er février de l’année suivante. Cette année, la CCL a décidé d’opter pour un pourcentage d’augmentation faible, ce qui constitue une très bonne nouvelle pour tous les consommateurs.

À l’origine de cette petite augmentation, on trouve les producteurs laitiers eux-mêmes, qui ont plaidé ouvertement en faveur d’une légère hausse du prix du lait à la ferme pour 2024. Manifestement, tant les agriculteurs que la Commission ont judicieusement évalué les circonstances. Une autre tournure intéressante dans cette histoire est le report de trois mois de la mise en application de cette hausse, désormais prévue pour le 1er mai 2024. La décision de la CCL de reporter l’augmentation prévue du prix du lait à la ferme a été influencée par les ravages causés par l’inflation alimentaire ces derniers temps.

Contrairement aux années récentes, cette légère augmentation représente un écart significatif. En février 2022, nous avons assisté à une augmentation sans pareille de 8,4 %, suivie d’une hausse de 2,5 % en septembre 2022. En février 2023, les producteurs laitiers ont reçu une autre augmentation de 2,2 %.

Les transformateurs laitiers comme Saputo et Lactalis ont dû subir des coûts d’approvisionnement exceptionnellement élevés découlant des décisions antérieures de la CCL, mais les prix au détail n’ont pas été chamboulés pour autant, malgré les hausses du prix du lait à la ferme. Selon Statistique Canada, les prix de détail du lait liquide au pays ont augmenté en moyenne de 8 % depuis février 2022, à la suite de l’augmentation inégalée de 8,4 % il y a 18 mois. Le prix de la crème a augmenté de 3 %, tandis que le prix du beurre a subi une hausse de 7 % pendant la même période. Les hausses de prix pour le fromage et le yogourt n’ont pas dépassé 10 % depuis février 2022. Ironiquement, au cours de la même période, les options non laitières comme le lait de soja ont connu une hausse de 11 % et la margarine, de manière spectaculaire, a bondi de 43 %.

Le débat sur la gestion de l’offre et l’industrie laitière au Canada a généré des opinions musclées, certaines étant véritablement fondées. Le lait de ferme canadien figure parmi les plus chers du monde occidental. Il existe pour au moins 25 milliards de dollars de quotas sur le marché en ce moment. Protégée par de fortes barrières commerciales et des rumeurs de déversement du lait (évènements rarement rapportés au public), cette industrie reste très peu transparente du point de vue de la responsabilité sociale.

De plus, chaque ferme reçoit des centaines de milliers de dollars d’Ottawa pour amortir les supposées pertes financières des agriculteurs en raison des accords commerciaux ratifiés, ce qui n’est pas vraiment le cas. La complexité du système déconcerte même les politiciens influencés par le lobby des producteurs laitiers hyperpuissants.

Néanmoins, nous devons souligner la résilience du système de gestion de l’offre. Les Canadiens ont accès à un approvisionnement constant de produits laitiers de haute qualité. Comme observé ces derniers mois, le prix des produits laitiers a largement suivi l’inflation. Aux États-Unis, où un régime fédéral de gestion de l’offre n’existe pas, la section laitière a connu des fluctuations de prix volatils dépassant parfois 100 %. L’héritage de la gestion de l’offre réside dans la stabilité qu’elle propose. Le défi, quant à lui, réside dans le fait que notre secteur laitier n’est pas particulièrement concurrentiel. Pendant que le prix du lait augmente, les consommateurs recherchent différents produits tout en demeurant sensibles aux prix.

Plusieurs peuvent souhaiter un nouveau système, mais avec les complexités fiscales et politiques liées au régime actuel, nous sommes liés à ce système, qu’on le veuille ou non. Toutefois, le système pourrait être modifié.

Malgré la gestion de l’offre, le Canada pourrait devoir faire face à la perte de la moitié de ses fermes laitières d’ici 2030. Cela pourrait inciter les décideurs à privilégier la concurrence, potentiellement en impliquant le développement de quotas d’exportation tout en soutenant la jeune génération d’agriculteurs laitiers qui a une meilleure compréhension du paysage mondial en constante évolution. Leur marché pourrait s’étendre au-delà des frontières du Canada.