Ce budget de la Ville de Montréal, qu’on attendait austère, est bien difficile à comprendre.

À l’heure où l’économie ralentit, où les citoyens doivent se serrer la ceinture, où le déficit du transport collectif grossit, que fait l’administration Plante ? Presque rien. Résultat : le compte de taxes foncières résidentiel grimpera de 4,9 % en 2024, après une hausse de 4,1 % cette année.

Oui, bien sûr, l’inflation a frappé fort depuis deux ans, affectant le coût des services. Mais dans un tel contexte, on se serait attendu à des mesures énergiques pour épargner les contribuables. Or, ce n’est pas ce qui se dégage du budget.

Pas de grand report de projets, pas de gel de l’embauche, pas d’annulation de mesures coûteuses, pas de réduction de services, pas de programme de départs à la retraite…

Oh, il y a bien ce gel proposé de la paye des élus, médiatisé après le budget, mais cette intention tardive, bien que symboliquement forte, ne changera rien au compte de taxes des contribuables.

Au contraire, l’administration Plante veut coûte que coûte continuer le développement de son Réseau express vélo, l’implantation de son programme de BIXI hivernal et maintenir la gratuité offerte aux 65 ans et plus dans le transport collectif, peu importe leurs revenus. Sans compter que l’effectif augmente de 401 personnes, atteignant l’équivalent de 25 162 postes à temps plein.

C’est à croire que l’administration Plante a une aversion pour la gestion serrée des dépenses. Est-ce une extension de l’insouciance manifestée à l’Office de consultation publique de Montréal, qui a permis à certains employés de parcourir le monde aux frais des contribuables ?

Après tout, c’est Dominique Ollivier, qui a préparé le budget avant de démissionner, qui en était la présidente entre 2014 et 2021. C’est aussi elle qui a offert non pas un, mais deux bonis aux 1800 cadres de la Ville de Montréal en 2023.

Valérie Plante et son équipe ont voulu préserver le volet environnement et mobilité du programme de son parti, ce qui est louable. Mais dans le contexte actuel, il aurait fallu faire des coupes ailleurs, pas seulement promettre une révision des programmes qui mènera éventuellement à de possibles économies.

Pour mieux comprendre, mettons la loupe sur le budget. D’abord, il est en hausse de 3,5 % par rapport à celui de l’an dernier, à près de 7 milliards. Cette hausse reflète toutefois mal la réalité administrative de la Ville.

Pourquoi ? Parce que cette augmentation moindre que celle des taxes de 4,9 % s’explique par une baisse inespérée du service de la dette, attribuable, semble-t-il, à l’arrivée à échéance de vieux emprunts à taux élevés.

En prenant seulement les dépenses courantes (sécurité urbaine, services aux citoyens, urbanisme, etc.), la hausse est plutôt de 4,5 %, à 4,5 milliards. Même constat si l’on prend la rémunération du personnel, en hausse de 4,4 % depuis un an par rapport au budget de 2023.

La dette nette est aussi en hausse, de 355 millions, à 7 milliards de dollars. Et quand on ajoute celle de la STM, d’environ 1,4 milliard, la dette nette dépasse 100 % des revenus de la Ville, qui est la limite à ne pourtant pas excéder, selon la politique de gestion de la dette de la Ville, qui remonte à 2004.

Ce seuil de 100 % a été dépassé durant six des sept années de l’administration Plante, alors que ce n’était pas le cas dans les années précédant son arrivée. Et maintenant que les taux d’intérêt sont élevés, l’impact se fera sentir, tôt ou tard…

10 % plus d’employés

Le budget permet aussi d’avoir un regard sur les cinq dernières années du parti au pouvoir. D’abord, un fait incontournable : l’effectif de la Ville a grimpé de 9,8 % depuis cinq ans, après plusieurs années de stagnation sous l’administration Coderre.

Dans son budget 2024, la Ville inscrit l’équivalent de 25 162 employés à temps plein, soit 401 de plus que l’an dernier, mais 2245 de plus qu’en 2019.

La croissance de l’effectif pourrait se justifier si la population avait crû au même rythme, faisant pression sur les services. Mais pendant ce temps, la population de Montréal a augmenté de seulement 1,3 %, selon ce qui est inscrit dans les budgets.

Autrement dit, il y a aujourd’hui près de 14 employés municipaux pour 1000 habitants, contre 12,9 il y a cinq ans. Ces employés, cadres et cols bleus inclus, touchent aujourd’hui un salaire de 87 807 $, en moyenne, ou de 108 517 $ si l’on inclut les avantages sociaux, notamment le régime de retraite.

Autre angle d’analyse : les dépenses par secteurs d’activité. Elles ont grimpé de 22,7 % depuis cinq ans – ou de 21,1 % par habitant –, alors que l’inflation a été de 19 % sur cette période.

La Ville est mûre pour une gestion plus serrée de ses dépenses. L’administration Plante aura-t-elle enfin le courage de le faire ?