On le sait, les médias québécois ont un sens critique très développé qui peut rapidement devenir acerbe lorsqu’il s’agit d’exprimer ou d’exalter le mécontentement de la population. Ce qui peut donner lieu parfois à une tendance au dénigrement qui occulte malheureusement les côtés positifs qui auraient dû être soulignés, comme on l’a souvent constaté avec le dossier du REM, par exemple.

Depuis qu’il a été annoncé une première fois en 2016 et qu’il a donné lieu à une première pelletée de terre en 2018, le projet du REM n’a cessé de faire l’objet de critiques de toutes sortes : sur le trajet proposé, les entraves que les travaux ont provoquées, les dépassements de coûts, les aspects visuels, les retards de l’échéancier, le non-branchement avec l’est de Montréal ou le report du tronçon vers l’aéroport…

Une fois que l’inauguration de la première ligne de 16 km reliant Brossard au centre-ville a été célébrée, le 28 juillet dernier, ce sont la vingtaine de pannes qui sont survenues depuis et les problèmes de communication avec les usagers du REM qui ont fait la manchette.

Tout comme les pannes qui ont affecté les ascenseurs, ou les escaliers mécaniques, ou encore le bruit du passage des rames qui dérange les citoyens de Pointe-Saint-Charles et de Griffintown. Des critiques justifiées parce qu’elles touchent la vie des gens, tant celle des usagers que des résidants qui vivent à proximité du nouveau réseau en développement.

Mais on oublie souvent de souligner que malgré les dépassements de près de 30 % des coûts de construction par rapport à leur estimation initiale lors de la première pelletée de terre, le projet du REM reste le nouveau réseau de transport collectif le moins dispendieux à avoir vu le jour en Amérique du Nord.

On dit souvent que nul n’est prophète en son pays, mais on pourrait tout aussi bien affirmer qu’on y est aussi souvent mauvais juge. S’il arrive que la reconnaissance et l’estime d’une œuvre ou d’un créateur ne puissent être acquises que si elles sont confirmées à l’extérieur, c’est un peu le même phénomène que l’on observe avec le REM.

C’est un article publié il y a un mois par l’agence de presse financière internationale Bloomberg News qui nous fait réaliser combien on peut mesurer les choses de façon totalement différente selon le point de vue.

Si au Québec certains estiment que la Caisse de dépôt a été incapable de gérer correctement le projet du REM parce qu’il est passé d’un budget estimé de 6,3 milliards en 2018 à près de 8 milliards aujourd’hui, à l’extérieur du pays, on considère que la Caisse de dépôt a plutôt réalisé un exploit qui devrait être exporté partout en Amérique du Nord.

Un modèle nord-américain

Avec la dernière révision budgétaire de 7,97 milliards faite en septembre dernier, la facture finale du REM reviendra à un coût de 138 millions US par mile, selon le Transit Costs Project du Marron Institute de l’Université de New York, cité par l’agence Bloomberg.

À titre de comparaison, on souligne que le coût d’expansion de la Green Line du métro de Boston, construite en surface dans un corridor ferroviaire existant, s’est traduit par une dépense de 485 millions US par mile.

Bloomberg insiste sur le fait que le projet du REM a coûté presque trois fois moins que le prolongement du métro de Boston, dix fois moins que celle de la ligne D du métro de Los Angeles ou 31 fois moins que la phase 2 du métro Second Avenue à New York…

Et ce, malgré le fait que les promoteurs du REM ont dû reconstruire le tunnel centenaire du mont Royal tout en aménageant deux échangeurs avec des stations de métro dont l’une arrive au second rang des stations les plus profondes en Amérique du Nord, contrairement au métro de Boston qui n’avait à relever aucune de ces contraintes.

Le REM est le projet de transports en commun exemplaire en Amérique du Nord tant par son approche de financement innovante – avec l’implication de la Caisse de dépôt plutôt que de compter sur un financement public traditionnel – que par sa vitesse de livraison.

Malgré ses trois ans de retard sur l’échéancier prévu, le REM a pu achever sa première phase en sept ans, ce qui est nettement plus rapide que tous les autres projets de même nature dans le domaine des transports en commun qui doivent composer avec des années de discussions, de négociations et de poursuites diverses avant même la première pelletée de terre.

Vu du Québec, on n’avait pas ce portrait plus large qui nous permet de mieux apprécier le travail qui a été accompli, travail qui va nous conduire prochainement, dans un an exactement, au début des opérations de la seconde phase du REM avec son raccordement aux 51 km restants du réseau.

Il va y avoir encore des pannes, il va y avoir encore des ajustements, il va y avoir encore du mécontentement, mais on sera encore bien loin, souhaitons-le, des empêtrements que vivent encore les résidants d’Ottawa et de Toronto avec la mise en place de leur système de train léger.

Et ce n’est pas vrai que l’on se console quand on se compare parce que lorsqu’on compare le REM aux autres projets de transports en commun, on se réjouit.