Que vaut la sécurité d’emploi à vie des employés de l’État ? Et comment tenir compte, dans les comparaisons salariales, de la pression moins grande au public qu’au privé pour atteindre des résultats ?

Ces questions, bien difficiles, font partie des nombreux commentaires que j’ai reçus au sujet de ma chronique qui faisait état des moins bonnes conditions salariales du gouvernement du Québec. L’étude citée dans la chronique ne portait pas sur les employés de la santé et de l’éducation, essentiellement, mais sur les autres, souvent des fonctionnaires.

Quelques employés du gouvernement m’ont remercié d’avoir dit qu’ils ne sont pas des enfants gâtés, d’avoir bien expliqué que leur paye est somme toute moindre qu’ailleurs d’environ 7 %, tout pris en compte. D’autres ont mal compris l’effet du régime de retraite, dont je vous parlerai plus loin.

« Énorme écart de productivité »

Surtout, des lecteurs ont réagi en me faisant valoir les grandes différences de pression entre le privé et le public.

« Ayant travaillé au public et au privé, la tâche, la pression, le niveau d’exigences et l’implication au travail demandée au privé rendent la comparaison injuste. Tout simplement », m’écrit l’un d’eux.

Deux lecteurs ayant travaillé comme cadres au public et au privé tiennent des propos très durs envers le public. Ils ne veulent pas être nommés ni identifier publiquement les organisations pour lesquelles ils ont travaillé pour pouvoir s’exprimer librement ou ne pas être poursuivis.

Le premier dit avoir eu 70 personnes à sa charge, au privé comme au public. « Premièrement, il y a une différence énorme de productivité entre le public et le privé. Cet écart a énormément affecté la capacité de mon service, lorsque je suis arrivé au public, à livrer de manière prévisible.

« Deuxièmement, les absences pour maladie au public (surtout les absences prolongées) sont très nettement plus élevées qu’au privé. Cela coûte aux contribuables des sommes importantes et vient aussi impacter la productivité.

« Cela dit, certaines demandes des travailleurs sont très justifiées, surtout en santé et en éducation, mais il faudrait en même temps revoir le fonctionnement total de nos organisations, la sacro-sainte puissance des syndicats, ainsi que la couche sans cesse grandissante de cadres hauts salariés qui ne font pas réellement avancer les choses. »

Très dur, que je vous disais…

L’autre dirigeant qui témoigne, sans connaître le premier, me dit essentiellement la même chose. La personne, aujourd’hui retraitée, a été cadre supérieure au privé puis dans une société d’État, hors de l’éducation et de la santé.

Il y a un monde entre les deux. Au public, jamais d’urgence, jamais de pression, un projet devait coûter 2 millions et il en coûte plus de 10 à la fin ? Pas grave, pas d’imputabilité, on a des milliards. Il n’y a pas de conscience de la valeur de l’argent.

Une personne retraitée qui a été cadre supérieure au privé et dans une société d’État

« En plus, je n’ai jamais vu autant de soi-disant “burn-out” et ils durent très longtemps. J’ai eu le choc de ma vie en passant au public », m’écrit cette personne, qui dit avoir réussi à faire le travail en embauchant pour son comité de direction des cadres venant du privé.

Ouch…

Par ailleurs, plusieurs n’ont pas compris que les comparaisons de rémunération globale de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) tenaient compte de la valeur du régime de retraite du gouvernement du Québec.

Essentiellement, l’ISQ ajoute à la paye la portion invisible du salaire que verse l’employeur (environ 22 % du salaire) pour les avantages sociaux des employés. À lui seul, le régime de retraite représente environ 7 % des 22 % de ces avantages, le reste étant constitué des assurances et des cotisations salariales légales, notamment.

Un lecteur ingénieur au privé me fait valoir que cet avantage est tout de même sous-estimé par les syndicats. « C’est tout un effort de créer votre propre fonds de retraite. Bien sûr, j’ai mis les bonis offerts par l’entreprise dans mes REER, entre autres, mais cela compte bien peu si on compare aux pensions de certaines organisations du public », m’explique-t-il essentiellement.

Ma réplique à ce sujet ?

Pendant toute leur carrière, les employés du gouvernement ont cotisé à leur fonds de retraite une somme souvent équivalente à celle du gouvernement. Ces versements ont réduit leur niveau de vie, mais ils en bénéficient plus tard.

Les travailleurs du privé devraient faire de même, dans leur REER, en mettant de 12 à 18 % de leur paye par année, y compris la part de l’employeur, mais ils ne le font pas, bien souvent, préférant dépenser l’argent pour vivre le moment présent.

Dit autrement, le drôle d’avantage du régime de retraite n’est pas seulement son ajout à la rémunération globale, mais l’épargne forcée qu’il constitue.

À méditer, tout cela…

Les propos des lecteurs ont été édités par souci de synthèse et de cohésion.