Alors qu’on évoque de plus en plus l’éventualité que les taux d’intérêt puissent commencer à baisser plus tôt que prévu en raison des avancées réalisées sur le front de la lutte contre l’inflation, il reste toutefois des inquiétudes entourant certaines composantes de la hausse du coût de la vie qui risquent de peser encore sur un retour graduel vers une normalisation de la politique monétaire au pays.

Une de ces inquiétudes a été soulevée cette semaine par Toni Gravelle, sous-gouverneur de la Banque du Canada, lors d’un discours qu’il a prononcé à Windsor, en Ontario.

Dans cette allocution, le sous-gouverneur de la Banque du Canada a fortement insisté sur la hausse du coût des loyers qui s’observe partout au pays et qui ne risque pas de s’estomper en raison de la pénurie généralisée de logements.

Une rareté largement attribuable à la forte hausse de l’immigration que le Canada a enregistrée depuis 2015 et qui s’est accélérée pour atteindre un sommet depuis 2022.

De 2016 à aujourd’hui, le Canada a enregistré la plus forte croissance annuelle de population de tous les pays du G7. Au cours des quatre derniers trimestres, le Canada a accueilli plus de 1 million de nouveaux arrivants, dont 60 % de résidants non permanents, essentiellement des travailleurs temporaires et des étudiants étrangers.

M. Gravelle reconnaît d’emblée la contribution de ces nouveaux arrivants à l’activité économique canadienne qui occupent notamment des emplois délaissés par les Canadiens qui partent pour la retraite.

Cette activité des immigrants a permis de faire grimper de 2 à 3 % la production potentielle de notre économie sans générer d’inflation, l’immigration représentant seulement 0,1 point de pourcentage du taux annuel d’inflation, selon la Banque du Canada.

Mais cette entrée massive de nouveaux arrivants depuis 2016, qui louent lorsqu’ils emménagent au Canada, ne cesse de faire pression sur le taux d’inoccupation des logements dont le déclin constant est devenu, depuis 2022, vertigineux, selon Toni Gravelle, le plus bas de tous les temps.

La rareté des logements disponibles fait pression sur les prix des loyers qui atteignent aujourd’hui des niveaux jamais vus. Selon la SCHL, il en coûtait, en 2022, 1417 $ en moyenne, pour louer un appartement de deux chambres dans la grande région de Montréal et on ne parle pas du prix de location des condos.

Une pénurie qui coûte cher

En 2022, il fallait payer un prix plus élevé encore sur l’île de Montréal, et encore plus cher, de l’ordre de 2200 $, dans le centre-ville de la métropole. Les statistiques pour 2023 vont être dévoilées à la fin du mois de janvier prochain, mais la situation va sûrement s’être encore détériorée.

Les chiffres de l’inflation d’octobre dernier nous indiquent que les coûts des loyers ont progressé de 8,2 % durant le mois au Canada, ce qui marque une hausse par rapport à septembre où on enregistrait une progression de 7,3 % et un bond par rapport aux 4,7 % affichés il y a un an.

Il s’agit surtout de la plus forte augmentation mensuelle des coûts de logement enregistrée en 40 ans au Canada, ce qui n’est pas sans inquiéter les dirigeants de la Banque du Canada.

La pénurie de logements est en partie attribuable à la faiblesse des nouvelles mises en chantier provoquée par la hausse des taux d’intérêt, mais le phénomène était déjà préexistant quand les taux étaient bas, observe la Banque du Canada.

Au Canada, comme au Québec d’ailleurs, la construction de nouveaux logements ne suit pas l’accroissement rapide de la population. On recensait pas moins de 471 000 résidents non permanents au Québec en juillet dernier, contre 322 000 l’année précédente.

Si plusieurs travailleurs temporaires sont logés de façon plus ou moins convenable par leurs employeurs, on reste loin du compte quand on sait qu’il devrait se construire cette année 35 000 nouveaux logements pour l’ensemble du Québec alors qu’il s’en est construit 68 000 il y a deux ans.

À cet égard, la Banque du Canada plaide pour que les administrations fédérales, provinciales et municipales adoptent une position plus proactive à l’endroit des nouveaux projets de construction de logements.

« On doit réduire les obstacles à l’accroissement de la capacité de construction et rendre le marché plus à même de répondre à l’évolution future de la demande de logements », propose le sous-gouverneur Toni Gravelle.

Et c’est exactement ce que la ministre québécoise responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a fait en apportant des amendements à son projet de loi 31 pour donner plus de pouvoirs aux municipalités dans la gestion des projets de construction d’unités d’habitation en allégeant le fardeau bureaucratique des processus.

On parle beaucoup de la hausse du coût du panier d’épicerie et de celle du fardeau financier des ménages qui doivent renouveler leur prêt hypothécaire, mais la capacité de payer des locataires qui représentent plus de 30 % des ménages au Québec n’est plus du tout en phase avec la réalité du marché.

Il faut plus d’offres pour répondre à la demande et ralentir la hausse du prix des loyers.