En rachetant les actions que Rogers détenait dans Cogeco, la Caisse de dépôt est devenue un partenaire important de la croissance future de l’entreprise de télécommunications québécoise, mais elle a surtout rendu un fier coup de main au câblodistributeur en le soulageant de la présence d’un actionnaire tout aussi omniprésent qu’inutile.

C’est une grosse transaction que viennent de réaliser la Caisse et Cogeco en rachetant toutes les actions que Rogers Communications avait accumulées depuis le début des années 2000 en vue d’une tentative de prise de contrôle hostile lancée en septembre 2020, mais fermement rejetée par la famille Audet, actionnaire majoritaire de Cogeco.

En simplifiant, la Caisse a racheté pour 829 millions les actions subalternes que détenait Rogers dans Cogeco Communications et Cogeco, pour en revendre une partie à Cogeco, une partie sur le marché public et en conserver une tranche de 350 millions qui représente 16 % des actions de Cogeco Communications.

Rogers détenait 38 % des actions subalternes de Cogeco inc. et 24 % des actions subalternes de Cogeco Communications, une forte présence qui était le résultat de plus de 20 ans d’achats d’actions sur le marché par l’entreprise torontoise de télécommunications qui a finalement lancé, de concert avec la firme américaine Altice, une offre publique d’achat (OPA) sur Cogeco en septembre 2020.

Malgré une surenchère qui a poussé jusqu’à 150 $ la valeur des actions de Cogeco Communications et 123 $ celles de Cogeco, Rogers a essuyé un refus sans appel de la famille Audet et a été forcée de retraiter pour jeter son dévolu en avril 2021 sur le groupe Shaw dans une OPA de 20 milliards.

La transaction avec Shaw s’est conclue en avril 2023 et Rogers s’est lourdement endettée pour la réaliser et doit maintenant payer ses dettes, d’où l’urgence et la nécessité de la transaction avec la Caisse de dépôt, annoncée lundi en fin de journée.

« C’est une grande transaction qui ouvre la voie à un nouvel alignement stratégique pour Cogeco. Ça fait des années que Rogers était assis sur deux blocs d’actions importants et ne faisait rien. Les titres de Cogeco n’étaient pas liquides, mais là on va permettre à des institutions de devenir actionnaires et de participer à notre plan de développement », m’a expliqué mardi Philippe Jetté, PDG de Cogeco.

Une transaction de recadrement

La transaction réalisée par la Caisse de dépôt a été menée rondement. La Caisse a racheté la totalité des actions de Rogers pour 829 millions. Elle a revendu à Cogeco pour 117 millions d’actions de Cogeco Communications et 90 millions d’actions de Cogeco inc. Ces actions ont été rachetées pour être radiées par l’entreprise.

La Caisse a réalisé une prise ferme de 273 millions d’actions de Cogeco qu’elle va revendre à la valeur au marché à des investisseurs institutionnels. La Caisse débourse finalement 350 millions pour racheter des actions de Cogeco Communications qui vont lui assurer la propriété de 16 % de ses actions subalternes.

À terme, la Caisse pourrait même réaliser un rendement sur cette prise ferme de 270 millions puisqu’elle a payé les actions de Rogers avec un escompte de 10 % et qu’elle va les revendre à leur valeur au marché.

C’est une transaction qui va rendre les titres de Cogeco beaucoup plus liquides et qui se fait à très bon prix puisque la valeur des actions du câblodistributeur est dans un creux – à moins de 50 % par rapport à celle qu’elles avaient en 2019 – et qu’elles ont été payées 10 % moins cher que leur valeur en Bourse.

« Rogers voulait accélérer son désendettement à la suite de l’acquisition de Shaw et on était l’acquéreur tout désigné. On a tout orchestré la transaction.

« C’est un investissement qui cadre tout à fait avec nos objectifs parce que les besoins en connectivité sont encore grands et il s’agit d’un bloc d’actions qui revient au Québec », constate pour sa part Kim Thomassin, première vice-présidente et cheffe, Québec, de la CDPQ.

Avec ce nouvel investissement de 350 millions, la Caisse porte à plus de 1 milliard la valeur de ses actifs dans l’entreprise montréalaise de télécommunications puisqu’elle avait déjà injecté 350 millions, en 2017, pour réaliser l’acquisition de MetroCast, au moyen d’un investissement dans la filiale privée américaine Breezeline de Cogeco.

Après être complètement sortie du secteur des centres de données en 2019 et s’être aujourd’hui libérée du poids inutile de Rogers dans son actionnariat, Cogeco pourra mieux déployer son plan d’expansion au Canada et aux États-Unis.

« On vient d’entrer dans un 13État, le Massachusetts, aux États-Unis et on est le 8e câblodistributeur en importance en Amérique du Nord. On a réalisé 190 000 nouveaux branchements résidentiels en 2022-2023 et on prévoit en faire 143 000 en 2024-2025 », anticipe maintenant le PDG Philippe Jetté.