(Valcourt) BRP a célébré il y a deux semaines le 20e anniversaire de sa privatisation depuis que la division de produits récréatifs de Bombardier a été vendue à un groupe d’investisseurs, dont la famille Bombardier, la Caisse de dépôt et placement et Bain Capital. Son PDG, José Boisjoli, qui célèbre lui aussi sa 20e année à la barre du fabricant de produits récréatifs, fait le bilan du chemin parcouru et nous brosse les perspectives qui guideront le groupe industriel.

C’est le 18 décembre 2003 que BRP a été officiellement détachée du groupe Bombardier dans le cadre d’une transaction de 980 millions qui visait à renflouer les coffres de ce qui était la multinationale québécoise du transport aérien, du matériel de transport et des produits récréatifs, durement affectés par les effets des attentats du 11 septembre 2001 sur le transport aérien.

« C’est en avril que Bombardier nous a annoncé que la division des produits récréatifs allait être mise en vente. Le lendemain, je devais l’annoncer à nos 2000 employés de Valcourt réunis à l’aréna. Les gens étaient sous le choc et je leur ai dit que je l’étais tout autant qu’eux, mais que c’était maintenant que notre histoire commençait », se rappelle José Boisjoli.

BRP était alors la plus petite division de Bombardier. L’entreprise réalisait des revenus de 2,4 milliards sur les 22 milliards enregistrés par le groupe et employait 7500 personnes. BRP fabriquait et commercialisait essentiellement deux produits : des motoneiges et des motomarines. Il fallait absolument diversifier son offre de produits récréatifs et couvrir toutes les saisons.

Dès 2004, on a mis en place une stratégie pour élargir notre offre. On s’est lancés dans les véhicules tout-terrain, les véhicules côte à côte puis les trois-roues et les produits marins. En 20 ans, on a fait passer de deux à huit nos gammes de produits, et nos ventes sont passées de 2,4 à 10 milliards.

José Boisjoli, PDG de BRP

« En 2003, on avait 1600 concessionnaires qui vendaient nos produits dans 70 pays, mais dans le Sud, ce n’étaient que des motomarines. Aujourd’hui, avec huit gammes différentes de produits, on dessert 3000 concessionnaires dans 130 pays. Nos concessionnaires vendent six fois plus de nos produits qu’à l’époque », renchérit le PDG.

L’empreinte industrielle de BRP s’est aussi considérablement élargie au cours des 20 dernières années alors que le nombre de ses usines est passé de trois – au Canada et en Autriche – en 2003 à 14 sites manufacturiers aujourd’hui répartis dans six pays. Le nombre total d’employés est passé de 7500 en 2003 à 23 000 aujourd’hui dans 26 pays.

Le site de Valcourt, qui comptait 3000 employés en 2003 – soit 2000 travailleurs à l’usine et 1000 cols blancs –, emploie aujourd’hui 4000 personnes, soit 1000 cols blancs de plus, dont 800 ingénieurs attitrés au centre de recherche et développement de BRP.

« On a 4000 personnes qui travaillent dans un village de 2500 habitants, cela vient avec des responsabilités que l’on assume depuis longtemps. On a construit l’aréna municipal, le terrain de golf, une garderie et la piscine municipale, on reste très engagés à Valcourt », souligne José Boisjoli.

Parallèlement au développement de nouveaux produits, le groupe a haussé considérablement ses parts du marché mondial des produits récréatifs, qui sont passées de 10 % en 2003 à 35 % aujourd’hui, dont 60 % du marché mondial de la motoneige et 65 % de celui de la motomarine.

Les marchés de l’avenir

BRP avait délaissé la fabrication de bateaux sport en 2012, mais est revenue en force dans ce secteur en 2018, en faisant l’acquisition de trois manufacturiers : le fabricant de pontons Manitou et ceux de bateaux d’aluminium Alumacraft et Quintrex.

Le marché mondial des produits nautiques est de 36 milliards, et BRP réalise seulement 1 milliard de revenus dans ce segment, que l’entreprise entend développer pour étoffer son offre à ses 3000 concessionnaires.

« BRP est née de l’innovation. On a inventé la motoneige, la motomarine et le trois-roues. L’innovation, c’est le nerf de la guerre, et nos équipes d’ingénieurs travaillent sur plusieurs projets de front », explique José Boisjoli.

Le prochain produit innovant qui sortira des usines de BRP en 2024 sera une moto électrique Can-Am, déclinée en deux modèles qui auront la puissance équivalente à un moteur de 600 cc. Le marché mondial de la motocyclette électrique est estimé à 15 milliards.

IMAGE TIRÉE DU SITE DE BRP

La nouvelle moto électrique Origin de Can-Am

« On investit 300 millions pour électrifier tous nos produits. On a 200 ingénieurs à Valcourt et 100 en Autriche qui ne travaillent que là-dessus. On vient de fabriquer à Valcourt nos premières motoneiges électriques. Dans le secteur de la moto, on veut devenir le Tesla de la moto électrique, la référence mondiale », poursuit le PDG.

L’autre gros segment d’avenir de BRP sera le développement de produits dans la mobilité urbaine, un immense marché de 70 milliards.

BRP a racheté l’an dernier le concepteur et fabricant allemand Pinon, qui a mis au point un système de transmission-moteur électrique ultra compact pour vélos électriques. Pinon vend ses systèmes à des manufacturiers, mais deviendra l’équipementier des E-Bike que lancera BRP d’ici trois à cinq ans.

Le vélo électrique va devenir le prochain gros marché qui va se développer. Nous, on va occuper le marché des produits haut de gamme. Nos équipes de design et de développement travaillent là-dessus, mais une chose est sûre, on va faire nos propres moteurs avec nos propres batteries.

José Boisjoli, PDG de BRP

Après sa privatisation en 2003, BRP est redevenue une société publique lors de son entrée en Bourse en 2013, il y a 10 ans, et on pose souvent la question à José Boisjoli : quel est le plus gros défi ? Est-ce diriger une entreprise privée ou une entreprise publique ?

« Je réponds toujours que c’est beaucoup plus simple de diriger une compagnie privée, mais que tu deviens bien meilleur quand tu diriges une entreprise publique parce que tu dois bien expliquer ta stratégie sans en dire trop pour ne pas réveiller la concurrence. Tu deviens plus stratégique », expose le PDG José Boisjoli.

Rectificatif
Une version précédente de ce texte indiquait que BRP était passé en 20 ans de deux à sept gammes de produits. Il s’agit plutôt de deux à huit gammes. Le nom du PDG de BRP a également été corrigé. Il s’agit de José Boisjoli, et non pas Boisjoly. Nos excuses.