Dans un monde où les faits se voient souvent éclipsés par le sensationnalisme, encourager la concurrence et mettre en œuvre un code de conduite équitable dans l’industrie alimentaire canadienne devrait devenir notre aspiration commune pour 2024.

Ottawa a récemment reçu quelques témoins un peu contraignants. Lors des délibérations du Comité parlementaire de l’agriculture, certains individus ont choisi de privilégier leurs propres intérêts cachés plutôt que d’aider nos élus à comprendre la complexité des prix alimentaires et les actions nécessaires à entreprendre.

En particulier, un économiste apparemment plus intéressé par les titres à sensation et l’attention des médias a fait des déclarations spectaculaires concernant les « profits records et excessifs » dans le secteur de l’alimentation pour 2023. Ces « profits excessifs » ont vite fait partie du slogan favori de ceux qui cherchent à susciter de l’animosité envers les entreprises. Son argument reposait sur les données de Statistique Canada, qui englobent les dépanneurs et les magasins spécialisés dans leur ensemble, et non uniquement les grands distributeurs alimentaires qui regroupent Loblaw/Provigo, Metro et Sobeys/IGA. Le montant sensationnel de 6 milliards de dollars s’est rapidement répandu dans les médias, causant un préjudice considérable.

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Les états financiers vérifiés des entreprises indiquent que les marges nettes, une mesure précieuse pour évaluer si une entreprise exagère, restent à 3 ou 4 %, conformes à la moyenne sur cinq ans pour les trois grands de la distribution alimentaire.

Malheureusement, nous ne devrions pas nous attendre à des excuses de la part de cet économiste. Il semble déterminé à tromper les Canadiens en insistant sur le fait que les profits devraient continuer à augmenter en raison de l’inflation, tout en ayant recours à de gros titres accrocheurs et à des tactiques alarmistes, qui, malheureusement, s’avèrent efficaces auprès d’une population pas toujours bien renseignée. Il s’agissait de l’usage répréhensible d’une tribune pour promouvoir des idées politiques et anticorporatives – une déception totale et malhonnête.

Loblaw/Provigo a également avancé certaines revendications douteuses lors de sa visite à Ottawa concernant les répercussions potentielles d’un code de conduite pour les distributeurs. Poussé par la chroniqueuse Marie-Eve Fournier de La Presse, Galen Weston, PDG du numéro un de la distribution alimentaire au Canada, a admis le 23 décembre que l’exemple australien utilisé pour justifier son refus de signer le code de conduite était inexact. Précédemment, le PDG de Loblaw/Provigo avait exprimé des inquiétudes aux responsables fédéraux selon lesquelles le code de conduite actuel pourrait potentiellement augmenter les prix alimentaires de 1 milliard de dollars, arguant qu’en Australie, le tiers responsable de l’application du code favorisait les fournisseurs demandant des prix plus élevés, ce qui nuirait aux consommateurs. Aucune de ces affirmations n’était fondée.

Au moins, Loblaw/Provigo a finalement reconnu son erreur, bien que ce fût le 23 décembre alors que la plupart d’entre nous étaient affairés aux préparatifs des Fêtes.

Mettant de côté la tentative infructueuse de Loblaw/Provigo d’entraver les efforts de l’industrie pour mettre en œuvre un code de conduite plus discipliné et équitable, l’objectif principal d’Ottawa devrait favoriser la concurrence.

L’essentiel est d’offrir aux consommateurs davantage de choix et de rendre le marché alimentaire canadien plus attrayant pour les investisseurs étrangers. Le code de conduite devrait être un mécanisme dirigé par des tiers indépendants, non gouvernementaux, permettant aux entreprises de résoudre les litiges liés aux conditions contractuelles plutôt qu’aux prix en soi. Actuellement, lorsque les distributeurs alimentaires augmentent unilatéralement les frais d’inscription et de marketing imposés aux fournisseurs, les fabricants augmentent à leur tour les prix pour compenser ces frais plus élevés fixés par les distributeurs. Cela crée un cycle qui finit par concerner les consommateurs, souvent sans qu’ils en aient conscience.

Seule l’instauration d’un code peut faire en sorte que les prix alimentaires deviennent plus stables avec le temps. Dans des pays comme l’Irlande, l’Australie et le Royaume-Uni, où un tel code existe, l’augmentation des prix alimentaires, ajustée à l’inflation entre 2013 et 2023, a été négative, tandis que l’augmentation des prix alimentaires au Canada, ajustée à l’inflation sur une décennie, a atteint 8,9 %. Bien qu’un code de conduite ne puisse pas complètement enrayer l’inflation alimentaire, il contribuera à coordonner l’industrie verticalement et à résoudre les turbulences du marché, souvent déclenchées par des facteurs comme les changements climatiques et la géopolitique, entraînant une volatilité des prix se répercutant sur les consommateurs.

Ottawa devrait contraindre toutes les parties, y compris celles qui s’opposent au code comme Loblaw/Provigo et Walmart, à respecter le code de conduite. Cela devrait être l’objectif commun de tous les Canadiens pour 2024.