Et si, plutôt que de prédire 2024, nos chroniqueurs tentaient d’imaginer ce qui n’arrivera pas ?

L’économie québécoise a beau être en récession technique et l’économie canadienne être elle aussi sur le point de sombrer en mode contraction, le mouvement de hausse généralisée des prix que l’on a observé depuis plus de deux ans n’est pas près de disparaître, et le monde dans lequel on vit n’est pas sur le point non plus de se transformer en royaume des aubaines.

Les hausses répétées des taux d’intérêt ont finalement porté leurs fruits en contribuant au ralentissement de l’activité économique, ce qui a permis de freiner la progression du taux d’inflation qui a finalement été ramené à un niveau plus acceptable, comme celui que l’on observe depuis les six derniers mois.

On enregistre des hausses moyennes mensuelles du taux d’inflation tout juste au-dessus de la barre de 3 %, ce qui le rapproche de la fourchette cible fixée entre 2 et 3 % par la Banque du Canada.

Mais on constate toujours des poches de résistance où les hausses de prix restent tenaces, en ralentissement peut-être, mais toujours bien présentes et encore bien pesantes pour le portefeuille des consommateurs.

C’est le cas de l’alimentation, où les prix continuent toujours d’augmenter. Même si le rythme des hausses ralentit, le mouvement se poursuit et ne donne pas de signes de vouloir s’arrêter.

C’est encore plus vrai pour le secteur du logement. Dans les composantes de l’inflation, ce sont encore les coûts du loyer qui sont parmi ceux qui augmentent le plus chaque mois. C’était une hausse de 8,3 % le dernier mois, alors que le taux d’inflation général progressait de 3,1 %.

Les récentes augmentations mensuelles du coût du logement que le Canada vient d’enregistrer sont les plus importantes en 40 ans, et le phénomène n’est pas près de s’estomper puisque l’immigration record qu’enregistre le pays fait une pression énorme sur la demande de logements, ce qui entraîne une hausse des prix des loyers.

Le Canada a accueilli plus de 1 million de nouveaux arrivants au cours des quatre derniers trimestres, et Statistique Canada vient de nous apprendre que le Québec abritait présentement plus d’un demi-million d’immigrants temporaires, soit 528 000, ce qui représente une hausse spectaculaire de 46 % en un an.

Tous ces nouveaux arrivants doivent se loger, et le nombre de logements disponibles n’augmente pas au rythme de la croissance démographique. Le déséquilibre est rendu insoutenable.

Des loyers introuvables et hors de prix

Selon un agrégateur de sites de petites annonces publiées à Montréal, le prix moyen d’un trois pièces et demie s’élevait l’été dernier à plus de 1500 $ dans la métropole. On parle ici d’un logement avec une seule chambre à coucher, pas d’un appartement capable de loger une famille.

Pour un quatre et demie, il fallait débourser près de 2000 $ pour pouvoir espérer trouver quelque chose dans l’île de Montréal, alors que les prix dans la grande région métropolitaine n’étaient que légèrement inférieurs.

Ces aberrations de prix ne sont pas le fait d’un phénomène passager ; elles sont là pour de bon comme on le voit dans les autres grandes villes canadiennes, là où il n’y a pas d’offre conséquente.

On attribue à la hausse des taux d’intérêt la faiblesse du nombre de nouvelles mises en chantier en 2023, mais même lorsque les taux étaient à un niveau plancher, la construction de logements abordables souffrait nettement du manque d’intérêt des promoteurs immobiliers.

Le résultat est qu’aujourd’hui, c’est la rareté des logements disponibles bien plus que les coûts de financement hypothécaire qui fait pression à la hausse sur les prix. Les propriétaires ont le beau jeu d’exiger des prix de fous pour leur trois pièces et demie, ils vont trouver preneur.

Cela va prendre des années avant qu’on puisse retrouver un équilibre permettant un accès adéquat au logement, et ce n’est pas en 2024 qu’on va seulement être en mesure d’assister à l’éclosion de projets structurants de logements abordables.

On s’étonne chaque semaine de voir le nombre de personnes qui ont un emploi et qui doivent quand même profiter des services des banques alimentaires de leur quartier. Elles ne le font pas parce que le prix du panier d’épicerie a explosé ; elles le font parce qu’elles consacrent une partie disproportionnée de leurs revenus au paiement mensuel de leur loyer.

Centraide Montréal l’a clairement déterminé, c’est le coût du logement dans le Grand Montréal qui reste le principal vecteur d’appauvrissement de la population la plus vulnérable.

Il n’est pas normal qu’un ménage consacre plus de 50 % de ses revenus nets à se loger, mais la réalité est qu’il y en a de plus en plus qui y consacrent encore davantage. Rendre à nouveau le logement abordable, c’est un grand chantier qu’il faut rapidement mettre en branle dès 2024.